Lot 4
  • 4

[Baudelaire, Charles] [Dossier concernant Joseph François Baudelaire (1759-1827) père du futur poète]. 42 documents datés entre 1786-1824.

Estimate
8,000 - 12,000 EUR
Log in to view results
bidding is closed

Description

  • [Baudelaire, Charles]
  • [Dossier concernant Joseph François Baudelaire (1759-1827) père du futur poète].42 documents datés entre 1786-1824.
1) 12 lettres autographes, dont une signée d’un paraphe, du duc Antoine-César de Choiseul-Praslin (1756-1808), à François Baudelaire. Avec deux lettres de la duchesse de Choiseul-Praslin et un extrait du testament de celle-ci en faveur de François Baudelaire.
Francière, Valogne, Maugé, Angers, Bayeux, Caen et Rocroy, 1786-1791. 27 pages in-4 ou in-8, la plupart sur papier vergé, dont deux avec adresses autographes. Très bon état général de conservation (quelques marques de pliures, minimes rousseurs).



Correspondance empreinte de gratitude et de confiance du duc de Choiseul-Praslin au précepteur de ses fils, Félix né en 1778 et Alphonse né en 1780. Il dit à maintes reprises sa reconnaissance et la satisfaction des soins et de la patience que François Baudelaire apporte à l’instruction de ses enfants : « je serai toujours content d’eux toutes les fois que vous le serez ».  De Francière, le 22 juin 1787, il le remercie également pour l’envoi d’affiches à propos de l’opéra de Beaumarchais, Tarare [sur une musique de Saliéri] : « Je crois que ce ne sera pas la dernière pierre qu’on jettera dans le jardin de Beaumarchais au sujet de Tarare ; mais je crois qu’il n’en sera pas plus embarrassé que des vérités qu’on lui a souvent dites. […] ». Une intéressante lettre, datée de Valogne le 13 septembre 1788, évoque la prochaine réunion des états généraux, dont Choiseul-Praslin sera lui-même délégué pour la sénéchaussée du Maine : « […] J’avoue que je ne m’absenterai guère pendant ce tems-là. […] Il faut voir ce que fera M. N[ecker]. Je m’attends à quelque bonne opération de sa part pour nous ôter de l’état de crise où nous sommes. On m’a parlé de M. de Castries pour être ministre s’il y a quelques changements dans le ministère […] ». La correspondance s’interrompt pendant quelques années et reprend en 1791, alors que Choiseul-Praslin inscrit malgré lui sur une liste d’émigrés, attend à Rocroy son congé militaire. 
Les deux lettres de la duchesse de Choiseul-Praslin, non datées, rendent grâces à François Baudelaire des bonnes nouvelles qu’il lui donne de ses enfants. On joint un extrait autographe du testament de cette dernière, daté du 23 Prairial an XIII [12 juin 1805] par lequel elle lègue à l’ancien instituteur de ses fils « un exemplaire des Antiquités d’Herculanum » et le remercie de son dévouement lors de leur détention [en 1793 avant la chute de Robespierre].



2) 22 lettres ou notes, dont 5 écrites par François Baudelaire et 17 lettres qui lui sont adressées, datées de 1814 à 1816.
Intéressant dossier datant de la période durant laquelle le père du poète fut employé à l’administration de la Chambre des Pairs puis à la Préture du Sénat, au moment de l’abdication de Napoléon, des Cent-Jours et du retour des Bourbons sur le trône de France.



* 4 pièces concernant la nomination de François Baudelaire comme sous-lieutenant dans la Garde Nationale de Paris.

* 3 lettres ou notes autographes signées de François Baudelaire à François Barthélemy, Président du Sénat, datées des 2, 3 et 7 avril 1814 (sur 3 p. in-4). Il a transmis au Président les lettres des sénateurs qui ne pourront assister à la séance décrétant la destitution de Napoléon. Le 7 avril, il demande notamment sous quels titres il faut désormais convoquer Talleyrand, prince de Bénévent [nommé le 1er avril 1814 chef du Gouvernement provisoire].
* 4 lettres ou notes autographes signées du Président du Sénat, François Barthélemy, datées des 2, 4 et 5 avril 1814. Relatives à la convocation des sénateurs à diverses séances : le 2 avril pour un entretien le soir même avec l’Empereur Alexandre, le 3 « pour entendre et adopter la rédaction définitive du considérant du décrêt de déchéance prononcé dans la séance du 2 avril contre l’Empereur Napoléon & sa famille », et le 5 avril pour une séance présidée par Talleyrand.
* 3 lettres de sénateurs  adressées à J. François Baudelaire, chef des bureaux de la Préture du Sénat.
* 4 lettres signées dont une autographe de Charles Louis Huguet de Sémonville, datées du 25 juillet 1814 au 3 août 1816, adressées à François Baudelaire. Le jour même du retour triomphal de Napoléon 1er, le 20 mars 1815, Sémonville annonce son départ de la capitale, et laisse entre les mains de Baudelaire la partie d’administration qui lui revient. Un an plus tard, l’état de santé de Baudelaire ne lui permettant plus d’assurer ses fonctions, une indemnité exceptionnelle de retraite lui est accordée. Son fils Alphonse (alors âgé de 10 ans) est attaché à l’administration du Luxembourg, en qualité de surnuméraire, en attendant que son âge lui permette de remplir des fonctions régulières. On joint un brouillon autographe de F. Baudelaire, à Sémonville, daté du 1er janvier 1815, le remerciant chaleureusement de cette mesure. Alphonse, qui en est extrêmement fier, a soigneusement recopié la lettre de son père.




3) 8 documents, 1807-1824.



* Carte civique, datée du 1er avril 1807. Carte reproduite dans l’Album Baudelaire de la Pléiade, ill. n° 4.
* Deux cartes d’électeur, signées, délivrées à Paris le 10 septembre 1817 et le 23 février 1824. L’adresse qui figure sur la seconde carte, 13 rue Hautefeuille, est celle du lieu de naissance de Charles Baudelaire. Cartes reproduites pour la première dans l’Album Baudelaire de la Pléiade, ill. n° 5, et pour la seconde dans Le Manuscrit Autographe, numéro spécial consacré à Charles Baudelaire (Paris, Blaizot, 1927).
* Carte d’entrée, signée, aux Musées Royaux du Louvre et du Luxembourg. Délivrée le 4 mai 1821 au demi-frère de Charles, Alphonse Baudelaire, qui avait alors 16 ans. Charles venait de naître, le 9 avril 1821. Carte reproduite dans l’Album Baudelaire de la Pléiade, ill. n° 25.
* Passeport, signé, délivré à Paris le 14 juillet 1823. Laissez-passer pour circuler librement dans les départements de l’Aisne et de la Haute-Marne accordé à M. Joseph-François Baudelaire, propriétaire « qui voyage avec son épouse et ses deux fils ». Charles Baudelaire était alors âgé de deux ans. Le père du futur poète possédait également dans l’Aisne une propriété à Vendhuille.
Provenance : collection Armand Godoy.
* 3 déclarations fiscales concernant les biens de François-Joseph Baudelaire, 1823-1824. Relatives à la propriété de Vendhuille (Aisne)  et à une autre, à Neuilly [c’est dans cette propriété de Neuilly, près du bois de Boulogne, que Charles et sa mère continueront de séjourner après la mort de François Baudelaire. Cette demeure fut évoquée dans un poème des Fleurs du Mal, "Tableaux Parisiens" : « Je n’ai pas oublié, voisine de la ville, / Notre blanche maison, petite mais tranquille ; / Sa Pomone de plâtre et sa vieille Vénus / dans un bosquet chétif cachant leurs membres nus". François Baudelaire devait laisser à son fils Charles un important patrimoine dont le poète aurait dû entrer en possession à sa majorité en 1842.




4) Annotation autographe de Caroline Aupick, mère de Charles Baudelaire, au verso d’un Avis imprimé de la Préfecture de Police. Mme Aupick a noté [2 mots illisibles ( papier et reçu ?)] « … provenant de l’exhumation de mon mari qui a été faite en ma présence le 19 mai 1851 ». François Baudelaire avait été inhumé au cimetière du Montparnasse en février 1827, et nul renseignement ne nous est parvenu au sujet de cette exhumation. Son fils Charles devait lui aussi être enterré dans ce même cimetière, 40 ans après, dans le caveau familial du général Aupick avec cette unique indication « Charles Baudelaire son beau-fils ».

Catalogue Note

Homme lettré et amateur de beaux-arts, le père de Charles Baudelaire entra au service du duc de Choiseul-Praslin en 1785 comme précepteur de ses deux jeunes fils. Lorsque survint la Révolution, les Choiseul-Praslin qui n’avaient  pas émigré durent malgré tout se cacher et François Baudelaire continua à veiller fidèlement sur les deux enfants tout en restant en correspondance avec le duc et son épouse. En 1791 ou 1793 selon les sources, François Baudelaire renonça à la prêtrise et se maria avec Jeanne-Justine-Rosalie Janin, une femme assez aisée dont il eut un fils, Alphonse Baudelaire (1805-1862) et qui lui laissa quelques biens en héritage lorsqu’elle mourut en 1814. Entretemps, François Baudelaire avait été nommé à un important emploi très bien rémunéré au Sénat, par l’entremise de ses anciens protecteurs, l’un des deux fils Choiseul étant devenu sénateur. Toujours amateur d’art, il fréquentait des artistes, tels que le sculpteur Ramey ou le peintre Naigeon ; il avait réuni une collection de tableaux et lui-même s’adonnait volontiers à la peinture. Ayant atteint la soixantaine, et disposant désormais d’une coquette fortune, François Baudelaire se remaria en 1819 avec une jeune femme de 34 ans sa cadette, Caroline Archambault-Dufaÿs, une orpheline désargentée, élevée par son oncle. En 1821 naquit de cette nouvelle union Charles Baudelaire, dans la maison de la rue Hautefeuille où son père, qui avait pris sa retraite pour raison de santé, s’était installé. Charles y était veillé par la fidèle servante, Mariette.
L’enfant ne profita que quelques années de ce père du siècle précédent, qui aurait pu être son grand-père. François Baudelaire mourut en effet le 10 février 1827, Charles allait avoir 6 ans. « Ma vie a été damnée dès son commencement » devait-il écrire bien plus tard.
Assez peu de temps après la mort de son mari en 1827, Caroline Baudelaire-Dufaÿs, contracta un second mariage avec le colonel Jacques Aupick, qui devait plus tard devenir général, et avec lequel elle n’eut, semble-t-il, qu’un enfant qui ne survécut pas à la naissance. Charles resta donc son fils unique et fut élevé par un beau-père dont le caractère très raide s’accordait on ne plus peut mal avec le caractère de l’enfant. A sa majorité, en 1842, Charles Baudelaire demanda à entrer en possession de l’héritage de son père, un patrimoine constitué notamment de diverses propriétés, dont sa part s’élevait à environ cent mille francs or. Par mesure de sécurité face à la prodigalité du poète, sa part d'héritage fut confiée à un notaire et versée au compte-gouttes à Charles, l'accession à sa fortune devenant l'une des tortures de la vie du poète. En revanche, Joseph François Baudelaire avait peut-être fait à ce fils qu’il n’accompagna que jusqu’à ses six ans un legs plus important, une sensibilité et un goût pour les arts qui lui furent précieux toute sa vie et c’est sans doute durant les brèves années où ils se promenèrent côte à côte aux alentours du jardin du Luxembourg, lorsque Charles vit son père se consacrer à sa peinture, que l’essentiel lui fut subtilement transmis.