Lot 15
  • 15

Baudelaire, Charles Les Fleurs du Mal. Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1857.

Estimate
50,000 - 80,000 EUR
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Description

  • Baudelaire, Charles
  • Les Fleurs du Mal. Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1857.
In-12, 191 x 124 mm.



Reliure doublée signée de Canape (1922).
Plein maroquin noir, plats encadrés de cinq filets à froid, dos à cinq nerfs, caissons encadrés de filets à froid, lettres dorées, doublure de maroquin rouge encadrées de filets dorés, gardes de moire noire, tranches dorées sur témoins, couverture et dos conservés. Étui. Excellente condition.



Édition originale, exemplaire non expurgé bien complet des six pièces condamnées, à toutes marges et avec les couvertures de troisième état (prix « 3 francs » au dos et fautes corrigées).

Provenance

Armand Godoy.

Literature

Lettre de Barbey d'Aurevilly publiée par Cl. Pichois dans Lettres à Charles Baudelaire, Neuchâtel, La Bacconière, 1973.

Catalogue Note

Précieux exemplaire du grand collectionneur baudelairien Armand Godoy (1880-1964). D’origine cubaine, Armand Godoy avait élu la France pour patrie littéraire et voua un culte fervent à Charles Baudelaire.

1 Baudelaire avait publié en revue, au fil des années, un grand nombre de poèmes qu’il avait donc déjà revus et corrigés. Une cinquantaine de poèmes étaient entièrement nouveaux. Le manuscrit des Fleurs du mal fut remis au correspondant parisien de Poulet-Malassis le 4 février, ce qui ne constituait pas un retard excessif étant donné l’ampleur de la tâche et les ambitions de Baudelaire, qu’il ne pouvait pas encore exprimer : il espérait, grâce à cette œuvre, égaler les plus grands poètes de son siècle.  L’éditeur, lui, était préoccupé par de tout autres problèmes : des questions de calendrier et de décompte des lignes à imprimer. Mais à la différence d’autres éditeurs, Poulet-Malassis conserva son amitié à Baudelaire et ne se permit pas de l’admonester. Il préfère ici appeler Asselineau à la rescousse.
2 Lettre d’irritation du poète qui à son tour s’impatiente à propos de ses épreuves. Entre la remise du manuscrit début février et la mise en vente de l’ouvrage le 25 juin 1857 une bataille acharnée sera menée par le poète pour la perfection typographique de son œuvre. Poulet-Malassis s’insurgea contre les impatiences et la minutie plus que scrupuleuse avec laquelle Baudelaire exigeait de revoir toutes les épreuves, comme il s’en plaignit par une note au verso d’une des épreuves imprimées du titre : « on trouvera dans ma bibliothèque, un exemplaire d’épreuves des Fleurs du mal qui fera connaître le désir de perfection et les scrupules de l’auteur et donnera une bonne idée de la patience de l’imprimeur. » Tout en se montrant exigeant et irrascible, Baudelaire n’en marque pas moins son amitié à Poulet-Malassis. Ce dernier, de même, en dépit de tous ses soucis d’éditeur ne renonça jamais  et apporta sa pierre, lui aussi très consciencieusement, pour que naisse ce chef-d’œuvre. Provenance : ancienne collection Ronald Davis. Lettre transcrite dans le volume I de la Correspondance de C.B., Pléiade, p. 406.
3 Paul Gaschon de Molènes (1821-1862) était soldat et écrivain. C’était également un mondain et un dandy ce qui n’était pas pour déplaire à Baudelaire qui lui consacra une notice après sa mort, parlant de lui comme « un de nos plus charmants et délicats romanciers ». Il participa aux campagnes de Crimée et d’Italie et publia des récits sur la vie militaire mais aussi des nouvelles et des chroniques sur ses contemporains. Le nom de Molènes apparaît à plusieurs reprises dans le carnet de Notes de Baudelaire tenu dans les années 1860. La veuve de l’écrivain, Mme Gaschon de Molènes, qui prit en littérature le pseudonyme d’Ange-Benigne, évoqua ses souvenirs de Baudelaire dans un article du Gaulois en 1886. Référence : Correspondance (éd. de la Pléiade, vol. II, p ; 42 et note, v) et Œuvres complètes (vol. II, pp. 215-216. Appendice à l’art romantique. Paul de Molènes, in Revue anecdotique, mars 1862).  
4 Très intéressant document qui semble le premier à annoncer l’hypothèse d’une saisie des Fleurs du Mal. Cette lettre est  datée du 4 juillet. Ce même jour, Edmond de Goncourt flâne dans Paris et note « j’ouvre à un étalage, Les Fleurs du Mal, de Baudelaire… » Le lendemain, le processus s’enclenche avec la publication d’une diatribe contre les Fleurs du Mal dans Le Figaro, journal alors friand de scandales : « L’odieux y coudoie l’ignoble ; le repoussant s’y allie à l’infect … Ce livre est un hôpital ouvert à toutes les démences de l’esprit, à toutes les putridités du coeur ».  Tout de suite la machine judiciaire se mit en branle : dès le 7 juillet la direction de la sûreté publique saisissait le Parquet qui donna dix jours plus tard un avis favorable aux poursuites et ordonna la saisie de l’ouvrage. Juste avant, le 11 juillet, Baudelaire avait écrit à Poulet-Malassis lui demandant de mettre à l’abri « toute l’édition », ce que l’éditeur ne fit pas selon lui avec la célérité nécessaire. Ainsi Lanier avait été bien informé et « les bruits » dont il se faisait l’écho étaient tout à fait fondés. Cette lettre où il mentionne des bruit répandus « dans la haute société » semble confirmer les soupçons de Baudelaire qui pensait, selon Charles Asselineau, que l’article du Figaro « était parti du ministère de l’Intérieur ». Réf. Lettre publiée par J. Crépet, Bulletin du Bibliophile, série de guerre, n° 5-10, 1945, p. 207, n° 2. (Source CB, la Pléiade, t. I p. 1177, note 3).  
5 Cette lettre est un magnifique témoignage du soutien amical et affectueux que Barbey d'Aurevilly apporta à Baudelaire lors du procès qui le condamna à une amende et à la suppression de six poèmes du recueil des Fleurs du Mal. Barbey rédigea pour la défense du livre un article qui fut refusé par Le Pays, journal dont  il tenait la chronique littéraire depuis plusieurs années. Le texte de Barbey fut finalement tiré à une centaine d’exemplaires dans le recueil des Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des Fleurs du mal. Barbey voulait y mettre en évidence « l’architecture secrète » du livre et insister sur l’effet moral qui s’en dégage lorsqu’on comprend qu’il est « une œuvre poétique de la plus forte unité ». Il tenta également de mobiliser ses amis autour de Baudelaire, comme ici Raymond Brucker qu’il espérait voir intervenir auprès du substitut du procureur, Ernest Pinard (le même magistrat qui avait été l’auteur du réquisitoire contre Madame Bovary l’année précédente).
Les lettres sont jointes volantes.