Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lots 99 à 171)

[Proust, Marcel] – Anna de Noailles

Les Éblouissements. 1907. avec pastiche de Proust, lettre de Proust et un poème de Noailles

Lot Closed

June 22, 02:34 PM GMT

Estimate

6,000 - 8,000 EUR

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Description

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lot 99 à 171)


[PROUST, MARCEL] – ANNA DE NOAILLES 

Les Éblouissements.

Paris, Calmann-Lévy, 1907


AVEC UN PASTICHE DE PROUST À REYNALDO HAHN ET UNE LETTRE INÉDITE À ANNA DE NOAILLES.


In-12 (182 x 115 mm). Demi-maroquin rouge à coins, dos à nerfs orné et mosaïqué de points de maroquin vert émeraude, tête dorée, couverture et dos (E. & A. Maylander)


Édition originale.


Un des 15 exemplaires sur Chine (n° 9), seul grand papier.


[On joint :]

PROUST, Marcel. Lettre autographe signée, probablement inédite, à Anna de Noailles. [Vers mars 1907 ?].

3 pages in-12, 173 x 111 mm, sur un bifeuillet, filigrané "Victoria Mill", à l’encre mauve, montées sur onglet avant la couverture.

À propos de son poème "Les îles bienheureuses" (p. 156-158 du recueil) :

"Madame,

Je vous remercie infiniment. J’ai justement à vous écrire et vous écrirai demain. Je tâcherai aussi de venir mais après dîner seulement, n’étant pas encore bien. Acceptez, Madame, mes hommages respectueux et doublement admiratifs car après avoir pénétré l’autre soir dans l’Île Bienheureuse, j’ai lu les Îles Bienheureuses. Il n’y a plus d’Îles Bienheureuses. L’enchanteresse donne un démenti au sage que vous êtes aussi. Trop éminents l’une et l’autre pour m’en vouloir de leur écrire hâtivement sur ce papier vulgaire. Mon pauvre Leuchars habituel [son fournisseur de papier à lettres filigrané] ne serait guère plus près de nous. Marcel Proust"


En mars 1907, Proust écrit en trois heures un long article sur Les Éblouissements qui paraît, réduit, le 15 juin suivant dans Le Figaro ─ premier de ses articles publiés dans le supplément littéraire du journal mais dans une version réduite. L'exemplaire qu'il avait reçu de la comtesse portait cet envoi : "Mon cher Marcel, je suis très émue de vous envoyer Les Éblouissements, ce livre, en témoignage de toute mon admiration, de toute mon amitié. Anna de Noailles" (Pyra Wise, "Une bibliothèque amicale. Les livres dédicacés à Marcel Proust", Revue d'études proustiennes, n° 5, 2017, p. 270).


Leuchars & Sons, 2 rue de la Paix, était, avec Mlle Ludlwo, au 102 boulevard Haussmann l'un des principaux papetiers chez lesquels Proust se fournissait (voir Corr., X, p. 103 et 291, XX, p. 282).


NOAILLES, Anna. Poème autographe signé. [1906-1907]. Une page in-4 pliée, 219 x 173 mm, montée sur onglet avant la couverture.


Ce sont les 2 derniers quatrains du poème "Les Terres chaudes" publié dans Les Éblouissements (p. 52 de la présenté édition) :

"Et pourtant il faudra nous en aller d’ici,

Quitter les jours luisants, les jardins où nous sommes

Cesser d'être des yeux, du sang, des mains, des hommes,

[...]

Descendre par l'étroite horizontale porte

Où l'on passe étendu, voilé, silencieux

[...]

Hélas ! Je n’étais pas faite pour être morte…".


PROUST, Marcel. Pastiche d'un poème des Éblouissements d'Anna de Noailles, adressé à Reynaldo Hahn. [1908.]

2 pages in-12 (172 x 112 mm) sur un bifeuillet, monté en tête du volume après la couverture).


Amusant texte semblant reprocher au compositeur ses voyages hors de Paris, loin de Proust.


"Petit pastiche de Mme de Noailles pour mon Buncht

Mon cœur sage, fuyez l’odeur des térébinthes,

Voici que le matin frise comme un jet d’eau.

L’air est un écran d’or où des ailes sont peintes :

Pourquoi partiriez-vous pour Nice ou pour Yeddo ?


Quel besoin avez-vous de la luisante Asie,

Des monts de verre bleu qu’Hokusaï dessinait,

Quand vous sentez si fort la belle frénésie

D’une averse dorant les toits du Vésinet !


Ah ! partir pour le Pecq, dont le nom semble étrange,

Voir avant de mourir le Mont Valérien

Quand le soigneux couchant se dispose et s’effrange

Entre la Grande Roue et le Puits artésien.


Est-ce que ça n’est pas assez genstil cher Tininuls mais je crois que ce serait mieux de dire : Ah ! partir pour Puteaux, dont le nom déconcerte !"

Dans ce pastiche, "Proust reprend l'inspiration lyrique et romantique qui célèbre la réunion de la nature et de la civilisation et qui donne à la poésie de Noailles un air un peu suranné. Ce pastiche réécrit notamment 'Le voyage sentimental', recueilli dans Les Éblouissements (p. 22-25), dont il reprend la composition en quatrains de rimes croisées, mais aussi la manière qu'a Anna de Noailles de faire tinter certains noms propres. Proust joue également de l'emploi récurrent chez elle de l'épithète 'luisant' et de ses dérivés, ou du thème de 'l'or' tout aussi omniprésent. Dans cet échange épistolaire, Proust évoque probablement un projet de voyage de Reynaldo Hahn" (Essais, p. 1603-1604).


PROVENANCE:

Raoul Simonson (ex-libris).

Charles Hayoit (ex-libris ; V, 2005, n° 213).

Hubert Heilbronn (ex-libris).


LITERATURE:

Bulletin d'informations proustiennes, n° 37, 2007, n° 213 (exemplaire cité).

M. Proust, Essais, éd. A. Compagnon, Pléiade, 2022, p. 628.

M. Proust, Lettres à Reynaldo Hahn, éd. Ph. Kolb, 1956, p. 165, n° 106.

M. Proust, Poèmes, éd. C. Francis et F. Gontier, Gallimard, Les Cahiers de la N.R.F., 2018, p. 65 et 175-176.

Sur l'influence d'Anna de Noailles sur Proust, voir Catherine Perry, "Flagorneur ou ébloui ? Proust lecteur d'Anna de Noailles", Bulletin Marcel Proust, 1999, n° 49, p. 37-53.

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