Lot 33
  • 33

Francis Picabia

Estimate
800,000 - 1,000,000 EUR
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Description

  • Francis Picabia
  • ERGO
  • signé Francis Picabia en bas à gauche et daté 1947 en bas à droite
  • huile sur toile
  • 195 x 114 cm; 76 3/4 x 44 1/2 in.

Provenance

Galerie René Drouin, Paris
Collection particulière, Paris
Christie et Lionel Cavalero (Galerie Cavalero), Cannes (vente : Artus Enchères Calmels Cohen, Collection Cavalero, 24 novembre 2002, lot 208)
Acquis lors de cette vente par le propriétaire actuel

Exhibited

Paris, Galerie René Drouin, 491, 50 ans de plaisir, mars 1949, no. 96
Paris, Galeries Nationales du Grand Palais, Francis Picabia, 1976, no. 234, illustré p. 175 (titré Abstrait)
Düsseldorf, Städtische Kunsthalle; Zürich, Kunsthaus; Stockholm, Moderna Museet, Francis Picabia,1983-84, no. 146, illustré p. 137
Seibu Takanawa, The Museum of Modern Art; Tokyo, The Seibu Museum of Art, 1984, Francis Picabia, no. 75, illustré
Madrid, Fundacio Caja de Pensiones, Salas Pablo Ruiz Picasso; Barcelona, Centre Cultural de la Caïxa de Pensions, Francis Picabia, 1879-1953, exposición antológica, 1985, no. 160, illustré p. 209
Edimbourg, Scottish National Gallery of Modern Art; Francfort, Galerie Neuendorf, 1988, Picabia, 1879-1953, no. 69, illustré p.115
Paris, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, Passions privées, 1995-96, no. 3, illustré p. 248

Literature

Woldemar Klein, Abstrakte Kunst: Theorien und Tendenzen, Sonderausgabe des Zeitschrift Das Kunstwerk, Baden-Baden, vers 1950, illustré p. 93
Maria Lluïsa Borràs, Picabia, Paris, 1985, décrit no. 862, p. 534, illustré no. 1062, p. 479

Condition

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Catalogue Note

Une fois de plus, comme tant de fois depuis l'aube de ce siècle, vous nous conviez à lever les yeux vers une nouvelle volière de vos idées dont le plumage (la peinture) ne fait qu'un avec le chant (de vos poèmes). André Breton

(André Breton, lettre du 1er décembre 1952, à l'occasion de l'exposition Francis Picabia, galerie Colette Allendy, in Le Surréalisme et la Peinture, 1965, Paris, pp. 224-225.)

 

A la fin de la deuxième guerre mondiale, un nouveau type de peintures monumentales à la palette éclatante se répand, reflétant la joie de vivre retrouvée qui suit la fin des années de guerre. Picabia participe à ce mouvement, avec Léger et Picasso, composant alors des oeuvres qui témoignent de l'énergie et de la vitalité créatrice d'un artiste capable de se réinventer et de surprendre jusqu'à la fin de sa carrière.

 

En février 1945, Picabia retrouve Paris, après avoir passé la guerre dans le sud de la France. Avec la Libération, Picabia retrouve un nouveau rythme de vie, de nouveaux amis et entreprend un changement radical de style dans sa peinture. Henri Goetz et Christine Boumeester, qu'il apprécie depuis 1942, l'amènent à fréquenter la jeune génération d'artistes : Soulages, Hartung, Atlan entre autres. Ses peintures sont en phase avec les courants d'avant-garde qui privilégient l'abstraction comme seule alternative à un surréalisme surexploité qui a conduit l'art à un point mort par un abus du langage figuratif. Mais Picabia crée des œuvres totalement originales, sans rapport avec le travail sur la matière d'un Fautrier ou la peinture gestuelle de Mathieu et Hartung. Leur constante est l'absence d'unité formelle, une composition très structurées, simple, parfois biomorphique. Les couleurs, éclatantes dans Ergo, sont traitées en aplats et les fonds sont faits de touches denses. Un rythme dynamique s'empare de sa peinture qui correspond à la frénésie de sa nouvelle vie. Le Bal Nègre de 1947, du nom d'un club que Picabia fréquentait, illustre cette atmosphère (Fig. 1).

 

Il laisse libre cours à l'instinct, au désir et aux pulsions érotiques qui envahissent sa peinture et qu'il met en rapport avec la fécondité artistique, sans doute pour conjurer la mort, l'artiste ayant souffert en 1944 de sa première attaque cérébrale. Beaucoup d'œuvres de cette époque exposent un répertoire de signes et d'archétypes qui renvoient à des symboles sexuels, parfois évidents, parfois dissimulés derrière des apparences décoratives. La femme est alors représentée par des signes, comme les torsades dans Ergo, qui peuvent représenter ses longs cheveux dénoués. Cette quête d'une peinture symbolique et expressive rappelle les œuvres des peintres influencés par le Surréalisme comme Picasso ou Miro, mais aussi Pollock dans ses premières années. La parenté du langage formel est ainsi frappante dans Male and Female. (Fig. 2). Le titre Ergo, palindrome qui donne Ogre, est en correspondance avec les œuvres de Picasso de la fin des années 20, où lignes dynamiques et agressives dessinent des femmes pièges (Fig. 3).

 

Comme Picasso, Picabia  s'est également inspiré des arts d'Afrique et d'Océanie, les motifs répétés de chevrons, traits, vagues, pouvant évoquer des scarifications, tandis que les signes triangulaires rappellent les clous des sculptures rituelles africaines. Picabia possédait une petite collection de sculptures d'art tribal et, à la fin des années 40, le photographe Michel Sima le représente tenant dans ses bras un objet-oiseau dont les formes pourraient avoir inspirées Ergo. (Fig. 4) Les oiseaux ont toujours joué un rôle important dans l'œuvre de Picabia. Points de départ d'un processus de métamorphose, schéma fréquent depuis les transparences, ce qui n'est pas sans rappeler les bestiaires fantastiques de Max Ernst et de Wilfredo Lam. On peut par ailleurs voir dans l'homonymie Ergo/Ergots, une allusion à la représentation d'un oiseau fabuleux dont la nature serait suggérée par les longues tiges terminées par des crochets qui divisent la composition en son milieu et qui évoquent pattes et serres animales.

 

Ainsi, si Picabia explore une nouvelle voie picturale totalement en rupture avec la période des Nus qui précède, il compose comme à son habitude avec une parfaite connaissance de l'art de son temps et une synthèse de ses périodes précédentes. Certaines de ces œuvres évoquant les grandes peintures abstraites des années 1913-14, les couleurs vibrantes des monstres, les superpositions des transparences et les compositions abstraites de la fin des années 30. Cette synthèse picturale s'accompagne d'un retour à la poésie, activité essentiellement liée à sa période dada, comme si l'artiste avait besoin de se replonger dans son passé et de solliciter tous ses moyens d'expression pour évaluer sa trajectoire, s'exprimer sur la vie et la mort.

 

Cette dernière période de la vie de Picabia est également celle des hommages - le Musée National d'Art Moderne achète Udnie en 1949 - et des rétrospectives. Une importante exposition a lieu en 1949 à la galerie René Drouin, une des principales galeries d'avant-garde de l'époque. 136 œuvres sont présentées, dont Ergo, remportant un triomphe critique. Picabia dans cette exposition boucle la boucle, son catalogue, par son format et son titre, 491, 50 ans de plaisir, étant un hommage évident à la revue dada 391. Au même moment Picabia commence ses Points : anti-peinture que la critique interprète sous le signe de la destruction dada ou, comme l'annonce Michel Seuphor, « point final » à la carrière d'un artiste qui aura toute sa vie, depuis dada, cherché par un renouvellement stylistique permanent, la réponse à la question de la mort ou de la survie de l'art.

Fig. 1  Francis Picabia, Bal Nègre, 1947, huile sur toile, vente : Sotheby's, New York, 7 novembre 2006, lot 51, vendu $1,808,000
Fig. 2  Jackson Pollock, Male and Female, vers 1942, huile sur toile, Philadelphia Museum of Art
Fig. 3   Pablo Picasso, Femme dans un fauteuil, huile sur toile, 1927, Musée Picasso, Paris 
Fig. 4  Francis Picabia vers 1950, photographie de Michel Sima

signed 'Francis Picabia' lower left, dated '1947' lower right; oil on canvas. Painted in 1947.