Lot 14
  • 14

Jean-Marc Nattier

Estimate
500,000 - 700,000 EUR
Log in to view results
bidding is closed

Description

  • Jean-Marc Nattier
  • La Justice châtiant l’Injustice, dit Madame Adélaïde sous les traits de la Justice
  • Huile sur toile agrandie

Provenance

Commandé par Jean-Philippe d’Orléans, Grand Prieur de France, pour le Palais du Temple de l’Ordre de Malte, Paris, 1737 ;
Récupéré par l'artiste, à la mort du Grand Prieur, en 1748 ;
Vente du cabinet de Monsieur D. [Nattier], Paris, 27 juin 1763, partie du lot n°5 («Sept dessus-de-porte, figurant quatre vertus») ;
Probablement collection Dellezenne ;
Probablement sa vente, Paris, Me Narjot, 19 mai 1818, lot n°1 (« Madame Adélaïde sous l’emblème de la justice » ; avec trois autres compositions illustrant les Vertus cardinales constituant les lots 2, 3 et 4) ;
Collection Fleury-Hérard ;
Sa vente, Paris, Hôtel Drouot, 29 février 1872, lot n°1 (décrit comme signé et daté ‘NATTIER pinxit 1737’, adjugé 7.900 francs ; avec La Prudence et La Force sous les numéros de lot 2 et 3) ;
Ancienne collection H.M.W. Oppenheim ;
Sa vente, Londres, Christie’s, 13 juin 1913, lot n°48 (vendu 504 £ à C. Davis) ;
Chez Georges Wildenstein, Paris, 1925-1930 ;
Acquis chez Franco Zangrilli, Londres, en 2003

Exhibited

Salon de 1737, Paris (« La Justice qui châtie l’Injustice ») ;
Les Artistes du Salon de 1737, Paris, Grand Palais, 1930, cat. exp. par J.-G. Goulinat, p. 22, n°80, pl. VI ;
Jean-Marc Nattier, Versailles, Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon, 26 octobre 1999 – 30 janvier 2000, cat. exp. par X. Salmon, p. 101-105, n°19, fig. 19

Literature

Mercure de France, avril 1737, p. 762 et septembre 1737, p. 2024 ;
C. Palissot de Montenoy, « Éloge de M. Nattier, Peintre ordinaire du Roi et professeur de son Académie... », in Le Nécrologe des hommes célèbres de France, Paris, 1768, p. 20 ;
E.-J.-J. Barillet, Recherches historiques sur le Temple, Paris, 1809, p. 81 («six muses ») ;
M.-C.-P. Tocqué (née Nattier), « Abrégé de la vie de M. Nattier, peintre et professeur de l'Académie Royale de la peinture et de sculpture, par sa fille, Mlle. Nattier l'aînée, épouse de M. Tocqué », in Mémoires inédits sur la vie et les oeuvres des membres de l'Académie Royale..., Paris, 1854, vol. II, p. 348-364 ;
P. Mantz, « J.-M. Nattier », dans La Gazette des Beaux-Arts, août 1894, p. 100 ;
P. de Nolhac, J.-M. Nattier, peintre de la cour de Louis XV, Paris, 1905, p. 48-5 et 155 et réed. 1925, p. 88- 90 et 273 ;
G. Huard, « Nattier », in L. Dimier (dir.), Les peintres français du XVIIIe siècle, Histoire des vies et catalogue des oeuvres, Paris-Bruxelles, 1930, t. II, p.104 et 129, n°144 ;
La Chronique des arts et de la curiosité, 1930, vol. 8, p. 20 ;
P. Renard, Jean-Marc Nattier (1685-1766) : un artiste parisien à la cour de Louis XV, Paris, 1999, p. 61

Condition

This painting has a comparatively recent lining, stretcher and restoration, with a little slightly more recent restoration, perhaps on the occasion of the Exhibition at Versailles in 2000. The corners and sides have sections with a different canvas added, apparently with firm machine sewn seams, evidently in areas where an original highly decorated frame curved round the corners and along the sides. The original canvas at the top and base sides has quite narrow hand sewn extensions. There is a certain amount of older retouching not only in the side additions and corners but fairly freely strengthening some of the shadows, the hollows in the drapery, the more shadowy parts of the background, and emphasizing some outlines etc. This more or less cosmetic surface strengthening is very slightly darkening in places, with a few distracting touches for instance on the neck of Justice and under her chin. Occasional small adjustments have been made in the recent restoration. Some of the past retouching is simply to smooth over a particular quirk in the sometimes premature craquelure, for instance of the shadow under Justice's lower arm. There are however no apparent accidental damages at all. The beautiful original brushwork of the head shows fine pentimenti for instance in the nostril. Characteristic eighteenth century circular craquelure can be seen in her neck and elsewhere, and the fine original paint texture continues throughout regardless of the various seemingly gratuitous free surface retouching in places.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

« M. le Grand-Prieur, qui protège les beaux-Arts, vient de donner une nouvelle preuve de son goût, par le choix qu’il a fait de M. Nattier, de l’Académie Royale de Peinture et de Sculpture, pour continuer les ouvrages qui avoient été commencez en son Palais du Temple (…) » annonçait, en décembre 1734, le Mercure de France. Jean-Philippe d’Orléans, dit le chevalier d’Orléans, fils naturel du Régent et de Mademoiselle de Séry, était devenu Grand Prieur de France en 1720 après avoir prononcé des vœux à Malte puis prêté serment devant Louis XV. Il succéda ainsi à Philippe de Vendôme et investit la demeure du Grand Prieur de France à Paris, le palais du Temple, qu’il décida aussitôt de faire agrandir et restaurer sous la conduite du premier architecte du Régent, Gilles-Marie Oppenord. Les appartements furent réaménagés et le Grand Prieur en confia le décor à Jean Raoux, qui réalisa notamment des « demi figures (…), plusieurs Arts et Sciences personnifiées » [1].

A la mort de ce dernier en 1734, deux peintres furent pressentis pour terminer la décoration du palais du Temple, Noël-Nicolas Coypel et Jean-Marc Nattier. C’est finalement ce dernier qui obtiendra les faveurs du Grand Prieur et se verra attribuer un logement dans l’enceinte du Temple. Ses deux biographes, Charles Palissot de Montenoy et sa fille Marie-Catherine Toqué, font mention d’une livraison de sept œuvres pour ce décor. Trois peuvent aujourd’hui être identifiées, représentant trois des quatre vertus cardinales, La Force (fig. 1) [2], La Prudence (fig. 2) [3] et le tableau que nous présentons ici, La Justice.
Premier des tableaux de Nattier livré et mis en place dans le salon du Temple au début de 1737, La Justice châtiant l’Injustice fut décroché pour être exposé au Salon de la même année. La livraison d’avril du Mercure de France lui consacre ces quelques vers :

« A M. Nattier, Peintre de l’Académie Royale, sur un tableau de sa main, qu’on voit depuis peu dans le salon du temple, à Paris, représentant la Justice.
De force et de douceur, quel heureux assemblage
Fait briller ton pinceau dans ce nouvel ouvrage.
Thémis en punissant ce monstre aux yeux hagards,
Interesse mon âme, attache mes regards ;
De la Divinité j’y reconnais l’image ;
Elle frappe mes sens, elle parle à mon cœur ;
Et pour tribut de mon premier hommage
Je sens qu’en ta faveur
Aujourd’huy son pouvoir vainqueur
A l’amitié dérobe mon suffrage. »

La Prudence fut présentée au Salon de 1740 et La Force à celui de 1745. Dans la lignée des « demi figures » réalisées par Raoux pour ce décor, Nattier illustre à son tour des allégories coupées aux genoux. Les tableaux étaient initialement de forme chantournée pour s’intégrer dans les boiseries du palais et se présentent dans une même harmonie de coloris dominée par les verts, les ocres et les blancs. Le peintre respecte les préceptes de Cesare Ripa, dont il possédait une édition de l’Iconologie [4], définissant les attributs des allégories de la Justice et de l’Injustice : la main et la balance pour la première, et l’épée pour la seconde ainsi qu’une peau de bête évoquant la robe « semée de taches » de l’Injustice qui « n’est que corruption et souillure de l’âme » [5].

Nattier s’était fait une spécialité des portraits allégoriques et son nom évoque immanquablement les traits des femmes de la cour travesties en figures mythologiques, telles que Madame Henriette en Flore, la duchesse d’Orléans en Hébé… On ne s’étonnera guère que l’on ait cherché à voir des portraits dans les vertus peintes pour le Grand Prieur. C’est ainsi que la figure de la Justice dans notre tableau fut tour à tour considérée comme la représentation de Madame de Brionne, née Rohan-Géménée, ou encore de Madame Adélaïde, fille de Louis XV [6]. Aucune précision n’est apportée au sujet de modèles éventuels par les sources du XVIIIe siècle. Ces figures sont anonymes, n’ayant d’autre identité que l’allégorie qu’elles incarnent, ce qui confère à ces tableaux un statut à part dans l’œuvre de Nattier.

La Justice châtiant l’Injustice n’en est pas moins emblématique du talent du peintre et de son sens aigu de la mise en scène. Il enrichit la composition en joignant une seconde figure et offre au spectateur une théâtrale et saisissante allégorie. Vêtue d’une robe d’un blanc moiré et coiffée de perles, la Justice s’apprête à frapper de sa main un homme courbé en deux qui s’est emparé de sa balance et de sa couronne, montrant ainsi son mépris des lois. Sa colère est visible par le feu sur ses joues et dans l’ardeur de son geste son épaule s’est découverte et sa coiffure s’est défaite. Le plateau de cuivre de la balance est suspendu en l’air et le lourd rideau de velours vert à droite s’est défait. Tout semble interrompu dans l’attente du jugement terrible qui va frapper l’Injustice. Cette impressionnante représentation est servie par un pinceau d’une grande habileté, décrivant à merveille les différentes étoffes ainsi que les carnations.

Récupérée par le peintre à la mort du Grand Prieur en 1748, La Justice figura dans la vente de ses biens en 1763. Elle appartint successivement à plusieurs grandes collections avant de rejoindre celle de Louis Grandchamp des Raux. Elle reste un rare témoignage d’une importante commande par celui qui fut le premier grand mécène de Nattier, avant qu’il n’obtienne les faveurs de la famille royale.


[1]. Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, Paris, 1762, p. 380. Citons notamment La Sagesse, Rouen, musée des Beaux-Arts, ou encore La Musique et L’Architecture conservées à Berlin au château de Charlottenbourg.
[2]. Gravé par Jean-Joseph Baléchou, le tableau est récemment réapparu sur le marché (vente anonyme ; New York, Christie’s, 2 novembre 2000, lot n°237).
[3]. Signée et datée 1739, localisation actuelle inconnue.
[4]. L’édition vénitienne de 1645 figure en effet dans le catalogue de sa vente de 1763.
[5]. Cesare Ripa, Iconologie, traduction de Jean Baudouin, Paris, 1643, seconde partie, p. 163
[6]. Voir Xavier Salmon, op. cit., p.104

“Mr. Grand Prior, who supports the fine arts, has just provided a new proof of his taste, by the choice he made with Mr. Nattier, of the French Royal Academy of Painting and Sculpture, to continue the works which had been started in his Palais du Temple (...)” announced by the Mercure de France (gazette), December 1734 issue. Jean-Philippe d'Orleans, called the Chevalier d'Orleans, the illegitimate son of the Regent and Mademoiselle de Séry, became Grand Prior of France in 1720 after taking his oath in Malta and sworn before Louis XV. He thus succeeded Philippe de Vendôme and lived in the Parisian residence of the Grand Prior of France, Palais du Temple. He immediately decided to enlarge and renovate the house under the Regent’s first architect, Gilles-Marie Oppenord. The apartments were re-designed and the Grand Prior entrusted the decoration to Jean Raoux, who realized notable “half figures (...), personifying several Arts and Sciences”.

At the latter's death in 1734, two painters were approached to complete the interior decor of the Palais du Temple, Noël-Nicolas Coypel and Jean-Marc Nattier. Finally, the latter gained Grand Prior’s favor and was housed inside the Palais. His two biographers, Charles Palissot de Montenoy and his daughter Marie-Catherine Toqué, mention a delivery of seven works for the interiors. Three have been identified today and represent three of the four cardinal virtues, Fortitude (fig. 1) [2], Prudence (fig. 2)[3], and the presented painting, Justice.

The first painting by Nattier delivered and installed in the Palais du Temple’s parlor in early 1737 was Justice Chastising Injustice and it was unhung for exhibition at the Salon during the same year. The April issue of the Mercure de France described the artwork with these few stanzas:

“To Monsieur Nattier, Painter of the Royal Academy, a painting by his hands, that was seen recently in the Palais du Temple’s parlor, in Paris, represents Justice.
Strength and softness, what a joyful assembly
Your paintbrush made this new work shine.
Themis punishing this monster with haggard eyes,
It interests my soul, hooks my glance;
I recognize the image of divinity;
It strikes my senses, it speaks to my heart;
And a tribute for my first homage
I sense as a favor
Today his power triumphs
The friendship stripped from suffrage.”

Prudence was presented at the Salon of 1740 and Fortitude in 1745. In line with the “half figures” realized by Raoux for this setting, Nattier illustrated in turn his allegories cropped at the knees. The paintings were initially scallop-shaped to fit into the Palais’s woodwork and presented in the same harmony of colors dominated by green, ocher and white. The painter possessed an edition of the Cesare Ripa’s Iconologia and respected the precepts which defined the attributes of the allegories, Justice and Injustice: the hand and the balance for the first, and the second with the sword and an animal pelt evoking the attire “strewn with spots” of Injustice that is “only corruption and defilement for the soul”[5].

Nattier had established a specialty of allegorical portraits and his name inevitably evokes court ladies disguised as mythological figures such as Madame Henriette as Flora, the Duchess of Orleans as Hebe, etc. It is hardly surprising that he was sought to execute the virtues as painted portraits for the Grand Prior. Thus the figure of Justice in our painting was in turn considered the representation of Madame de Brionne, maiden name Rohan-Géménée or even Madame Adélaïde, daughter of Louis XV. No details are given about them as possible models from 18th century sources. These figures are anonymous, with no identification other than the allegory they embody, which gives these paintings a special status among Nattier’s works.

Justice Chastising Injustice is however quite emblematic of the painter's talent and keen sense of staging. He enriches the composition by including a second figure and offers the viewer a dramatic and striking allegory. Wearing a white watered silk dress and pearls, Justice prepares to hit with her bare a man bent over who seized her balance and crown, thus showing his contempt for the law. Her anger is visible by her fiery cheeks and her action’s ardor with bare shoulder and unkept hair. The copper balance plate is suspended in the air and the heavy green velvet curtain on the right is loose. Everything seems suspended pending the terrible judgment that will hit Injustice. This impressive representation is enhanced by a paintbrush with great skill, describing marvelously the different fabrics and skin tones.

Retrieved by the artist after the Grand Prior’s death in 1748, Justice was in his property auction in 1763. It belonged successively to several major collections before entering that of Louis Grandchamp des Raux. It remains a rare example of an important commission by the man who was Nattier’s first famous patron, before being favored by the royal family.


[1]. Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, (Not transl. summary of the lives of the most famous painters), Paris, 1762, p. 380. Notably cited Wisdom, Museum of Fine Arts, Rouen, France or Music and Architecture in the collections of Charlottenburg Palace, Berlin.
[2]. Engraved by Jean-Joseph Baléchou, the painting recently reappeared on the art market (Anonymous auction; New York, Christie's, November 2, 2000, No. 237).
[3]. Signed and dated 1739, whereabouts unknown.
[4]. The Venetian edition of 1645 is also cited in the sales catalog of 1763.
[5]. Cesare Ripa, Iconologia, French translation by Jean Baudouin, Paris, 1643, second part, p. 163
[6]. Consult Xavier Salmon, op. cit., p.104