Un cabinet de curiosités bibliophiliques : de Dürer à Alechinsky

Un cabinet de curiosités bibliophiliques : de Dürer à Alechinsky

View full screen - View 1 of Lot 117. 10 lettres à Madeleine ou Marcellin Castaing. 1922-1924. À propos de cinéma.

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lots 99 et 171)

Cendrars, Blaise

10 lettres à Madeleine ou Marcellin Castaing. 1922-1924. À propos de cinéma

Lot Closed

June 22, 01:56 PM GMT

Estimate

3,000 - 5,000 EUR

Lot Details

Description

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lot 99 à 171)


CENDRARS, BLAISE 

9 lettres autographes et une lettre dactylographiée à Madeleine ou Marcellin Castaing.

17 rue du Mont-Dore, Paris [1922-1924].


BELLE CORRESPONDANCE DE CENDRARS, SCÉNARISTE, À CELLE QU’IL SURNOMMA LA FUTURE MARIE PICKFORD FRANÇAISE.


8 pages in-4 et 7 pages in-8 dont deux avec adresses (325 x 230 mm à 160 x 115 mm). Signées "Blaise Cendrars".


S’adressant soit à Marcellin Castaing, soit à Madeleine, soit aux deux, Cendrars qui reconnaît un vrai talent d’actrice à son amie, est à la recherche d’un sujet de film, évoquant notamment une adaptation de Madame Bovary.


Jeudi [3 ? août 1922]. Il a enfin pu voir les essais tournés chez Pathé : "Dites à Madame qu’elle est réellement [souligné trois fois] très bien [souligné une fois] […]. Je lui écrirai demain pour lui dire par le même bout ce que j’en pense et vous enverrai le film".


Jeudi 10 août 1922. Il expose à Madeleine les raisons de son retard à lui écrire. "Voici ce que j’ai pensé pour vous. Vos bouts d’essai sont concluants. Vous êtes pleine de qualités et avec beaucoup de travail et de patience vous pourrez arriver à quelque chose de supérieur à la moyenne. Evidemment la grosse difficulté pour vous, au début, c’est le jeu, c’est-à-dire l’expression, l’intensité dramatique, la personnification d’un personnage qui ne serait pas vous". Il lui demande si elle a déjà une idée du genre d’héroïne qu’elle aimerait incarner, lui conseillant de partager l’affiche avec une grande vedette masculine en raison de son inexpérience à elle et de choisir une comédie alerte, pleine d’entrain : "le sujet absorberait ainsi vos hésitations et défaillances éventuelles" et lui suggère de chercher une idée. De son côté, il a un très beau sujet de film "mais je le crois un peu difficile et surtout trop coûteux pour un début". Il ajoute qu’il n’existe pas de bons livres qui pourraient lui être utiles en tant qu’actrice, le cinéma ne s’apprenant que par la pratique.


Mardi [1922], à Marcellin. Il espère pouvoir aller leur rendre visite à Toulouse. "Dites à votre femme que j’ai relu Mme Bovary, que j’ai déjà pris quelques notes et que je vois très bien selon quelle formule on peut réaliser ce film. C’est un gros morceau. Je suis sûr que nous en viendrons à bout".


Mardi 3h. "Mon ami Leonard Meeter, un jeune dramaturge américain qui rentre vendredi à New-York, désire passer sa dernière soirée chez vous pour faire un article sur Mme Bovary dès son arrivée à New York". Une mention, au crayon dans la marge, indique qu'une invitation a été envoyée.


[Décembre 1922]. Fasquelle lui a donné les coordonnées de l’héritière de Flaubert [Caroline Hamard, Mme Franklin-Grout, nièce de l’écrivain] pour tenter d’obtenir les droits d’une adaptation cinématographique de Madame Bovary, ce dont il doute : "Mme Bovary a déjà été tourné, en Italie, avant la guerre d’une façon si déplorable, que devant les nombreux reproches faits par les admirateurs de Flaubert, Mme Franklin-Grout s’était jurée de ne plus jamais rien confier au cinéma". Cependant s’il peut la rencontrer personnellement, chez elle à Antibes, et lui expliquer ce qu’il imagine faire, dans le respect du texte et la portée artistique de l’œuvre, il pourrait réussir. S’il n’a pas encore réussi à trouver un exemplaire de J’ai tué [paru en 1918, illustré par Fernand Léger], il lui propose une carte d’entrée pour la première de La Roue [film d’Abel Gance à qui Cendrars servit d’assistant et dont la première version, durant plus de sept heures, fut présentée à Paris en décembre 1922].


[Printemps 1923]. Le projet sur Madame Bovary a dû être abandonné [après la visite de Cendrars et de Marcellin Castaing à Caroline Franklin-Grout, à Antibes, il semble que la Société des Amis de Flaubert ait posé son veto sur l’adaptation envisagée, comme l’a raconté Madeleine Castaing elle-même]. Après avoir donné quelques conseils de rééducation pour leur fils, Michel, opéré au genou, Cendrars avoue n’avoir encore rien trouvé de fameux pour leur projet cinématographique. "Il ne faut plus songer à Madame Bovary, Adolphe ne fera pas un bon film. Dominique il y a plus de dix films au moins cette saison. Le Lys dans la vallée – bon – mais il ne faut plus toucher à Balzac d’ici dix ans, tant on en a tourné de mauvais. Il nous reste quoi ? – un scénario inédit et trouver les capitaux". Il évoque à ce sujet la proposition de Paul Laffitte [fondateur des éditions La Sirène] qui souhaite créer pour lui une société de production, mais Cendrars est conscient que son ami banquier promet beaucoup et entreprend trop d’affaires en même temps. Un autre de ses amis, le marchand d’art Léopold Zborowski, a pensé à On ne badine pas avec l’amour de Musset : il va relire la pièce et voir ce qui peut en être fait. "Il y a encore Bug-Jargal de Victor Hugo à condition que les droits soient libres, que l’on vous y taille un beau rôle et qu’un voyage aux Antilles ne vous effraye pas". Il avoue être très embêté de n’avoir rien de plus à lui annoncer.


Jeudi soir. Il a eu de bonnes nouvelles de Laffitte qui pourrait réunir le capital nécessaire d’ici quelques jours. Il donne à ses amis des instructions pour se rendre dans sa maison de Tremblay-sur-Mauldre.


Dimanche [automne 1923]. Toujours à la recherche d’un sujet de film, il a lu La Petite Paroisse [d’Alphonse Daudet], un livre "faux, archifaux". Il propose que Madeleine Castaing relise La Faustin des frères Goncourt, si elle se sent capable d’interpréter ce rôle de grande comédienne. Il cite d’autres titres dont Madame Dora de J.V. Jensen, La Puissance des Ténèbres de Tolstoï, La Chute de la maison Usher de Poe, ou encore Le Bar de la Fourche de Gilbert des Voisins. Il fait ensuite allusion à deux films qui se tournent actuellement d’après L’Affaire du Collier de la Reine par Louis Mercanton et Le Cachet rouge, d’après Vigny, par Germaine Dulac.


[29 décembre 1923]. Il annonce son prochain départ pour São-Paulo, le 15 janvier, à bord du Formosa [qui donnera son nom à la première partie de Feuilles de route]. Sans nouvelles encore de Grasset, "En attendant, je travaille ferme à mes livres et cela me tue et me vide".


[11 janvier 1924]. "Non seulement Grasset est invisible, mais Brun vient de perdre son fils unique ! Alors, rien à faire de quelque temps. Je pars demain. Serai de retour fin avril".


Au lendemain de cette lettre, Cendrars s’embarquait effectivement pour l’Amérique latine sur l’invitation de l’écrivain brésilien Paulo Prado, n’en revenant qu’au mois d’août suivant. Conférencier, reporter et explorateur, il trouva dans le Brésil sa "deuxième patrie spirituelle" où il retourna à deux reprises.


Quant à Madeleine Castaing, elle racontera que Cendrars lui avait également proposé d’adapter Maria Chapdelaine, mais qu’elle refusa, ayant peur d’avoir froid si le tournage se faisait au Canada, "et j’en suis restée là pour le cinéma !". Elle se consacra par la suite à sa passion de la décoration et de l’art contemporain, devenant notamment le soutien le plus fidèle du peintre Soutine.


[On joint :]

Photographie de Madeleine Castaing [vers 1922]. Tirage argentique (181 x 128 mm). Déchirures marginales.


LITERATURE:

J.-N. Liaut, Madeleine Castaing… Payot, 2008.

"Lettres à Madeleine et Marcellin Castaing", présentées par Th. Jugan in Feuille de route, n° 47, printemps 2009.

Madeleine Castaing (1894–1992) "Une liesse bordée d’acier", émission radiophonique diffusée le 18 mars 2017 : https://www.franceculture.fr/emissions/une-vie-une-oeuvre/madeleine-castaing-1894-1992-une-liesse-bordee-dacier.