Splendeurs : Chefs-d’oeuvre des Arts d’Afrique
Splendeurs : Chefs-d’oeuvre des Arts d’Afrique
Auction Closed
June 8, 01:00 PM GMT
Estimate
150,000 - 250,000 EUR
Lot Details
Description
Masque, Lega, République Démocratique du Congo
haut. 45 cm ; 17 3/4 in
Lega Mask, Democratic Republic of the Congo
Collection Christian Fettweis, Bruxelles, ca. 1950
Michael Oliver, New York
Collection Dr Jay T. Last (1929-2021), Los Angeles, acquis en 1982
Collection Benoît Rousseau, Bruxelles (inv. n° 191)
Felix M. L. (dir.), Baeke V. et Rousseau B., Joyaux Lega, d'ivoire, d'os et de bois de la collection Benoît Rousseau, 2013 : pp. 24 et 42, n° 9 et couverture.
Les masques en bois Kayamba, dotés de cornes, sont les plus grands de tous les masques Lega.[1] Très rares, ils présentent un visage humain allongé et cornu, intégralement blanchi, et souvent complété d’une barbe de fibres.[2] Ces masques sont l’apanage des membres les plus éminents des communautés lega. En effet, seuls les initiés appartenant aux grades supérieurs du Bwami – la structure sociale très hiérarchisée qui régit la vie des Lega – peuvent les arborer aux cours des cérémonies et des rites initiatiques qu’ils pratiquent en secret. En effet, l’accès à chaque grade du Bwami fait l’objet d’une initiation individuelle, au cours de laquelle les « postulants » se soumettent à des épreuves afin d’obtenir le consensus des initiés, membres du grade auquel ils souhaitent accéder. L’appartenance à chaque grade se manifeste par des signes visibles et non-visibles. Parmi les premiers, on retrouve des chapeaux ou des ceintures en peau ; tandis que les signes non-visibles, qui demeurent inconnus pour la grande communauté, comportent les masques et des figurines en bois ou en ivoire.[3]
Les masques Kayamba, que l’on ne retrouve que dans certaines régions, interviennent dans les rites du plus haut niveau du grade supérieur (yananio), et dans certains rites du grade suprême (kindi). Ils font partie d’un panier d’objets rituels, conservé par un précepteur éminent – un initié expert - dont le rôle est d’assurer le bon déroulement des rites. Au cours de la cérémonie initiatique, les objets du panier sont exhibés puis interprétés en représentations dansées, avant d’être confiés au nouveau yananio. Naturels, fabriqués, ou sculptés, la myriade d’objets qui interviennent au cours des rites sont très diversifiés et complexes. Les premiers forment un ensemble impressionnant emprunté à l’environnement naturel (plantes, écorce de bois, peaux, crânes, écailles, dents…). Le masque appartient quant à lui à la catégorie des bitungwa (la plus prestigieuse dans la classification des objets) qui comprend les sculptures : masques ; figurines anthropomorphes et zoomorphes ; cuillers, tabouret ; haches ; marteaux ; sceptres...[4]
Les objets classés comme bitungwa, souligne Daniel P. Biebuyck, ne représentent pas des esprits, des divinités ou des créatures mythiques ; ils ne font pas partie d’un schéma cosmique et ne sont pas des représentations des ancêtres, bien qu’ils agissent souvent en tant qu’intercesseurs entre le royaume des morts et des vivants. [5] A défaut d’être des objets de culte, ces objets initiatiques sont chargés d’isengo (gravitas), soit une « force mystérieuse et transcendante, bénéfique pour le propriétaire et dangereuse pour celui qui n’a le droit ni de le posséder, ni de le porter ».
Le masque Kayamba revêt en plus une signification bien précise, puisqu’il représente une personne intelligente et astucieuse : « Kayamba est d’une grande beauté : ce qui vient de loin de peut pas être mauvais », établit un proverbe lega. Ce sont les seuls masques Lega destinés à être exclusivement portés sur le visage et non à l’arrière de la tête. Leurs porteurs sont vêtus d’une étoffe blanche, et s’adonnent à des danses rituelles. Suspendu à une lance (pala), et entouré de masquettes, le masque représente « l’archipatriarche » du groupe, son fondateur primordial.[6] Pendant les représentations, les Kayamba figurent différents personnages. Dans une scène par exemple, ils personnifient des étrangers qui abusent de la confiance de leurs hôtes, en les ridiculisant ou les trompant. Lorsqu’ils se produisent par paire, dans certains rites masculins et féminins yananio et bulonda, ils représentent la confrontation entre le Kamimbi, l’Astucieux, et le Kalulungula, le Menteur.[7]
Cet exemplaire se distingue par la couche épaisse de kaolin qu’il a conservé, et la finesse et l’élégance de ses lignes. De forme très épurée, il présente un long nez parfaitement rectiligne, et des yeux en grain de café, typiques de l’esthétique lega. La symétrie de l’ensemble, plutôt inhabituelle, est remarquable. L’absence de bouche est également à souligner, puisque ce type de masque en figure généralement une ouverte et dentée.
[1] Biebuyck, D., La sculpture des Lega, 1994, p. 53.
[2] Biebuyck, D., Lega, Ethique et beauté au cœur de l’Afrique, 2002, p.116.
[3] Biebuyck, D., La sculpture des Lega, 1994, p. 31.
[4] Ibid, p. 37.
[5] Ibid, p.35, 39.
[6] Ibid, p. 53.
[7] Biebuyck, D., Lega Culture, Art, Initiation and Moral Philosophy among a Central African People, p. 215.
Horned Kayamba wooden masks are the largest of all Lega masks.[1] These very rare types feature an elongated human face complete with topmost horns, entirely whitened, and often finished off with a beard made of fibre.[2] These masks are the preserve of the most prominent members within Lega communities. In fact, only the highest-ranking initiates of the Bwami - the highly hierarchical social structure that governs the life of the Lega - are allowed to wear them during the ceremonies and initiation rituals that they practice in secret. Access to each grade of the Bwami is subject to an individual initiation, during which the “applicants” undergo tests. They must pass them to obtain a consensus from the initiates who are members of the grade they wish to join. Membership to each individual grade is displayed through visible and non-visible signs. Among the former, there are hide hats or belts; while the nonvisible signs, that the community at large does not know about include masks and figurines made of wood or ivory.[3]
Kayamba masks, which are found only in certain regions, come out in rituals of the upper grade (Yananio), and in some rituals of the supreme grade (Kindi). They are part of a basket of ritual objects, guarded by an eminent preceptor - an expert initiate - whose role it is to ensure the proper conduct of the rituals. During the initiation ceremony, the objects from the basket are displayed, interpreted through dance performances, and then entrusted to the new Yananio. Whether they be natural, manufactured or sculpted, the wide range of artifacts involved in the rituals is highly diverse and complex. First among them are the ones that form an impressive collection borrowed from the natural environment (plants, wood bark, skins, skulls, scales, teeth...). As for the mask, it belongs to the category of the Bitungwa (the most prestigious in the artefact classification), which includes sculptures, masks, anthropomorphic and zoomorphic figurines, spoons, stools, axes, hammers, sceptres...[4]
As Daniel P. Biebuyck points out, artefacts classed as Bitungwa do not represent spirits, deities or mythical creatures; they are not part of a cosmic scheme and are not representations of ancestors, although they often act as intercessors between the realm of the dead and that of the living.[5] Although they are not cult artefacts, these initiation items are charged with Isengo (gravitas), i.e., a “mysterious and transcendent force, beneficial for the owner and dangerous for anyone who has no right to either possess it or wear it”.
The Kayamba mask also has a very specific meaning since it represents an intelligent and astute person. The Lega proverb goes: “Kayamba is very beautiful: what comes from afar cannot be bad.” These are the only Lega masks designed to be placed exclusively on the face and not on the back of the head. Their bearers are dressed in white cloth and engage in ritual dances. Hooked onto a spear (Pala), and surrounded by passport masks, the mask represents the “arch-patriarch” of the group, its primordial founder.[6] During performances, the Kayamba portray different characters. In one scene, for example, they might embody strangers who abuse the trust of their hosts by ridiculing or deceiving them. When they perform in pairs, in certain Yananio and Bulonda rituals that are both male and female, they represent the confrontation between the Kamimbi, the Cunning One, and the Kalulungula, the Liar.[7]
This exemplar stands out for the thick layer of kaolin it has retained, and the subtlety and elegance of its outlines. Its highly stylised form offsets a long, perfectly straight nose, and coffee bean eyes, typical of the Lega aesthetic. The overall symmetry - rather unusual in itself - is quite remarkable. The lack of a mouth is also noteworthy, since this type of mask generally features an open mouth with carved teeth.
[1] Biebuyck, D., La sculpture des Lega, 1994, p. 53.
[2] Biebuyck, D., Lega, Ethique et beauté au cœur de l’Afrique, 2002, p.116.
[3] Biebuyck, D., La sculpture des Lega, 1994, p. 31.
[4] Ibid, p. 37.
[5] Ibid, p.35, 39.
[6] Ibid, p. 53.
[7] Biebuyck, D., Lega Culture, Art, Initiation and Moral Philosophy among a Central African People, p. 215.