Un cabinet de curiosités bibliophiliques : de Dürer à Alechinsky

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View full screen - View 1 of Lot 160. Lettre a.s. à Émile Straus. 1914. Sur la mort d'Agostinelli : "J'apprends que le corps est retrouvé".

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lots 99 à 171)

Proust, Marcel

Lettre a.s. à Émile Straus. 1914. Sur la mort d'Agostinelli : "J'apprends que le corps est retrouvé"

Lot Closed

June 22, 02:39 PM GMT

Estimate

7,000 - 10,000 EUR

Lot Details

Description

Livres et Manuscrits des XIX & XXe siècles (lot 99 à 171)


PROUST, MARCEL 

Lettre autographe signée à Émile Straus.

[7 ou 8 juin 1914]


ÉMOUVANTE LETTRE, PARTIELLEMENT INÉDITE, SUR LA MORT D’ALFRED AGOSTINELLI : "LE CORPS EST RETROUVÉ".


2 pages in-8 (181 x 135 mm), à l'encre noire sur un bifeuillet de papier filigrané "Imperial Diadem". Signée "Marcel Proust".


"Cher Monsieur Straus,

J'apprends que le corps est retrouvé. Je ne sais de quelle façon. Je vous remercie infiniment de votre lettre. Mais je suis gêné d’avoir l’air d’être un menteur vis à vis du Prince. Agostinelli était fils d’un Italien et d’une niçoise mais il était lui monégasque ainsi que son frère, son père tenait un hôtel meublé 19 rue des Moreghetti à Monaco".


En post-scriptum, Proust ajoute qu’il envoie les extraits des Jeunes filles en fleurs, parus dans la Nouvelle Revue Française du 1er juin 1914 : "La 1ère partie des extraits du livre (détachés d’ailleurs du dernier tiers du 2e volume et très abrégés)", ainsi qu'il lui avait proposé le 3 juin (Corr., XIII, n° 130 et 131).


La tragédie d'Agostinelli, qui allait inspirer la fuite et la mort d'Albertine dans la Recherche. Voulant retrouver son indépendance après avoir été le "prisonnier" de Marcel Proust, Agostinelli partit de Paris le 1er décembre 1913, laissant le romancier dans le plus grand désarroi, pour aller à Monte-Carlo où son père tenait un hôtel. Proust envoya Albert Nahmias pour le convaincre de revenir. On sait à présent que Agostinelli revint, pour repartir en avril 1914. En mai 1914, effondré, prêt à tout pour le faire revenir, Proust réunit une somme d'argent considérable, qu'il avait mise de côté pour quitter Paris si la guerre l'y obligeait, pour commander une voiture et un avion, et les offrir à son ancien chauffeur, qui s'était persuadé qu'il gagnerait une fortune grâce à cette nouvelle technologie. Agostinelli s'inscrivit ─ sous le nom de "Marcel Swann" ! ─ à des cours d'aviation près d'Antibes, et très vite fit des progrès. Le 30 mai, jours auquel Proust lui envoyait sa proposition de cadeaux mécaniques (Corr., XIII, 124), Agostinelli s'envola pour son deuxième vol en solo, mais, trop téméraire et ignorant les avertissements de son moniteur, le pilote inexpérimenté ne prit pas assez d'altitude et s’abîma en mer. Son corps fut retrouvé le 7 juin. Après avoir appris l'accident, Proust avait fait intervenir Émile Straus auprès du prince de Monaco, en faveur de la famille de son ancien chauffeur et secrétaire, et notamment de sa compagne Anna. "Il alla même jusqu'à écrire une lettre au prince de Monaco pour voir si Anna pouvait hériter quelque chose d'Agostinelli, même s'il savait désormais qu'elle n'était pas légalement sa veuve." (W. Carter, p. 185). Proust écrivit à Straus qu'il la considérait malgré tout comme la veuve d'Agostinelli, ayant été le témoin de l'amour qu'elle lui portait (voir Corr., XIII, n° 136). 


LITERATURE:

Cette lettre n'est pas répertoriée par Ph. Kolb, mais est partiellement reproduite dans le Bulletin d'informations proustiennes, n° 18 (1987), p. 101.


W. Carter, Proust in love, une biographie érotique et sentimentale, Armand, Colin, 2022.


J.-M. Quaranta, Un amour de Proust, Alfred Agostinelli (1888-1914), Bouquins, 2021.