La Polynésie Découverte : Collection Charles-Edouard Duflon

La Polynésie Découverte : Collection Charles-Edouard Duflon

View full screen - View 1 of Lot 13. Bâton de divinité akua ka'ai, Îles d'Hawaï | Akua ka'ai divinity stick, Hawaii Islands.

Bâton de divinité akua ka'ai, Îles d'Hawaï | Akua ka'ai divinity stick, Hawaii Islands

Auction Closed

November 30, 02:56 PM GMT

Estimate

100,000 - 150,000 EUR

Lot Details

Description

Bâton de divinité akua ka'ai, Îles d'Hawaï

haut. 45 cm ; 17 3/4 in


Collection privée, Royaume-Uni
Transmis par descendance
Collection Charles-Edouard Duflon, Genève, acquis lors d'une vente aux enchères au Royaume-Uni
Ce bâton de divinité akua ka’ai transcende par ses dimensions, la force, la tension et la férocité archétypales des rares sculptures figuratives hawaïennes. Possédant toutes les caractéristiques stylistiques des grandes statues de temple, le corpus des bâtons de divinité s’en distingue par sa perfection technique et son raffinement poussé à l’extrême : « Les surfaces des sculptures hawaïennes sont sublimées par arasage, polissage ou par un traitement en facettes (laissant les traces d’herminette apparaitre). […] Cette technique exigeait une grande maîtrise de la part du sculpteur. Ces facettes, ces multiples traces parallèles, n'étaient pas réalisées par un seul coup d’herminette ou par un mouvement systématique, mais plutôt par une série contrôlée de petits tapotements qui faisaient méticuleusement virevolter les éclats du bois. En aboutissant ainsi son travail, le sculpteur exprimait sa dextérité et sa virtuosité… L’utilisation de cette méthode sur les sculptures de petite taille, sur lesquelles il aurait été plus facile de façonner une surface lisse, indique que le traitement en facettes n'était pas toujours lié à un facteur temps et été parfois délibérément choisi » (Cox et Davenport, Hawaiian sculptures, 1974, p. 48).

Avatars divins et propriétés personnelles, sculptés sur commande par des artistes-prêtres (kahuna) pour les personnes de haut-rang, les bâtons de divinité akua ka’ai nous instruisent sur la société hawaïenne des origines : « comprendre l’art hawaiien, c’est comprendre l’importance des objets dans une société nettement hiérarchisée au sein de laquelle les dieux, les chefs et les gens du commun dépendant les uns des autres et dépendent aussi de la nature. Le prestige social était en relation avec la lignée qui, lorsqu’elle remontait jusqu’aux dieux, conférait la puissance. Les œuvres d’art ne peuvent être dissociées de ce système sociopolitique fondé sur le rang, où la prééminence des hauts personnages devait être continuellement célébrée et réaffirmée » (Kaeppler, Kaufmann et Newton, L’art Océanien, 1993, p. 540). Si la signification de ces œuvres est mal connue, J. Halley Cox et William H. Davenport décrivent une cérémonie de consécration d’un temple (heiau) où les dignitaires de la communauté suivent les prêtres en procession dans la montagne en tenant sur leur tête leur bâton akua ka’ai, le manche enveloppé dans une étoffé de tapa. Le cortège se dirige ensuite vers le bord de mer où les figures sont plantées dans le sable tandis que leurs propriétaires vont s’immerger dans l’océan (idem, p. 87). Ils pouvaient également être portés à la ceinture lors de manifestations importantes, sur les champs de bataille et lors des grandes cérémonies. La maîtrise technique et la qualité structurale de ces œuvres confirment cette appartenance prestigieuse.

Au sein de l’ensemble d’environ soixante bâtons de divinité répertoriés, celui-ci s’apparente étroitement, par la construction du personnage, à ceux conservés au Royal Scottish Museum, Edinburgh (inv. #1891-26) et au Pitt Rivers Museum, Oxford (inv. #1936.26.10) ; collecté par Edward Lawson, propriétaire d’un navire baleinier dans le Pacifique Sud, circa 1819-1840. Il se singularise cependant par l'expression extraordinaire de la figure sommitale qui impose la crainte, la force et l'agressivité du dieu représenté. Le corps est finement sculpté, campé sur deux jambes légèrement fléchies, les bras disposés le long du corps et des cuisses, les épaules puissantes, les pectoraux et les omoplates bien définis. Lui répond le visage, dominé par une bouche surdimensionnée grande ouverte dont la force de l'expression donne au profil de la figure un sentiment si particulier recouvrant presque les yeux écarquillés et les narines dilatées. La coiffe, exceptionnelle, sculptée d'une répétition de pointes donne à l'ensemble un mouvement verticale. 

Contraste subtil entre puissance et raffinement – notamment dans l’élégant modelé du bâton – ce chef-d’œuvre est un témoin remarquable du génie artistique polynésien. Il illustre avec force l’expressivité fascinante de la sculpture hawaïenne et s’impose comme une œuvre majeure de la culture artistique de cet archipel.