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XIXe siècle ─ lots 47 à 144

Stendhal, Henri Beyle dit

Promenades dans Rome. Paris, 1829. Exceptionnel exemplaire interfolié, annoté par Stendhal en vue d'une réédition de l'ouvrage.

No reserve

Lot Closed

October 28, 03:05 PM GMT

Estimate

50,000 - 70,000 EUR

Lot Details

Description

Stendhal, Henri Beyle, dit

Promenades dans Rome.

Paris, Delaunay, 1829.

 

2 tomes en 3 volumes [sur 4] in-4 (275 x 189 mm). Demi-basane brune à petits coins, dos lisse orné, fleurons à l’urne, titré doré sur pièces de papier vert : "Promenades. Nouvelle édition" (Reliure de l’époque).


Exceptionnel exemplaire de Stendhal.

Un des quatre exemplaires annotés, connus.

Exemplaire Crozet.

 

Durant l’été 1841, Stendhal travaille à une nouvelle édition des Promenades dans Rome et s’offre une parenthèse rafraîchissante avec "Miss Bouche".

 

Édition originale, tirée à 500 exemplaires.

 

Les pages de l’édition originale (216 x 130 mm), du faux-titre (tome I) à la page 238 (tome II) ont été interfoliées de feuillets de papier vergé vert (de format in-4) avant d’être reliées sur les instructions de Stendhal en vue d’y porter des annotations.

Sans les frontispices ni le plan.

 

26 annotations ou corrections autographes, à l’encre, sur 17 pages (feuillets verts), datées entre le 25 juin et le 22 juillet 1841, principalement dans le premier volume.

 

Ayant renoncé assez rapidement à une simple description des curiosités et monuments de Rome, Stendhal avait élargi son étude, en s’intéressant à l’histoire, la politique et les mœurs de la ville. Dès la première parution de l’ouvrage, à la fin de l’année 1829, Stendhal songea à des ajouts et à la rédaction éventuelle d’un troisième tome.

Alors qu’il travaillait déjà à remanier La Chartreuse de Parme, il fit composer par un relieur italien cet exemplaire des Promenades qui lui fut sans doute apporté de Rome à Civitavecchia en juin 1841, comme le laisse penser la note du Journal à la date du 17 juin : "The little relieur me rend ce livre 17 juin 1841".

 

Outre les notes concernant directement le texte des Promenades, précisions, ajouts ou suppressions (de quelques mots et phrases), on trouve ─ comme souvent dans les exemplaires annotés ─ des allusions à la vie personnelle de Stendhal qui mêle, comme à son habitude, anglais et français.

Ici, ce sont les rencontres avec "Miss Bouche", alias Mme François Bouchot, qui ont la part belle.

Francesca dite Cecchina Lablache, fille du chanteur d’opéra Luigi Lablache, avait épousé le peintre François Bouchot. Elle était venue passer l’été 1841 à Civitavecchia et apparut à Stendhal comme un oasis dans le désert de sa vie.

Le Journal et certaines pages des livres lus et annotés durant ces semaines gardent trace de cette parenthèse, où l’angoisse de la mort, "Firodea" (pour "Fear of Death") semble avoir été momentanément écartée grâce au spectacle d'un peignoir féminin se relevant.

 

Cet exemplaire ayant été étudié par les plus grands stendhaliens et les annotations publiées dans l’édition des Promenades établie par Martineau, en 1931, et dans Mélanges intimes et marginalia, II, en 1936, nous n’en citerons que quelques-unes, dont les deux premières, sur le feuillet de garde du premier volume :

"Ne pas faire de nouvelle

édition sans profiter des

corrections inscrites ici.

Juin 1841.

 C[ivita] V[ecchia] 22 juillet 1841.

Thinking trop to miss Bouche

after the four months of Firodea".


Une longue note ─ où la date "1830" a parfois été lue comme "1890" ─ occupe un feuillet entier, en regard des pages de l’Avertissement :

"Quand je lis un ms. de moi à imprimer je ne puis jamais faire attention qu’au fond des choses, ou à la clarté. De là mille négligences, des mots répétés, des mauvais sens, des phrases supposant trop d’attention chez le lecteur, et par là manquant de clarté. Je crois que la littérature actuelle marche à la boutique d’épicier de 1830 en fesant [sic] trop d’attention à la forme.

Pour ne pas tomber dans le défaut contraire, j’ai résolu de corriger les promenades, dans les momens perdus. Dans ces derniers mois songeant au départ j’étais fâché d’y laisser tant de fautes de forme.

Je savais beaucoup de choses laides à dire en écrivant ceci au n° 71, Richelieu, je ne voulus pas les dire pour ne pas mettre en état de fâcherie et de haine, l’âme des lecteurs se promenant dans Rome.

J’aime mieux faire un supplément en 1841.

Mme Lamp[ugnani] détestait les choses laides qui donnent des accès de haines impuissantes.

CVecchia le 25 juin 1841.

Hier né".

 

La graphie des annotations se ressent de la première attaque d’apoplexie qui a frappé Stendhal quatre mois auparavant, et qui est évoquée dans la note qu'on relève à la garde du deuxième volume, tout comme une conversation avec Mme Bouchot, dite Miss Bouche :

"Four months of Fi[r]odea

Nouvelle convalescence

dont je m’aperçois the twenty fourth of

July 1841, too much of Miss Bouche

Beau récit of death of her sister

récit qui m’apprend beaucoup,

mais beaucoup hier 21 July 1841."

 

L’expression "beau récit" a parfois été transcrite, à tort, par : "hier récit", parfois "been reed" ou encore "been read".

 

Francesca Bouchot fut l’une des dernières conquêtes d’un homme usé mais toujours prêt à aimer, consignant le plaisir éprouvé dans les marges de ses livres, "perhaps the last of his life" note-il dans son propre exemplaire annoté de La Chartreuse de Parme, exemplaire que la belle Cecchina eut la possibilité de feuilleter, avant son départ pour Naples vers la mi-août.

Devenue veuve en 1842, Francesca Bouchot devait se remarier avec le pianiste Sigismund Thalberg.

 

L'exemplaire "Royer", provenant de la bibliothèque de Louis Crozet. Ayant demandé et obtenu un congé, Stendhal quitta ses corvées consulaires, laissant une grande partie de sa bibliothèque en Italie, et s’établissant à Paris en octobre 1841, pour se consacrer presque uniquement à la réécriture de La Chartreuse de Parme. Après sa mort, survenue à Paris le 23 mars 1842, son exécuteur testamentaire Romain Colomb demanda à l’antiquaire Donato Bucci, voisin de Stendhal à Civitavecchia, de lui faire parvenir les ouvrages qu’il comptait remettre à Louis Crozet, ami et héritier désigné de l’écrivain, parmi lesquels un exemplaire des Promenades dans Rome "relié avec du papier blanc entre chaque page et portant des notes manuscrites". Louis Royer, décrivant les ouvrages de Stendhal présents dans la bibliothèque de Crozet, précise que le quatrième volume interfolié des Promenades ne présentait aucune annotation et qu’on en avait perdu la trace. Resté très probablement entre les mains des descendants de Bucci, il est aujourd’hui conservé à la bibliothèque Sormani, à Milan (fonds Bucci). 

 

On connaît trois autres exemplaires des Promenades dans Rome annotés par Stendhal, soit interfoliés comme celui-ci, soit accompagnés de notes sur cahiers joints :

- celui de Serge André, conservé à la Bibliothèque municipale de Grenoble.

- celui du marquis de La Baume (édition de Bruxelles, 1830), ayant ensuite appartenu à Alexandrine de Rothschild et qui figure au Répertoire des biens spoliés pendant la seconde guerre mondiale (n° 1180).

- celui de Lysimaque Caftanzoglu-Tavernier, secrétaire de Stendhal (redécouvert en 1955 et ayant fait depuis partie de bibliothèques prestigieuses, dont la bibliothèque des comtes de Ribes, cf. Sothebys, 12 décembre 2019, n° 186).

Louis Crozet, puis Mme Praxède Crozet.


Paul Royer [cousin de Louis Royer].


Mme de Royer-Viollet. Bibliothèque Royer (château de la Ronzie, à Claix, Isère).


Pierre Bergé (ex-libris, II, n° 340).

L. Royer. "Les livres de Stendhal dans la bibliothèque de son ami Louis Crozet" in Bulletin du Bibliophile, 1923 (p. 444-446, n°16).

 

R. Vigneron, "Stendhal et Mme Os" in Le Divan, n° 220, juin 1938.

 

Y. du Parc. Quand Stendhal relisait les Promenades dans Rome. Lausanne, 1959.

 

V. Del Litto. Les Bibliothèques de Stendhal. Champion, 2001.