Bibliothèque littéraire Hubert Heilbronn

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View full screen - View 1 of Lot 193. Lettre à l'écrivain albanais Faïk Bég Konitza. 17 juin 1912..

Apollinaire, Guillaume

Lettre à l'écrivain albanais Faïk Bég Konitza. 17 juin 1912.

Auction Closed

May 11, 05:00 PM GMT

Estimate

3,000 - 5,000 EUR

Lot Details

Description

Apollinaire, Guillaume


Lettre autographe signée à Faïk Bég Konitza. [Paris], 17 juin 1912.


2 pages in-4 (270 x 210 mm), sur papier à en-tête Société Immobilière et Sportive / Tennis Saint-DidierFeuillet doublé recto et verso.


TRÈS BELLE LETTRE À SON AMI L’ÉCRIVAIN ET ESSAYISTE ALBANAIS FAÏG BÉG KONITZA.


Il est heureux d’avoir enfin eu de ses nouvelles : "Je suis l’homme le plus fatigué du monde, fatigué de tout sinon des lettres. Mais nul ne les entend plus et vous voilà Whitmanien, jammiste, méthodiste peut-être, quaker sans doute, mormon vous souhaité-je. Pour ce qui me concerne j’ai contracté une union à la mormonne, indissoluble, avec une dame du temps jadis. J’ai épousé la Joconde et je crois bien que nous voilà liés pour l’éternité" [Apollinaire fait ici allusion au vol du tableau de Léonard de Vinci, affaire dans laquelle il fut un temps suspecté].

Il lui a envoyé sa chronique de La Vie anecdotique qui lui est consacré : "Tout le monde à Paris a prétendu que je vous avais inventé de toutes pièces et Dieu sait que je ne vous ai point fardé mais seulement rehaussé de quelques touches un peu vives mais qui ne vous changent point". Enfin, à propos du départ de son correspondant aux États-Unis, il évoque son propre travail sur La Femme assise : "Vous voilà sur le continent des grands séquoias. Peut-être avez-vous le petit lac bleu dans lequel le Mississipi prend sa source. Je vis depuis 2 ans en Amérique chez moi, écrivant un roman qui s’y passe, et j’aimerais avoir des vues, des portraits, des livres de Mormons vers 1853. […] Votre écriture s’est américanisée et vous-même êtes-vous envahi par la grande rage américaine, fièvre de tout, tristesse de tout, propreté de tout".


Apollinaire avait été sollicité en 1903 par Konitza pour collaborer à sa revue littéraire et politique Albania, et par deux fois lui rendit visite à Londres, poursuivant une correspondance chaleureuse avec ce frère d’exil, installé à Bruxelles puis à Londres et enfin de l’autre côté de l’Atlantique, dressant un portrait attachant dans le Mercure de France du 1er mai 1912 : "Des hommes que j’ai connus et dont je me souviens avec le plus de plaisir, Faïk Bég Konitza est un des plus singuliers. Il naquit en Albanie, voici une quarantaine d’années, d’une famille restée fidèle au culte catholique. […] comme il possédait à un haut degré l’amour de sa patrie albanaise, retourné en Turquie il y conspira et, d’après ses dires, y fut condamné deux fois à mort par contumace […] c’est parmi les gens d’affaires du Michigan que ce descendant des compagnons de Georges Castriote promène maintenant sa mélancolie d’Européen très cultivé, de poète désabusé, son hypocondrie d’exilé et, sans aucun doute, les quatre grands volumes du Dictionnaire de Bayle."


Auteur d’essais littéraires et politiques, parfois signés de son pseudonyme Thrank-Spiroberg, Faïk Konitza (1876-1942) est l’un des fondateurs de la littérature moderne albanaise.


Référence : Correspondance générale, I, éd. V. Martin-Schmets, Champion (n° 399).