Lot 48
  • 48

REVERDY. L.A.S. INÉDITE À FRANCIS GUEX-GASTAMBIDE [AOÛT 1943], 8 P. IN-4 OBLONG

Estimate
3,000 - 4,000 EUR
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Description

  • Reverdy, Pierre
  • Lettre autographe à Francis Guex-Gastambide, signée P. R, [août 1943].
8 p. in-4 oblong (210 x 270 mm) à l'encre bleue, sous chemise demi-maroquin noir moderne. Magnifique lettre inédite à un jeune poète : Un poète n’exprime pas l’événement, il se sert de l’événement pour s’exprimer lui-même. En 1942, Francis Guex-Gastambide, poète proche de l’École de Rochefort, publie une étude sur Pierre Reverdy aux éditions Ambiance, premier volume de la nouvelle collection “Les Littérateurs contemporains”. Cette publication, qui toucha Reverdy, fut à l’origine d’une correspondance qui s’amplifia pendant la seconde guerre mondiale. Les réflexions sur la guerre que Reverdy partage avec son ami dans cette lettre d’août 1943 permettent de comprendre pourquoi “l’ermite de Solesmes, ivre de solitude, d’amertume devant ce monde de l’art dont il avait fui les faux-semblants” (François Chapon), devait, durant la guerre, s’abstenir de publier. Pour le poète, la seconde guerre mondiale soulève la question de l’articulation entre les destinées individuelles et la tragique destinée du monde. Les grands événements qui bousculent la planète n’offrent aucun parallélisme avec nos destinées individuelles profondes ; On peut être très malheureux au milieu de l’allégresse générale […] on peut être heureux dans la désolation universelle. L’indifférence de certains de ses contemporains le révolte. Malheureusement cette indifférence à ce qui se passe en ce moment que j’ai la stupeur de constater parfois vient plutôt de la petitesse, de la médiocrité. […] Certes, il faut vivre et je le pense bien. Mais non pas à contre temps. Nous savons à présent ce que c’est que l’Histoire. […] Que dire des hommes qui ne pensent jamais à la mort. Qu’ils ont raison certes. Mais qu’ils sont bien peu hommes ; Que dire des hommes qui aujourd’hui se détournent du drame pour s’étourdir dans les petits soucis. A peu près la même chose. Il considère que vivre en temps de guerre impose de trouver un équilibre entre générosité et égoïsme. En réponse à la crainte de Guex-Gastambide que la fin de la guerre ne [lui] apporte pas la joie [qu’il veuille] avoir au cœur, Reverdy développe une réflexion sur les déceptions et la vieillesse. Plus vous vivez et plus vous verrez que rien ne peut remplir votre cœur complètement de joie — et le cruel c’est que plus l’attente a été grande plus l’espoir intense, plus le désir profond plus le vide est grand, la déception cuisante. Le poète livre une description lumineuse de la joie que suscite l’idée de la libération : de la fin d’une oppression insupportable. À la médiocrité si apparente d’aujourd’hui […] que manifestent les poètes à s’exprimer, Reverdy préfère le silence : Quant au silence poétique ne vous en alarmez pas. Rien de plus fortifiant que le silence. Il pressent que des œuvres remarquables se préparent comme le tissu se reconstitue déjà sous le sang à peine coagulé de la blessure. Reverdy termine en livrant sa conception du poète. Un poète n’exprime pas l’événement, il se sert de l’événement pour s’exprimer lui-même. Nous remercions Monsieur Étienne-Alain Hubert pour son aide précieuse et sa relecture attentive.