Lot 288
  • 288

Musset, Alfred de

Estimate
4,000 - 6,000 EUR
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Description

  • Musset, Alfred de
  • LETTRE AUTOGRAPHE A MME JAUBERT, signée Votre filleul plein de sirop, datée Vendredi 28 [octobre 1842], 7 pages in-8 (200 x 131 mm), illustrée d’un DESSIN ORIGINAL sur une demie-page, sous chemise demi-maroquin noir moderne.
LONGUE ET AMUSANTE LETTRE ILLUSTRÉE A SA « MARRAINE », DANS LAQUELLE MUSSET ÉVOQUE PAULINE VIARDOT ET SON CÉLEBRE POEME SUR UNE MORTE.

Le poète vient d'être malade : ... le fieux vient de passer 6 jours au lit avec la fièvre ne pouvant ni manger ni dormir ni rien de rien. Son frère [Paul de Musset] est venu lui faire la morale, mais j'aurais mieux aimé la soeur Marceline. Je l'ai envoyée demander au couvent — hélas ! marraine, elle n'y était pas. Suit un amusant portrait de la religieuse qu'on lui a envoyée : ... on m'a décoché une grosse maman, véritable nonne de La Fontaine (sauf la gaudriole), mais grosse, grasse, fraîche, mangeant comme quatre, et ne se faisant pas la moindre mélancolie. Elle m'a très bien soigné et fort ennuyé... Quand ... elle me disait de sa petite voix d'enfant de choeur : quel noeud terrible vous vous faites là (elle voulait dire que je fronçais le sourcil), pauvre chère âme ! elle aurait déridé Leopardi lui-même au beau milieu d'une conspiration ou d'une partie d'échecs perdue.



Puis il passe longuement en revue les théâtres et les artistes du jour, avec beaucoup d'esprit : ... j'ai applaudi la Grisi pommelée... Et je dis encore que Grisi est insupportablement commune, vulgaire etc. tant qu'il vous plaira, mais elle est très souvent belle dans Sémiramis, c'est son rôle... on l'entend. Or on n'entend pas Paulinette [Pauline Viardot, née Garcia, célèbre cantatrice, soeur de la Malibran]... J'imagine que les excercices d'équitation auxquels elle s'est livrée, en sont la cause. Il est probablement resté un peu de sa voix au bout du nez de V[iardot] comme un fil de macaroni. suit une longue description du costume assez curieux de la cantatrice dans Arsace ... Elle est charmante, elle est pleine d'âme, plus distinguée cent fois que tous ces braillards-là. Mais aussi quelle idée d'aller — enfin.



Il revient à sa maladie, avouant drôlement que la fièvre, la diète, le sirop et la vue d'une religieuse qui prie le bon Dieu sont d'excellents remèdes contre la férocité ... il se reproche en effet un poème qu'il vient de publier : raide comme un bâton sous quatorze couvertures ... je pensais à mes derniers vers ; et je les ai sincèrement regrettés, mais très sincèrement. C'est mal, c'est absurde, non pas de les avoir faits, mais de les avoir imprimés.



Musset, qui venait de publier son fameux poème Sur une morte (Revue des Deux Mondes, octobre 1842), violente diatribe contre la célèbre princesse Belgiojoso, sentait qu'il était allé trop loin dans sa vengeance d'amoureux éconduit. En tout honneur, je ne l'aime plus, précise-t-il. Sans vouloir se rabibocher comme disent les gamins, il souhaiterait cependant trouver un moyen quelconque de réparer la chose. il s'adresse donc à sa confidente : ... mettez votre menton dans votre main, appuyez votre coude sur votre jarretière, brûlez-vous le bout du pied, et donnez-moi un conseil. Il est positif que personne ici n'a cru les vers adressés à Uranie [la princesse Belgiojoso] ... Mais il l'avertit : ... dites-vous bien que je ne veux pas de réconciliation, sous aucun rapport, aucun rapprochement, j'en ai bien assez, à présent que c'est fini. Mais je sens que j'ai été trop loin et je voudrais revenir sur l'impression laissée ... on sait que Mme Jaubert, intime de la princesse, sera très choquée de ce poème, qu'elle ne pardonnera pas à son « filleul ».



Musset termine en disant qu'il ira voir jouer Rachel et lui en parlera et signe : Votre filleul plein de sirop.



SUR LA MOITIÉ DE LA PAGE 7, MUSSET A DESSINÉ A LA PLUME SA CHAMBRE PENDANT SA MALADIE : il est dans son lit, enfoui sous les édredons, des fioles sur sa table de nuit. Une grosse nonne prie à genoux, alors qu'il gémit dans son lit (légende autographe) : Soeur Marceline où êtes-vous ? et ma petite marraine ? et cette bonne Princesse [Belgiojoso] envers qui aïe ! aïe ! l'estomac ! aïe la poitrine !!! ouf !!! ouf !!!



On joint : une enveloppe avec adresse autographe à Mme Jaubert (11 août 1842). Sur Madame Jaubert, voir également lot 283.



Correspondance (1827-1857). Édition de Léon Séché. Slatkine reprints, 1977 [1907], n°CXXIII. Dessin reproduit en tête du livre, p. [5].