Lot 37
  • 37

Artaud, Antonin

Estimate
3,500 - 4,500 EUR
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Description

  • Artaud, Antonin
  • Lettre autographe signée à Henri Parisot, datée Rodez 13 février 1944, 2 pleines pages in-4 (texte très dense), sous chemise demi-maroquin noir.
  • Ink paper leather
Étonnante lettre sur le Surréalisme, la religion et Gisèle Prassinos.

Elle est adressée à l’écrivain Henri Parisot, traducteur et découvreur de talents, tels Gisèle Prassinos, à qui Artaud écrira l’année suivante les célèbres Lettres de Rodez. Cette lettre reflète surtout les crises de religiosité qui, à l’asile de Rodez, assaillaient alors l’écrivain. Son correspondant lui ayant parlé du Surréalisme, Artaud réplique en déversant dans sa lettre ses obsessions du moment : ce ne sont pas les écrits des Surréalistes, mais ceux des mystiques chrétiens, qui, seuls, sont authentiquement surréalistes - paradoxe qu’il développe avec beaucoup de conviction et de flamme.



Le Surréalisme n’est qu’une perversion diabolique de la Haute Mystique chrétienne, décrète d’emblée Artaud, qui, après avoir condamné ce mouvement, va parler de lui-même et de son évolution psychique. Il y a des siècles que les Saints inspirés par Dieu connaissent et emploient l’écriture automatique, et seule la crasse ignorance de notre temps stupide a fait que nous l’avons oublié. Seulement les Saints quand ils écrivaient arrivaient devant leur page blanche avec un inconscient net et lavé, l’inconscient d’une âme toute neuve, candide, vierge, en âme aussi bien qu’en corps, alors que nous y arrivons avec un inconscient encrassé, goulu, rapace, égotiste, pourri d’images obscènes, de mauvaises pensées et de mauvaises intentions… D’où ce jugement sur le Surréalisme : …tout ce que nous avons écrit ou peint sous l’influence de l’esprit surréaliste indique que nous avons perdu notre âme dans ce combat. … Suit cette rétractation : …je prononçais je sais fort bien maintenant sous quelles ténébreuses influences : ÉROTISME DU DÉSESPOIR, libido de l’humour noir et Satan le désespéré. - Toute ma littérature de cette époque est la littérature d’un désespéré qui se repent de sa volonté libidineuse interne mais qui est trop lâche pour l’exécuter et l’accomplir à l’extérieur et dans le réel. Elle est toute à jeter au feu, Dieu sauvera les quelques pages qui par hasard mériteraient encore de vivre dans ce chaos… La fin de la lettre est consacrée, sans transition, à mettre en garde la poétesse surréaliste Gisèle Prassinos : …J’attends que Gisèle Prassinos aille chercher sa propre âme dans la désespérance qui la tient, en l’arrachant au mal qui est la pensée de tous les autres en nous, le moi s’acceptant dans le multiple obscène de tous les corps… Cela s’obtient par une opération de castration morale, elle-même image ravalée terrestre, de cette éternelle répulsion du Mâle pour la Femelle… J’attends que Gisèle Prassinos ait pleuré sur son âme qui est très certainement unique, elle lui reviendra.