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APOLLINAIRE. LETTRE-POÈME À LOU, 28 AVRIL 1915, 4 P. IN-8, "JOLIE BIZARRE ENFANT CHÉRIE" 89 VERS

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20,000 - 25,000 EUR
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描述

  • Apollinaire, Guillaume
  • Poème autographe à Louise de Coligny-Châtillon (Lou), signé Gui, daté 28 avril 1915.
4 pages sur un bifeuillet in-8 (224 x 175 mm) à l’encre brune sur papier d’écolier avec quelques annotations d’une autre main au crayon marquant les passages inédits, sous chemise demi-maroquin noir moderne. Superbe et long poème d’amour de 89 vers, adressé du front à Lou dans lequel la guerre n’est pas évoquée et où Apollinaire célèbre successivement chacun des cinq sens de Lou. Ayant précipité son départ pour le front, Apollinaire arrive le 6 avril dans la région de Mourmelon-le-Grand. Il écrit donc ce poème, trois semaines après son arrivée dans les tranchées, un mois exactement après leur dernière rencontre ratée de Marseille. Alors qu’il s’était plus ou moins résigné à une relation différente avec Lou, le 21 avril des lettres d’elle lui arrivent, le relançant aussitôt vers cet amour qu’il essayait difficilement d’oublier. Il ne peut donc qu’évoquer ici le passé, et les souvenirs souvent très intimes de cet amour mort ressurgissent et exacerbent son lyrisme. Ce poème, écrit d’un seul jet, se présente en six parties commençant chacune de la même façon par Jolie bizarre enfant chérie.  Comme souvent, l’évocation amoureuse se transforme rapidement en rêverie érotique, parfois très libre. Pour évoquer les charmes physiques de Lou, dont le souvenir l’obsède, Apollinaire va procéder méthodiquement : chacune des strophes célèbrera un de ses cinq sens. La vue : Jolie bizarre enfant chérieJe vois tes doux yeux langoureuxMourir peu à peu comme un train qui entre en gareJe vois tes seins, tes petits seins au bout rose. Souvenir bien précis, celui de séances de flagellation : Je vois tes sauts de carpe aussi la croupe en l’airQuand sous la schlague tu dansais une sorte de koloCette danse nationale de la Serbie L’odorat : Jolie bizarre enfant chérieJe sens ta pâle et douce odeur de violetteJe sens la presqu’imperceptible odeur de muguet de tes aissellesJe sens l’odeur de fleur de marronnier que le mystère de tes jambesRépand au moment de la voluptéParfum presque nul et que l’odorat d’un amantPeut seul et à peine percevoir. Le toucher : Jolie bizarre enfant chérieJe touche la courbe singulière de tes reins [...]Je touche aussi la toute petite éminence si sensible. Le goût : Je goûte ta bouche ta bouche sorbet à la roseJe la goûte doucementComme un khalife attendant avec mépris les Croisés. L’ouïe : J’entends ta voix qui me rappelleUn concert de bois, musettes hautbois, flûtes,Clarinettes, cors anglaisLointain concert varié à l’infini. La dernière strophe résume les précédentes : Jolie bizarre enfant chérie [...]Mes cinq sens te photographient en couleursEt tu es là tout entièreBelle. Ce poème sera repris dans Ombre de mon amour en 1947, puis dans Poèmes à Lou en 1955 (XLV). Œuvres poétiques. Pléiade, 1965, XLV, p. 451-453 — Lettres à Lou, éd. M. Décaudin, lettre n° 141. — Correspondance générale, éd. de V. Martin-Schmets, t. 2, 1915, n° 885, p. 359-362.