拍品 233
  • 233

RIMBAUD. LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE À SA FAMILLE, DATÉE DE ADEN LE 10 SEPTEMBRE 1884, 4 PAGES IN-8, SOUS CHEMISE DEMI-MAR.

估價
60,000 - 80,000 EUR
Log in to view results
招標截止

描述

  • Rimbaud, Arthur
  • Lettre autographe signée à sa famille, datée de Aden le 10 septembre 1884.
4 pages sur un bifeuillet in-8 (215 x 132 mm), à l’encre noire sur papier vergé, sous chemise demi-maroquin noir moderne. Magnifique lettre, témoignage de la difficile existence africaine du poète, alors négociant à Aden. Rimbaud s’inquiète d’abord des siens qu’il nomme ses chers amis (comme il le fait habituellement dans les lettres à sa famille), dont il est sans nouvelles, et leur souhaite bonnes récoltes et long automne. Quant à lui, il travaille depuis trois mois à Aden, mais les affaires vont mal ; et je crois que, fin décembre, j’aurai à chercher un autre emploi, que je trouverai d’ailleurs facilement, je l’espère. Il songe à aller à Bombay, où il pourra placer son argent et vivre de ses rentes, et donne des détails à ce sujet. Paterne Berrichon, son beau-frère posthume, avait donné ce passage avec des chiffres erronés. Les éditeurs suivants, les trouvant invraisemblables, avaient supprimé ce paragraphe. Le voici, rétabli : Il se pourrait que, dans le cas où je doive quitter Aden, j’aille à Bombay, où je trouverais à placer ce que j’ai à forts intérêts sur des banques solides, et je pourrais presque vivre de mes rentes : 6000 roupies à 6 % me donneraient 360 roupies par an, soit 2 francs par jour, et je pourrais vivre là-dessus en attendant des emplois. Rimbaud évoque ensuite la situation des employés à Aden, mal payés et dont le sort est précaire, à cause des climats funestes et de l’existence énervante qu’on mène. Vient cette poignante confession : Pour moi, je suis à peu près acclimaté à tous ces climats, froids ou chauds, et je ne risque plus d’attraper les fièvres ou autres maladies d’acclimatation, mais je sens que je me fais très vieux très vite, dans ces métiers idiots et ces compagnies de sauvages ou d’imbéciles. Il semble découragé : du moment que je gagne ma vie ici, et puisque chaque homme est esclave de cette fatalité misérable, autant ici qu’ailleurs, mieux vaut même ici qu’ailleurs où je suis inconnu ou bien où l’on m’a oublié complètement et où je n’aurai à recommencer. […] il est plus que probable que je n’aurai jamais de quoi, et que je ne vivrai ni ne mourrai tranquille. Enfin, comme disent les musulmans : C’est écrit ! C’est la vie, elle n’est pas drôle. La même angoisse se ressent dans ce qu’il dit ensuite d’Obock : Tout le littoral de cette sale mer Rouge est ainsi torturé par les chaleurs. Seule consolation : Aden est très sain et seulement énervant par l’excès des chaleurs. Rimbaud termine sa lettre en demandant des nouvelles de son frère Frédéric (second passage censuré par les anciens éditeurs) : Et le fameux Frédéric, est-ce qu’il a fini ses escapades ; qu’est-ce que c’est que ces histoires ridicules que vous me racontiez sur son compte ? Il est donc poussé par une frénésie de mariage cet homme-là. Donnez-moi des nouvelles de tout cela. Rimbaud ne s’entendit jamais avec son frère aîné, dont il se moque aussi dans une autre lettre aux siens du 7 octobre 1884. Désireux de nous présenter un Rimbaud « frère exemplaire », sa sœur Isabelle et Paterne Berrichon ont jugé utile de supprimer ce passage qui fut longtemps censuré. Le 11 août 1885, Fréderic épousa Rose-Marie Justin. La vie de Rimbaud en Afrique, d’août 1880 à avril-mai 1891, se partage entre Aden et Harar où il occupera différents postes auprès du comptoir de la maison Mazeran, Viannay, Bardey et Cie, négociant en café. Lorsqu’il écrit cette lettre, Rimbaud est à nouveau à Aden depuis avril 1884. Au même moment, à Paris, paraît un livre de Verlaine : Les Poètes maudits, chez Vanier. En septembre, date de cette lettre, le Harar est occupé par les Egyptiens et les affaires déclinent. Cet autographe est particulièrement important en raison des passages censurés par les anciens éditeurs et rétablis ensuite par Jean-Jacques Lefrère et André Guyaux. Correspondance, éd. J.-J. Lefrère, Fayard, 2007, p. 400-401 ; Œuvres complètes, éd. André Guyaux, Pléiade, 2009, p. 551-552.