

La forme de ce vase est modelée par l’ornemaniste Jean-Claude Duplessis père (1699-1774). Les archives de la manufacture de Sèvres conservent le modèle en plâtre publié à la fin du XIXe siècle par Albert Troude (pl. 114)1 sous la dénomination de vase allemand uni. Cette dénomination n’apparait pas dans les registres de ventes et inventaires de la manufacture de Sèvres du XVIIIe siècle. Il est possible que le terme cassolette ait désigné cette forme au XVIIIe siècle. L’inventaire du 1er janvier 1774 mentionne 1 Vase cassolette vert et enfants prisé 432 livres2. Ce vase en stock en 1774 est peut-être l’une des deux cassolettes d’une paire à fond vert décorée d’amours d’après Boucher et de paysage conservée à la Wallace collection à Londres et datée 17653. Peu d’exemplaires de cette forme sont aujourd’hui connus : une seconde paire de cassolettes à fond bleu céleste datée de 1773 décorée de paysages et de fleurs figurait dans l’ancienne collection Oscar Düsendschön à Genève4, une troisième paire à fond bleu céleste à décor de marines5 et une quatrième paire à fond bleu nouveau décorée d’amours, de nuages et de couronnes de fleurs entrelacées sont également répertoriées.
HAREWOOD HOUSE
La collection de porcelaine de Sèvres de Harewood House a été rassemblée par Edward, vicomte Lascelles (1764-1814), fils d'Edward Lascelles, 1er comte de Harewood et d’Anne Chaloner, décédé sans descendance à l’âge de 50 ans le 3 juin 1814 (fig. 2).
Il acheta ses porcelaines de Sèvres à Paris après la paix d’Amiens de 1802, mais également à Londres comme lors de la vente des collections de la comtesse de Holderness chez Christie’s le 26 février 1812 où il acheta le lot 20 : « a Pair of singularly elegant Couvettes, Seve Porcelaine, with high finished painting » (Geoffrey de Bellaigue, French Porcelain in the Collection of Her Majesty the Queen, 2009, Vol. I, n° 7, p. 111, note 1). Sa collection fut probablement également enrichie par des présents de porcelaine offerts par George IV avec qui il partageait sa passion pour la porcelaine française, comme en témoignent les deux paires de cuvettes à tombeau à fond bleu et oiseaux ayant appartenues à Madame du Barry et aujourd’hui mélangées entre les collections royales anglaises et Harewood House (Geoffrey de Bellaigue, op. cit., vol. I, n° 9 ; pp. 115-117).
Les deux cassolettes apparaissent dans plusieurs inventaires, dont celui dressé à Harewood House vers 1892 : « A pair of cassolette shaped Sèvres vases and covers on loose stands, bleu-du-roi ground with gilding ; in front panel painted with Boucher subjects of two figures in a garden, on the reverse flowers. One cover of Worcester china made to match. Height 9 in. » (fig. 3). À cette date, l’inventaire mentionne déjà le remplacement du couvercle réalisé, probablement quelques années plus tôt, par la manufacture de Worcester.
En 1922, le roi George V (1865-1936), donna la main de sa fille, la princesse Mary (1897-1965) au 6e comte de Harewood. La princesse appréciait beaucoup le cadre de vie qu’offrait la propriété.
Peu après le décès de la princesse Mary, une partie de la collection de porcelaines de Vincennes-Sèvres fut confiée par le 7e comte de Harewood (1923-2011) à Christie’s pour l’organisation d’une exceptionnelle vente aux enchères, le 1er juillet 1965 à Londres. Pour le musée du Louvre, cette vente fut l’occasion d’enrichir considérablement le département des objets d’art en vases de Sèvres. Quelques vases de Sèvres provenant de Harewood sont récemment revenus sous le feu des enchères : une garniture de trois cuvettes à tombeau (Sotheby’s Paris, le 9 novembre 2010, lot 198).
Hugh Tait illustra en janvier 1965 les deux vases dans l’un de ses articles consacrés à quelques chefs-d’œuvre en porcelaine de Sèvres de la collection du 7e comte de Harewood. Le décor des réserves était alors attribué à Charles-Nicolas Dodin (1734-1803). L’un de nos vases est également publié par Marcelle Brunet et Tamara Préaud, pour illustrer la production de la forme "Allemand uni" dans leur ouvrage Sèvres des origines à nos jours, 1978, p. 167, notice 130.
[1] Albert Troude, Choix de Modèles de la Manufacture Nationale de Porcelaines de Sèvres appartenant au Musée céramique, Paris, s.d. (1897). Sèvres-Cité de la Céramique, Archives Manufacture, Inv. de 1814 : 1740-1780 §1 n° 147.
[2] Sèvres, Cité de la Céramique, Archives Manufacture, I 8.
[3] Rosalind Savill, The Wallace Collection, catalogue of Sèvres Porcelain, 1988 vol. In° C276-7, pp. 263-266)
[4] Vente Sotheby & Co, Londres, le 6 décembre 1960, lot 66, repr.
[5] Ancienne collection Henry Ford II, Sotheby’s New York, le 25 février 1978, lot 42.