
Sextus Tarquin admirant la vertu de Lucrèce
Vente aux enchères clôturée
November 26, 04:58 PM GMT
Estimation
300,000 - 500,000 EUR
Description du lot
Description
Jean-Jacques Lagrenée
Paris 1739 - 1821
Sextus Tarquin admirant la vertu de Lucrèce
Huile sur toile
Signé et daté en bas à droite J.J. Lagrénée 1781
128,5 x 194,3 cm; 50⅝ by 76½ in.
Acquis à Paris au début du XXe siècle ;
Resté dans la même famille par descendance jusqu'en 2008 ;
Vente anonyme, Sotheby's, New York, 24 janvier 2008, lot 93.
Salon de Paris, 1781, n° 34 (décrit comme Les fils de Tarquin, admirant la vertu de Lucrèce... Ce Tableau a 6 pieds de large, sur 4 de haut).
Explication des Peintures, Sculptures, Gravures, de Messieurs de L'Académie Royale, Paris, 1781, p. 10-11, n° 34 ;
J. Locquin, La peinture d'histoire en France de 1747 à 1785, Paris, 1912, p. 252 et 255 ;
L. Hautecœur, Histoire de l'art, Paris, 1959, p. 56 ;
E. Bénézit, Dictionnaire critique et documentaire des Peintres, Sculpteurs, Dessinateurs et Graveurs, Paris, 1976, ed., vol. 6, p. 383 ;
M. Sandoz, Les Lagrenée. II. - Jean-Jacques Lagrenée 1739-1821, Paris, 1988, p. 226-227, n° 135 (comme localisation actuelle inconnue).
Ce tableau de Jean-Jacques Lagrenée est une redécouverte récente. Présenté au Salon de 1781, il nous est parvenu dans un magnifique état de conservation. Il s’agit d’un exceptionnel exemple d'œuvre néo-classique d’un artiste de la génération précédant celle de Jacques-Louis David.
Exposé au Salon de 1781 et connu par la littérature consacrée à Jean-Jacques Lagrenée, Sextus Tarquin admirant la vertu de Lucrèce est un tableau redécouvert en 2008 dans une vente à New York chez Sotheby’s (voir Provenance).
Exceptionnel par son grand format et son excellent état de conservation, le tableau illustre un épisode rarement peint et pourtant important de l’histoire légendaire de Rome qui entraîne la chute de la Royauté romaine et le début de la République. Tite-Live dans son Histoire de la Rome Antique raconte que pendant le siège de la ville d'Ardée, Sextus Tarquin et ses frères, fils du roi Tarquin le Superbe, dernier roi de Rome qui régna entre 534 av. J. C. et 509 av. JC, et leur cousin, Tarquin Collatin se rendent à Rome pour vérifier le comportement de leurs épouses. Seule Lucrèce, l’épouse de Collatin, célèbre pour sa beauté et sa vertu, filait tranquillement de la laine en veillant sur sa maison tandis que les autres épouses s'amusaient avec de nombreux compagnons. Lagrenée décrit la stupéfaction du fils du Roi devant la vertu incarnée par Lucrèce. Sextus, jaloux, viole Lucrèce qui se suicide après avoir fait jurer vengeance à son père et son mari. Cette vengeance entraînant le bannissement des Tarquin et le soulèvement des Romains permet l’établissement de la République de Rome.
Selon Marc Sandoz, l'importance de notre tableau laisse supposer qu'il s'agit d'une commande, mais malheureusement rien ne permet de l’affirmer (Marc Sandoz, Les Lagrenée, II. - Jean-Jacques Lagrenée (le jeune), 1739-1821, Paris, 1988, p. 226).
Ce type de sujet est typique des œuvres présentées au Salon dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. En effet, on observe, à partir du Salon de 1775 de plus en plus de sujets d’histoire avec une préférence pour les épisodes de l'histoire romaine. Jean-Jacques Lagrenée occupe cependant une place à part entière dans ce renouveau de la peinture. De la même génération que Gabriel-François Doyen (1726-1806), Nicolas Guy Brenet (1728-1792) et Nicolas-Bernard Lépicié (1735-1784), Lagrenée est connu pour être un artiste novateur et un décorateur recherché. Il est l'un des principaux peintres de plafonds de son temps avec Jean-Simon Berthélemy (1743-1811), Louis Jean-Jacques Durameau (1733-1796) et Antoine-François Callet (1741-1823).
Jean-Jacques apprend la peinture auprès de son frère Louis. Après avoir reçu le second Grand prix de Rome en 1760, il décide de suivre son frère appelé à diriger l’Académie de Saint-Pétersbourg en 1762. Il passe ensuite les années 1763 à 1769 en Italie. En 1768, il obtient de Marigny la faveur d'être inclus pour un an comme pensionnaire à l'Académie de France à Rome. Durant ce séjour italien, il se passionne pour l'Antiquité, il s’intéresse plus aux découvertes archéologiques qu’aux maîtres italiens. Il peint des dizaines d’œuvres inspirées d’Homère, des poésies d’Ovide, de l’histoire de Psyché ou de celle de Télémaque. Il s’initie également à l’aquatinte et ses gravures en manière de lavis semblent avoir joué un rôle important dans la propagation, à la fin du XVIIIe siècle, du goût pour les frises à décors antiques sur fond uni. Il devient agréé à l'Académie royale en 1769 et, de 1771 à 1804, expose régulièrement au Salon. En 1775, il est admis comme membre à part entière de l'Académie et est nommé professeur adjoint l'année suivante puis professeur titulaire en 1781. Ce rôle institutionnel associé à son goût pour les compositions en frise, les motifs antiques et son intérêt pour l’iconographie traditionnelle ancienne, ont joué un rôle sûrement sous-estimé dans le retour à la peinture d’histoire et ont sûrement influencé les peintres néo-classiques. Au fur et à mesure de sa carrière, le vocabulaire des formes qu'il utilise se simplifie, s'épure, donnant à ses décors de frises un aspect monumental. Il est ainsi l'un des précurseurs des styles Adam et Empire ce qui lui vaut d'être choisi comme directeur artistique de la manufacture de Sèvres (1785-1800).
Ce Sextus Tarquin admirant la vertu de Lucrèce confirme le goût de Lagrenée pour l’Antiquité, les deux groupes de personnages au premier plan sont placés comme sur une scène dans un espace architectural au décor dorique dépouillé. L'architecture encadre une vue sur la campagne comme dans l'art de Raphaël, dégagée par une restauration récente : lors de son précédent passage en vente dans nos salles à New York, en 2008, ce paysage était encore en grande partie masqué par des éléments architecturaux postérieurs (fig. 1). Ce décor savamment construit renforce la mise en scène précise avec les poses théâtrales des protagonistes reflétant admirablement leurs sentiments. La qualité des draperies et l'éclat de leur couleur est également remarquable.
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