Art d'Afrique, d'Océanie, d'Indonésie et des Amériques

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View full screen - View 1 of Lot 108. Masque kifwebe, Songye, République Démocratique du Congo | Songye Kifwebe Mask, Republic Democratic of the Congo.

Masque kifwebe, Songye, République Démocratique du Congo | Songye Kifwebe Mask, Republic Democratic of the Congo

Lot Closed

December 16, 02:46 PM GMT

Estimate

50,000 - 80,000 EUR

Lot Details

Description

Masque kifwebe, Songye, République Démocratique du Congo


haut. 34 cm ; 13 2/6 in


Songye Kifwebe Mask, Republic Democratic of the Congo

Collection Edgar Beer, Bruxelles, ca. 1950

Henri Kamer (1927-1992), Cannes, France/New York, USA, 1958

Collection Billy Wilder (1906-2002), Hollywood

Jo Christeans, Bruxelles

Dorotheum, Vienne, Stammeskunst/Tribal Art. Afrika, Orient, Asien, Indonesian, Ozeanien, Amerika, 26 septembre 2011, n° 115

Collection privée

Lange Jacqueline et Leiris Michel, Art de l'Afrique Noire, Palais Granvelle, Besançon : n° 473.

I wish I'd collected more and directed less…”. Dans une interview donnée en 2000 au New York Times, Billie Wilder confessait sur le bout des lèvres cet ultime regret. Pourtant, sa collection d’art fut l’une des plus importantes d’Hollywood avec des pièces de grands maîtres du XXème siècle et surtout une importante collection d’art Africain et Précolombien dont il refusa de se séparer même aux derniers instants de sa vie. Parmi son éclectique collection allant des arts de cour du Bénin à la statuaire du Congo, se trouvait ce masque Songye (visible sur une photo de l’intérieur du réalisateur à Hollywood). Passé tout d’abord entre les mains du marchand d’art belge Edgar Beer puis dans celles de Henri Kamer installé à New York, le masque entra ensuite en la possession du directeur multi-oscarisé de Some Like It Hot.


Le type kifwebe est reconnaissable par le plan buccal prognathe parallélépipédique, les yeux mi-clos en forme de quartier de lune et les motifs quasi-hypnotiques inondant le pourtour de la structure, les masques Bifwebe (pluriel de Kifwebe) demeurent l’un des exemples les plus célèbres du corpus de l’art Africain. Très tôt, ils ont été associés aux artistes modernes par leur singulière expressivité et la puissance audacieuse qui s’en dégage.

L’architecture générale du masque se définit par un jeu des volumes et des angles rehaussés par les motifs en bandes dont les arêtes surlignent les lignes de force, créant « des poussées et mouvements directionnels »[1].

Si l’on suit le système de classification théorisé par François Neyt dans son étude des masques kifwebe[2], la gamme chromatique très claire du masque avec une utilisation de kaolin et les raies larges laisse suggérer une appartenance au style des Songye Orientaux.


Les masques kifwebe se décomposent en deux grands types : les masques masculins kilume et les masques féminins kikashi. Bien qu'opposés dans l’impression qu’ils devaient susciter chez le spectateur, ces deux types de masque sortis ensemble relevaient d’une dualité complémentaire. Si les masques masculins disposaient d’une puissante dimension coercitive incarnant les forces maléfiques, les masques féminins étaient considérés comme des symboles de bienveillance. Ces deux types de masques ont aussi en commun de partager les secrets initiatiques de la sorcellerie Buci et Masende.


Selon Dunja Hersak, les porteurs de masques kifwebe, issus de la société éponyme Bwadi Bwa Kifwebe agissaient comme des agents anonymes de l’élite Songye dont l’utilité devait être d’apaiser les tensions et régler les différents conflits qui émaillaient la société. Ils pouvaient aussi servir d’outils mnémotechniques lors de célébrations dont la fonction était de raviver tel ou tel souvenir chez les spectateurs en rapport avec l’évènement lié.


L’iconographie des masques kifwebe, selon Hersak toujours, renvoie partiellement une morpho-symbolique animalière empruntant le Kijimba, la force vitale[3] à la faune régionale. Ainsi, le menton échancré renvoie à la gueule d’un crocodile, la bouche prognathe à un bec d’oiseau, les raies et stries aux zèbres tandis que des plumes de coqs surmontent le masque. De plus, les petites incisions pratiquées sur le bas du masque kifwebe devaient accueillir des poils et cheveux se référant à la crinière du lion.

Cependant, l’iconographie ne renvoie pas seulement aux animaux. En effet, les masques incarnaient les esprits dont ils se faisaient les réceptacles. Ces masques étaient perçus comme les émanations des esprits des montagnes et de la brousse, à mi-chemin entre des créatures surnaturelles relevant à la fois de l’homme, de l’animal et du spirituel. Cet enchevêtrement symbolique convoquant différentes forces avait pour but de développer un dispositif visuel impressionnant le spectateur et réaffirmant l’autorité du pouvoir de l’élite.


Conjugaison du volume par la ligne et de la forme par la couleur, ce masque se détache du corpus habituel des masques kifwebe par l’extraordinaire impression de sérénité qui s’en dégage, empreinte d’une douceur radieuse.

 


[1] HERSAK Dunja, Songye: Masks and figure sculpture, 1986, p. 92.

[2] NEYT François, Kifwebe, un swiècle de masques songye et luba, 2019

[3] TEMPELS Placide, La philosophie Bantoue, 1945, p.