Livres et Manuscrits

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[Heures enluminées]

Livres d'heures. Heures dites d'Arviset. Miniature attr. atelier champenois. Est de la Fr., ca 1470

Lot Closed

December 15, 01:54 PM GMT

Estimate

4,000 - 6,000 EUR

Lot Details

Description

[Heures enluminées]


Livres d'heures (usage de Rome). Heures dites d’Arviset.

Grande miniature attribuable à un atelier champenois, suiveur du Maître du Missel de Troyes (actif c. 1460-1480).

[France de l’est, Champagne (et Bourgogne ?), vers 1470.]


Manuscrit enluminé sur parchemin, en latin et en français.

Grand in-8 (150 x 213 mm). 108 ff., précédés et suivis d’un feuillet de garde de papier et de parchemin (ancienne contre-garde détachée et contrecollée ; le dernier feuillet a été folioté 109 pour plus de commodité), manuscrit lacunaire : manquent des feuillets de texte et des miniatures [collation : i6, ii6, iii8, iv4 (de 8 ?, manquerait iii, iv, v, vi), v7 (de 8, manque viii), vi6 (de 10, manque vii, viii, ix, x), vii9 (de 8 + 1, cahier complet), viii7 (de 8, manque i), viii8, ix6 (de 8, manque i et ii), x8, xi8, xii8, xiii8, xiv8], quelques réclames (rognées court) (par exemple fol. 24v, 53v), parchemin réglé à l’encre rouge pâle, rubriques en rouge, initiales à l’or bruni sur fonds rose et bleu avec rehauts d’or, grandes initiales en rose avec rehauts blancs chargé d’un décor de feuilles trilobées rouge et bleu sur fond d’or, grande enluminure de forme cintrée entourée de baguettes enluminées, miniature inscrite dans un encadrement enluminé, décor sur fond réservé de feuilles d’acanthe de couleur, de fruits, de fleurs et feuillages, oiseau et petits disques dorés.

Veau havane moucheté, dos à 5 nerfs cloisonné et fleuronné, lettrage doré avec « Heures en parchemi[n] », étiquette contrecollée « H 45 » (cote ancienne), reprise sur la contre-garde supérieure, tranches dorées et ornées (Reliure du XVIIIe siècle).

Quelques épidermures aux plats, coins émoussés.


Avec une fort belle miniature attribuable à un atelier champenois sous l’influence du Maître du Missel de Troyes, artiste ayant exercé son influence en Champagne, en Franche-Comté et en Bourgogne. Le calendrier trahit un rattachement à Dijon, avec un certain nombre de saints honorés à Dijon, dont saint Bénigne présent au calendrier et aux suffrages.

De plus ce livre d’heure renferme un « livre de raison » manuscrit et inédit, consignant les temps forts des familles dijonnaises Jullien, Arviset, Vallon et Fyot de Mimeure pour les années 1563 à 1743, soit presque deux siècles de mémoire familiale.


Provenance.

1. Manuscrit copié et enluminé en Champagne si l’on se réfère au style de l’enluminure (atelier champenois), peut-être à l’origine pour un usage plus au nord, parce qu’il est difficile d’expliquer l’usage liturgique de l’Office des morts (Soissons ?). Le manuscrit fut conçu dès l’origine pour un dévot ou commanditaire avec des attaches en Bourgogne, notamment à Dijon, avec un calendrier qui fait figurer Bénigne (saint patron de la cathédrale de Dijon) et d’autres saints honorés à Dijon tels : Nicolas, Etienne, Philibert. Saint Bénigne figure également parmi les saints honorés aux suffrages. Par ailleurs d’autres saints tel Didier (deux saints Didier, l’un de Thérouanne, l’autre de Langres), Crispin, Quentin sont à relier effectivement au Soissonais.


2. Eléments d’un livre de raison pour la famille Jullien, importante famille de Bourgogne, établie, entre autres lieux, à Dijon : « C’est a moy Bernard Julien et d’Espuyer donnée a Marguerite Julien ma niepce le premier de janvier 1563 ». Il doit s’agir de Bernard Edme Jullien, seigneur de Verchisey, conseiller au Parlement de Dijon, mort célibataire. Catherine-Marguerite Jullien, sa nièce, épousa Bénigne Arviset, avocat général en la cour des comptes de Dijon. Sur la famille Jullien de Verrey, on consultera Courcelles, Histoire généalogique et héraldique des pairs de France, 1824, III, « Jullien de Verrey ». Les Jullien de Bourgogne ont fourni des conseillers au Parlement de Dijon, des membres aux États de la noblesse de la province de Bourgogne. Ses principales alliances sont avec les familles de la Beaume, de Carrières, de Montmézin, de Villainres, Vallon de Mimeure, de Berbisey, de Thésut, de Beaumont, d'Anlezy, des Barres et alia.


3. Livre de raison pour la famille Arviset, autre famille importante de Dijon : « Le 21 septembre 1601 mon fils ainé fut marié avec Marie Fyot a l’eglise de St-Etienne de Dijon… » (verso de la garde supérieure). Marie Arviset (née Fyot) épouse Emilian Arviset, avocat du Roi à la cour des comptes, conseiller au Parlement, seigneur de la Cosme, Colonge et Marcilly-lès-Mont-Saint-Jean, reçut conseiller au Parlement en 1606 (Palliot, 273). Les autres feuillets de ce livre de raison concernent en grande partie les enfants du couple Catherine-Marguerite Jullien (morte en 1601) et Bénigne Arviset (mort avant 1599) (fils de Richard Arviset (1521-1600)). Leur fils Emilian Arviset continue le livre de raison. Il épouse Marie Fyot comme indiqué ci-dessus : ils eurent Marie Arviset qui épousa Nicolas Vallon ; et Anne Arviset qui épousa en 1623 Jacques Vallon, seigneur de Mimeure, d’où le fait que ce livre passa dans la famille Vallon puis Fyot de Mimeure. On connaît à Dijon l’hôtel Arviset Jehannin de Chamblanc, construit par des descendants de Bénigne Arviset vers 1673.


4. Livre de raison des familles Vallon et Fyot de Mimeure : « Ces Heures ont estées trouvées dans la succession de Mr. de Valon Marquis de Mimeure, fils de Mr. le conseiller de Mimeure mort sans enfans et dont Madame Anne Philippine de Valon sa sœur estime que [sic] heritiere en 1719. Ladite dame a espousé Mr. le President Fyot Vaugymois lequel est mort le premier de fevrier 1723 et a esté enterré a St Estienne de Dijon au caveau de la famille des Fyot de Vaugymois et de Mimeure à l’entrée de l’arcade ou passent les chanoines pour entrer au cœur du costé de la chapelle de la Vierge. // Anne-Philippine Valon de Mimeure ditte cy-dessus est morte le 13 de janvier 1743… » (fol. 1).


5. Vignette gravée ex-libris contrecollée sur le plat supérieur. Il s’agit d’un membre de la famille Fyot de Mimeure, avec leurs armoiries : D'azur au chevron d'or acc de trois losanges d'or, assorti de la devise « Dum nascor Fyot Fyotque dum morior ». La traduction de la devise est celle-ci : « Je nais Fyot et je meurs Fyot ». Sous l’ex-libris armorié, un tampon-pochoir avec une cote ancienne (H 45), également présente sur le dos de la reliure.


France, collection particulière.


Texte.

ff. 1-12v, Calendrier, à l’usage de l’est de la France, avec plusieurs saints honorés à Dijon, en français, à l’encre rouge et brune ; signalons les saints suivants : Didier (19 janvier ; Didier de Thérouanne) ; Vincent (en rouge, 22 janvier) ; Austreberte (10 février) ; Gertrude (17 mars) ; Vincent (5 avril) ; Croix (en rouge, 3 mai) ; Nicolas (en rouge, 9 mai) ; Didier (en rouge, 23 mai ; Didier de Langres) ; Claude (en rouge, 6 juin) ; Vérole (16 juin) ; Thibault (1 juillet) ; Alexis (16 juillet) ; Etienne (en rouge, 3 août, l’église Saint-Etienne de Dijon est la paroisse citée à plusieurs reprises dans le livre de raison ; notons que Claude Fyot de la Marche a consacré un ouvrage à l’église : Histoire de l’église abbatiale et collégiale de Saint-Estienne de Dijon, Dijon, 1696) ; Dominique (5 août) ; Laurent (en rouge, 10 août) ; Mamert (en rouge, 17 août) ; Philibert (en rouge, 20 août ; l’église Saint-Philibert de Dijon est proche de la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon) ; Croix (en rouge, 14 septembre) ; Seigne (19 septembre) ; Maurice (22 septembre) ; Andoche (24 septembre ; saint Andoche de Saulieu est évangélisateur de la région d’Autun) ; Michel (en rouge, 29 septembre ; on citera l’église Saint-Michel de Dijon) ; Foy (6 octobre) ; Léonard (15 octobre) ; Valère (22 octobre) ; Crispin (25 octobre) ; Quentin (31 octobre) ; Léonard (6 novembre) ; Bénigne (24 novembre : la cathédrale de Dijon est dédiée à saint Bénigne); Nicolas (en rouge, 6 décembre ; il y avait une église Saint-Nicolas à Dijon dont il reste la tour dite de Saint-Nicolas, son ancien beffroi) ; Nicaise (14 décembre) ; Barbe (16 décembre) ; Etienne (en rouge, 26 décembre) ;


ff. 13-41v, Heures de la Vierge (lacunaires), commençant à laudes (miniature), puis les autres heures (prime à complies) fortement lacunaires. Le relevé des antiennes et capitules présents permet d’identifier que ces Heures sont à l’usage liturgique de Rome. : fol. 20, Pulchra es / Viderunt eam[laudes] ; fol. 25 ; Assumpta es / Que est ista[prime] ; fol. 40, capitule, Ego mater pulchre [complies] ; 42-46, Heures de la Croix (lacunaires, manque le début) ;


ff. 46v, feuillet blanc ;


ff. 47-62v, Psaumes de la pénitence (lacunaires du début) et litanies (ff. 57v-60v) ;


ff. 63-98, Office des morts (lacunaire), avec 9 leçons (usage de Soissons (?) : (voir Leroquais, Paris, BnF, NAL 3163, p. 133, en suivant le relevé fait sur Paris, BnF, lat. 1259, usage de Soissons)) : (1) Credo quod ; (2) Qui Lazarum ; (3) Heu michi ; (4) Ne recorderis ; (5) Domine quando ; (6) Peccantem me ; (7) Domine secundum ; (8) Memento mei ; (9) Libera me ;


ff. 98v-103, Suffrages aux saints, dont saint Jean-Baptiste ; saint Jean Évangéliste ; saint Bénigne ; saint Claude ; saint Sébastien ; sainte Catherine ; sainte Barbe ;


ff. 103-106v, Obsecro te (prière à désinence masculine, « …et michi famulo tuo… » (fol. 105) ;


ff. 106v-107v, Prières, dont Salve regina ; Ave regina celorum ; Protege domine famulos tuos ;


ff. 107v-109, Livre de raison pour les familles dijonnaises suivantes : Jullien, Arviset, Vallon, Fyot de Mimeure [1563-1743], relevant les temps forts de ces familles, mariages, baptêmes, décès, nominations à des fonctions et offices et autres évènements marquants (voir provenance).


Ce livre de raison mérite une édition critique pour rejoindre et croiser les autres éditions de livre de raison contenus dans les livres d’heures enluminés possédés par les familles dijonnaises du XVIe-XVIIIe siècle. On citera comme autre exemple celui de Guillaume Tabourot et Jeanne Bernard conservé dans les Heures à l’usage de Rome (Montréal, Université McGill, MS 154) (voir A. Bergeron, « Le livre de raison de Guillaume Tabourot et Jeanne Bernard, notables bourguignons », in Renaissance and Reformation (University of Toronto), 2016 (39/4), pp. 169-198). Autre livre de raison important issu des mêmes milieux dijonnais, mais pour l’heure non localisé, celui d’Etienne Bernard de Sassenay : « Il ne peut y avoir aucun doute sur la date et le lieu de sa naissance, car Etienne Bernard a rédigé de sa main le livre de raison de sa famille, sur les premiers feuillets du splendide missel dont il faisait usage et que la famille de Sassenay conserve aujourd’hui avec un filial respect » (De Broqua, Claude Bernard dit le Pauvre Prêtre (1588-1641), Paris, 1914).


Illustration : ff. 13, Visitation, grande miniature, illustrant les Heures de la Vierge, pour laudes. Les autres miniatures que contenaient ces Heures sont en déficit.


La miniature préservée est d’une très bonne facture, par un artiste suiveur ou proche de l’artiste champenois du Maître du Missel de Troyes, identifié depuis les travaux de François Avril (1993 et 2007). On attribue au Maître du Missel de Troyes la décoration d'un missel à l'usage de Troyes copié par le scribe Jean Coquet vers 1460, et conservé aujourd'hui à Paris (Paris, BnF, lat 865A ; voir Avril et Reynaud, 1993, n° 97, pp. 182-183). De ce même artiste baptisé Maître du Missel de Troyes, on connaît un petit groupe de manuscrits (voir Avril et Reynaud, 1993, pp. 181-184 ; Avril, F., M. Hermant, F. Bibolet, 2007, p. 78 et pp. 126-134). Si le Maître du Missel de Troyes fut effectivement actif à Troyes en Champagne, il travaille aussi pour des mécènes et commanditaires franc-comtois tel Charles de Neuchâtel, archevêque de Besançon (1463-1480) (voir son superbe Missel, Auckland, Auckland City Librairies, Special Collections, Med. MSS G. 138-139) : l’artiste est d’ailleurs parfois appelé « Maître de Charles de Neufchâtel ». Le grand nombre de livres d’heures rattachés à sa main atteste d’une production commerciale entre Troyes, Besançon et sans doute aussi la Bourgogne : la présence des modèles du Maître du Missel de Troyes dans un Missel à l'usage de Saint-Jean au Marché de Troyes (Grand Troyes, médiathèque, ms. 117) – notamment la Crucifixion et la Majestas Domini (vers 1470) – témoigne de sa prestigieuse réputation et pose par conséquent la question d’un cercle de collaborateurs.


L’artiste champenois des présentes « Heures dites d’Arviset » partage avec le Maître du Missel de Troyes un soin particulier accordé au traitement des massifs rocheux imposants qui peuplent les paysages, un goût pour les scènes nocturnes (avec un bel éclairage lunaire rayonnant) et des compositions très proches. On pourra comparer la Visitation des Heures à l’usage de Besançon conservées à New York, Pierpont Morgan Library, MS M. 28 (attribuées au Maître du Missel de Troyes), fol. 40 avec la présente Visitation des « Heures dites d’Arviset ». Le traitement de la bordure enluminée qui entoure notre Visitation présente de nombreux points communs avec les manuscrits attribués au Maître du Missel de Troyes et son atelier : voir par exemple les bordures des Heures Habert à l’usage de Troyes (Cambridge, Houghton Library, Ms. Richardson 7) ou encore celles de Grand Troyes, médiathèque, ms. 3897.


Référence : F. Avril et N. Reynaud, Les manuscrits à peintures en France, 1440-1520, Paris, 1993. — F. Avril, M. Hermant, F. Bibolet, Très riches heures de Champagne. L’enluminure en Champagne à la fin du Moyen Age, Paris, 2007. — G.T. Clark Plummer, The Last Flowering: French Painting in Manuscripts 1420-1530, New York, 1982, p. 60 et notice n° 79.


Nous remercions Mme Ariane Adeline pour la rédaction de cette description.