Lot 42
  • 42

CONDORCET. LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE À L'AVOCAT TARGET [6 AVRIL 1775]. 7 P. IN-4. RELATIVE AU CHEVALIER DE LA BARRE

Estimate
10,000 - 15,000 EUR
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Description

  • Condorcet, Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de
  • Lettre autographe signée à l’avocat Guy-Jean-Baptiste Target. [Paris] Ce mercredi [6 avril 1775].
7 pages in-4 (198 x 155 mm), sur 2 bifeuillets. Signée "Le Mis de Condorcet". Condorcet s'insurge contre l'obscurantisme. Remarquable lettre relative à la réhabilitation du chevalier de La Barre et de Gaillard d'Etallonde. Condorcet demande l'aide à Target, l'un des principaux opposants à la réforme judiciaire de Maupeou. "Vous savez comment l’atrocité hypocrite de quelques membres du Parlement de Paris fit assassiner juridiquement le chevalier de La Barre, et coment ils livrèrent un innocent à la torture et à un supplice cruel pour avoir l'honneur d'être regardés dans leur quartier comme de bonnes âmes. Il serait question non pas de réparer cette injustice, mais d'effacer le déshonneur qu'elle fait dans toute l'Europe à la nation française, mais d'empêcher que les mêmes hommes qui, à la honte du Parlement, ont gardé leurs places, ne puissent avoir encore la même audace. J'avais imaginé que le meilleur moyen pour cela serait de commencer par demander la réhabilitation du chevalier de La Barre, si on l'obtenait, si l’opinion publique avait flétri ses assassins, alors M. d’Etallonde pourrait se présenter sans risques".Il poursuit en soulignant le défaut de la législation sur les condamnations pour blasphèmes : " Le Parlement croit-il avoir le droit de condamner à mort qui il lui plaît ? et le conseil qui casse les arrêts lorsqu'ils sont contraires au texte de l'ordonnance pour la procédure ne peut-il pas les casser lorsqu'ils s'écartent du texte de la loi pénale, lorsqu'ils infligent un supplice qu'elle ne prononce pas, lorsqu'au lieu d'être des juges, les magistrats ne sont plus que des assassins ? […] Toute cette affaire a été à Abbeville l'ouvrage de l'animosité et de la haine, come à Paris elle a été celui du fanatisme et de l'hypocrisie."Des lettres d’abolition ne serviraient qu’à sauver l’honneur du Parlement de Paris et Condorcet évoque l’implication de Voltaire dans cette affaire : "On craint qu'une plume éloquente, en défendant la mémoire de La Barre, ne couvre les assassins d'un opprobre éternel. On craint qu'un arrêt solennel come celui de Calas ne révèle la turpitude de notre jurisprudence". Persuadé que Target aura à cœur de venger la raison et l’humanité, il sollicite une conversation avec lui, prêt à sacrifier le rendez-vous qu’il a le lendemain avec Turgot. En juillet 1766, Jean-François de La Barre avait été supplicié et mis à mort pour blasphème et sacrilège, et un autre de ses compatriotes d'Abbeville, Dominique Gaillard d'Etallonde qui avait réussi à s’enfuir, condamné par contumace à la même peine. Voltaire prit aussitôt le parti des accusés, poursuivis et condamnés sans réelle preuve, et pour n'avoir probablement fait que chahuté au passage d'une procession religieuse. Il "légua" par la suite cette cause à ses amis d’Alembert, d’Argental et au jeune Condorcet qui se démena pendant plusieurs mois, en vain. Ce n’est qu’en 1794 que la réhabilitation des deux jeunes gens fut prononcée par la Convention. Référence : Œuvres de Condorcet, Paris, Firmin Didot, 1847-1849, tome I. p. 292.