Lot 52
  • 52

CORBIÈRE. LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE TRISTAN, À SON PÈRE EDOUARD CORBIÈRE, DATÉE SAINT-BRIEUC 23 OCTOBRE 1859. 4 P.

Estimate
7,000 - 8,000 EUR
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Description

  • Corbière, Tristan
  • Lettre autographe à son père Edouard Corbière, signée Tristan, datée Saint-Brieuc 23 octobre 1859.
4 pages in-8 (207 x 132 mm), sous chemise demi-maroquin noir moderne. Longue et belle lettre de jeunesse, écrite à l’âge de 14 ans à son père, capitaine au long cours, journaliste et écrivain. Edouard-Joachim (futur Tristan) Corbière, l’auteur des Amours jaunes, est alors interne en classe de quatrième au lycée impérial de Saint-Brieuc où il est très malheureux. Sa lettre évoque en détail sa vie de lycéen et montre que Corbière enfant portait déjà sur le monde un regard assez sarcastique. La majorité de sa correspondance date de cette époque où il écrit régulièrement à sa famille dont il souffre d’être séparé. S’il n’a pas écrit, c’est parce qu’il était triste et avait le cœur gros, après la visite de ses parents. Mais bientôt ce sera Noël, puis Pâques... Il parle d’exemplaires du Négrier (roman de son père, 1832) à donner à diverses personnes, puis : J’ai eu une très bonne place en version grecque, et c’est ça qui m’a rendu probablement si guilleret et si agréable... La vie au collège n’est pas très amusante : lever à 5 heures du matin [...] pour aller à l’étude, où ne pouvant garder ses gants pour écrire, on a les doigts morts de froid pendant que vos pieds gèlent sur place [...] il fait un soleil magnifique mais qui ne réchauffe pas plus que les poëles, qu’on n’a pas encore songé à installer [...] Arago dit dans ses voyages autour du monde que les misères d’un baleinier devraient le faire regarder comme un ange. Ils auront bientôt une fanfare au lycée : je pourrais espérer du chef de Musique une place de cymbale dans sa fanfare. Il va sans dire que c’est le Lycée qui fournit l’instrument harmonieux pour lequel j’ai tant de vocation. Il espère avoir un prix de dessin : il suffit d’avoir un bon caractère car le maître-dessinateur, qui sort du 3e régiment de zouaves [...] bâcle ça comme il veut et comme il donne la première place à ses favoris, et qu’il aime les caractères conciliants, je puis espérer le prix par mon bon naturel... Il a fait des vers latins : j’en ai déjà fait dix il n’y en a que neuf et demi de faux, je ne me croyais pas si fort en vers, et si j’avais en fait de vers français une haute opinion de moi-même, il n’en était pas de même pour les vers latins. Quant à son devoir de géographie : C’est une lutte entre la paresse et le génie, et je crois que la paresse triomphera. Il pense avec tristesse à la maison paternelle : Maintenant il est neuf heures, et vous allez commencer la journée, tandis que moi il y a 4 heures que je suis debout et j’ai déjà fait 10 vers latins, j’ai déjeuné, et j’ai été à la messe, et je suis à l’étude. Sa mère ne pourrait-elle lui changer sa montre : en une minute elle fait le tour du cadran, c’est bien marcher. Il en voudrait une autre, qui marcherait modérément et avec moins d’ardeur. Il va terminer, car il a quantité de devoirs à faire : le meilleur moyen d’en finir est de faire tous ses devoirs les uns après les autres, et de ne pas se préoccuper s’ils seront finis ou non. Les lettres de Corbière sont d’une grande rareté : « Tous ceux qui s’intéressent à Corbière ont regretté que les lettres conservées du poète des Amours jaunes soient si rares » (P.O. Walzer, p. 919). Œuvres complètes, Pléiade, 1970, p. 956-959 (publ. in H. Matarasso, “Lettres à son père”, Les Lettres nouvelles, sept. 1954, pp. 408-411).