Lot 46
  • 46

[BAUDELAIRE] -- SILVESTRE. LETTRE AUTOGRAPHE SIGNÉE AU COMMANDANT HIPPOLYTE LEJOSNE. PARIS, 26 DÉCEMBRE 1866, 4 P.

Estimate
1,500 - 2,000 EUR
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Description

  • Lettre autographe signée au commandant Hippolyte Lejosne, datée Paris, 26 Décembre 1866.
4 pages in-8 (209 x 134 mm), sur un bifeuillet, sous chemise demi-maroquin noir moderne. Extraordinaire et bouleversant témoignage sur les derniers mois de Baudelaire. Lettre entièrement inédite. Critique d’art, Théophile Silvestre (1823-1876) rencontrait Baudelaire dans le salon des Lejosne, que fréquentaient aussi Delacroix, Manet et Barbey d’Aurevilly. Il s’adresse ici au commandant Lejosne pour lui donner des nouvelles de leur pauvre Baudelaire. Hémiplégique et aphasique depuis mars 1866, Baudelaire avait été ramené à Paris de Bruxelles à la fin de juin. Ses amis l’avaient fait admettre dans la maison de santé du Dr Duval, rue du Dôme, où il restera jusqu’à sa mort, le 31 août 1867. Silvestre avait vu Baudelaire dans un état désespéré, complètement aphasique. On remarquera au passage que la démarche de Silvestre auprès du poète foudroyé honore grandement le critique : Baudelaire éprouvait parfois quelque jalousie de voir Silvestre bénéficier plus que lui de l’amitié de Delacroix. L’extraordinaire récit, très détaillé, d’un déjeuner avec le poète occupe toute la lettre : Il était fort content, quoique fort sage et fort sobre. Un détail montre que Baudelaire avait gardé intacte sa passion pour l’art : Il a passé chez moi […], son inspection fine et minutieuse, son examen portant particulièrement sur les estampes. Silvestre précise qu’il n’a pas voulu lui refuser, après déjeuner un petit verre […] et quelques cigares. Suit ce passage étonnant et presque amusant, n’était le tragique de la situation : Il a d’abord mis, à l’anglaise, son nez dans le goulot de la bouteille et fortement accusé la médiocrité de ce riquiqui hasardeux, d’un geste expressif. J’ai tiré du placard une autre taupette. Le nez et le cœur de notre ami se sont épanouis : c’était de la bonne marchandise. […] Puis l’idée de rencontrer d’Aurevilly l’a pris. Il s’est mis à faire la pantomime et les objurgations d’un orateur très enflé et très rageur. Il a même, pour plus d’intensité, imité l’aboiement d’un molosse. Et des rires, des rires qui l’ont mis un moment au rang des bienheureux... Baudelaire accepte le projet de dîner le lendemain avec les Lejosne, Silvestre et quelques autres convives, puis prend congé : vers les six heures, il n’a pas même voulu rester à dîner avec moi. Il a vivement désiré de rentrer rue du Dôme. Il était pressant. Je l’ai reconduit en voiture, après l’avoir fait raser selon son vif désir. Silvestre conclut tristement : En somme, c’est douloureux. Baudelaire décèdera quelques mois plus tard, le 31 août 1867.