Lot 127
  • 127

PROUST. [SUR LES CABINETS DE LECTURE]. MINUTE DE SA RÉPONSE À UNE ENQUÊTE DE L'INTRANSIGEANT. [AOÛT 1920]. 2 P.

Estimate
2,000 - 3,000 EUR
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Description

  • Proust, Marcel [Sous le pseudonyme d'Horatio]
  • [Sur les cabinets de lecture]. Brouillon de sa réponse à une enquête de L’Intransigeant. [Août 1920].
2 p. in-8 (174 x 111 mm), sur un bifeuillet. Quelques ratures.Papier jauni. L’Intransigeant avait posé cette question à plusieurs écrivains : "Êtes-vous partisan ou non des cabinets de lecture ? [...] Et, si vous estimez qu’ils causent du tort aux jeunes auteurs, quel remède jugez-vous opportun ?" La réponse de Proust le montre attentif à la diffusion de son œuvre : "Les personnes qui ont peu d’argent et celles qui en ont beaucoup sont empêchées d’acheter des livres, les premières par la pauvreté, les autres par l’avarice. Le cabinet de lecture répond à leur passion commune qui est d’emprunter les livres, mais il lui impose une obligation inusitée qui est celle de les rendre. Malheureusement la question se complique de ceci que beaucoup d’éditeurs vendant difficilement les livres qu’ils publient trouveront plus commode et profitable de faire la location (voir les autos). Ils seront débarrassés (et les auteurs frustrés) de cette chose si difficile : la réimpression." Le texte de ce brouillon est sensiblement différent de celui qui sera publié dans L’Intransigeant le 28 août 1920. Dans le même journal, Proust avait déjà répondu en juin à une autre enquête sur le métier manuel que choisiraient éventuellement des écrivains ; il répondra encore en août 1922 à cette autre : "Et si le monde allait finir… Que feriez-vous ?" L'enquête du journal est signée "Les Treize" ; l'identité de ceux-ci est un secret bien gardé : Proust s'en enquiert parfois, notamment dans une lettre à Léon Balby, le directeur de L'Intransigeant (Kolb, XXI, p. 365-366). Fernand Divoire est le principal rédacteur de ce courrier. Références : Essais et Articles, Pléiade, 1971, p. 605. -- G. Picard, "Histoire des Treize", Les Nouvelles littéraires, artistiques et scientifiques, 17 mars 1934. [On joint :]Société philotechnique. Demande pour l’envoi d’un exemplaire d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs. 1919. Formulaire in-4, complété du nom de Proust pour qu’il autorise la Société à réclamer à son éditeur un exemplaire de son roman. Provenance : Jacques Guérin (qui avait aussi une autre version du texte, cf. Vente du 22 novembre 1985, lot 137 ; pour le Questionnaire, cf. Vente du 4 juin 1986, lot 103) ; offert à l'actuel propriétaire. Nota : voici le texte complet de la lettre de Proust telle qu’elle fut publiée :"Messieurs les Treize, Puisque vous voulez bien m’inviter en quatorzième à donner mon opinion, la voilà : Les personnes qui ont peu d’argent, et celles qui en ont beaucoup, sont empêchées d’acheter des livres, les premières par la pauvreté, les secondes par l’avarice. Aussi les empruntent-elles. Les cabinets de lecture ne feront donc que régulariser une situation existante, avec une innovation inouïe qu’il faudra rendre les livres prêtés. Ma crainte est que les éditeurs (je ne parle pas des miens qui sont des hommes généreux et charmants), trouvant la vente difficile, cherchent un profit plus sûr dans la "location". Ils n’auraient plus cette terreur, ni les auteurs cette espérance, la réimpression, chose chaque jour plus malaisée. Il s’agit, bien entendu, des ouvrages contemporains, et votre questionnaire ne porte pas sur le bon vieux cabinet de lecture où il y avait des livres qu’on ne trouvait que là (les romans de la comtesse d’Asche et de Céleste Mogador, parfois même La Chartreuse avec la préface de votre Père Balzac) et qu’on ne pouvait lire que ganté de suède. Malgré tout, et comme mes éditeurs sont bien gentils, je ferai valoir, en faveur des cabinets de lecture, cette vérité plus générale que, la satisfaction d’un goût conduisant plutôt à l’abus qu’à la restriction, de même que prendre des leçons au manège donne envie d’avoir un cheval à soi, à force de louer des livres, peut-être finira-t-on par en acheter, sinon par en lire. Veuillez agréer, Messieurs, l’expression de mes sentiments les plus distingués."