Lot 158
  • 158

Proust, Marcel

Estimate
6,000 - 8,000 EUR
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Description

  • Proust, Marcel
  • Lettre autographe signée à Reynaldo Hahn. [Cabourg, seconde quinzaine d’août 1907.]
  • ink on paper
8 p. sur 2 bifeuillets in-8 (182 x 137 mm), à en-tête du Grand Hôtel de Cabourg. Adressée à “Mon cher petit Bunchtnibuls”, elle est signée “Munchtnibuls”.
Petites traces de pliures.

Sur ses exemplaires de Ruskin et les personnes séjournant avec lui au Grand Hôtel de Cabourg.



Lettre écrite dans ce "lansgage" d’inspiration médiévale qu’employaient Proust et Reynaldo dans leur correspondance. Il demande à Reynaldo d’envoyer Léon chercher certains volumes de sa "belle édition des œuvres complètes dont je vous montre quelque fois les volumes". Il lui explique où il pourra trouver ces volumes de l’édition des Œuvres complètes de Ruskin (Library Edition) que sa mère lui avait offerts en étrennes en 1905 : “les numéros que je demande (VI, VIII, XII, XIV) se réfèrent non à telle œuvre, mais à l'œuvre de Ruskin en général. Si on ne trouve pas le volume VIII, il peut prendre à la place dans mes petits Ruskin verts The Seven Lamps of Architecture (c'est le même ouvrage). Enfin je voudrais qu'il prenne aussi [...] le petit volume broché intitulé Carpaccio de la collection des peintres”. Précis dans ses demandes, il réclame aussi une édition de Ruskin sur Turner, souhaite que Léon aille dans différentes librairies anglaises comme Niels, Gallignanys [sic] ou Bretano’s demander Les Rivières de France de Turner (Proust souhaitait prêter ou offrir tous ces ouvrages aux Clermont-Tonnerre à qui il s’apprêtait à rendre visite à Evreux).



Proust se plaint ensuite de sa santé qui l’empêche d’écrire mille gentillesses à Reynaldo : “Buninuls j'ai reçu les petits mots si genstils et pourtant ai cru et cru. Mais je vis d'une vie artificielle (au point de vue santé) et si mouvementée que je ne sais ce que je pense et ressens et ne peux écrire même une lettre”.



Il lui décrit alors de façon amusante les personnes séjournant au Grand Hôtel de Cabourg en même temps que lui. On est alors plongé en plein vaudeville. Proust aimerait être présenté au chanteur d’opérette belge Henry Drefeyn, puis énumère les personnalités présentes :
"L'hôtel a l'air d'un décor (pas louchon [expression pour quelque chose de mauvais goût] étant donné ce que je veux dire) et s'y trouvent réunis comme à un troisième acte :
Edwards
[Alfred Edwards, 1857-1914, amateur de femmes et de yachts, il collabora à divers journaux, écrivit des pièces de théâtre]
Lantelme sa maîtresse 
[Geneviève, dite Ginette Lantelme, jeune actrice du Gymnase et du théâtre des variétés. Elle mourut tragiquement lors dune croisière avec Edwards en 1911 où elle tomba dans le Rhin]
Me Edwards (Natanson) sa dernière femme, séparée d'avec lui [Maria-Sofia dite Misia Godebska (1872-1950), épouse en premières noces de Thadée Natanson, puis en 1904 d’Alfred Edwards dont elle se sépara vers 1910 pour épouser José-Maria Sert].
Natanson premier mari de Me Edwards
[Thadée Natanson, 1868-1951, qui fonda La Revue blanche avec ses frères]
Le docteur Charcot [Jean-Baptiste Charcot (1867-1936), chef de clinique de maladies nerveuses à la Faculté de médecine, qui épousa Jeanne Hugo, mariée en premières noces avec Léon Daudet, puis divorcée. Charcot et Jeanne Hugo divorcèrent à leur tour] premier mari de l'avant-dernière Me Edwards (la quatrième dans l'espèce car avant il avait déjà épousé deux Américaines, une Française et une Grecque). Hier soir le bruit a couru que Me Edwards (Natanson) avait tué Edwards (l'Anglais, qui d'ailleurs est turc) mais il n'en était rien, il n'y avait rien eu du tout.



Références : Kolb, VII, n° 148. -- Hahn, n° XCII, p. 143-145.