Lot 273
  • 273

Table en porphyre et placage d'ébène à monture de bronze doré d'époque Louis XVI, vers 1780, estampillée M. CARLIN et JME, livrée pour le duc de Choiseul à Paris

Estimate
100,000 - 150,000 EUR
bidding is closed

Description

  • porphyry, pewter, ebony
  • Haut. 80 cm, larg. 45 cm, prof. 34,5 cm
  • Height 31 1/2 in; width 17 3/4 in; depth 13 1/2 in
le plateau de porphyre encastré dans une bordure à doucine ornée de filets d'étain et d'une frise d'oves et dards, la ceinture à décor de draperies retenues par des noeuds de ruban dans des encadrements de perles, ouvrant à un tiroir libéré par un bouton poussoir ; reposant sur un piètement en lyre orné de filets d'étain et de cordelettes en bronze doré, terminé par des pieds patin réunis par une entretoise ajourée centrée d'une fleur marquetée en étain

Provenance

- Etienne-François de Choiseul-Stainville (1719-1785), duc de Choiseul, en son hôtel rue de la Grange-Batelière à Paris
- Sa vente après-décès à Paris, le 18 décembre 1786, lot 214
- Collection particulière européenne

Literature

BIBLIOGRAPHIE
P.F. Dayot, "A public view of a private space: the bedroom of the duc de Choiseul in Paris" in Waddesdon Miscellanea, vol. I, 2009, pp. 22-35 

Condition

The illustration is quite accurate. Scattered marks and scratches all throughout the surface, consistent with age and handling. Porphyry top in good condition. The ebony veneer on the feet with expected shrinkage cracks (very few lifts in places with tiny losses). The gilt bronze mounts slightly tarnished and rubbed, with an exquisite chasing; two sections of the festoons are replaced and some elements need to be properly reattached (several nails replaced or missing). Structure is sound and sturdy; the drawer slightly difficult to open. Extremely refined and precious table with an historic and aristocratic provenance. Highly achieved design, made by one of the best cabinetmakers at that time.
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Catalogue Note

Martin Carlin, ébéniste reçu maître en 1766

Cette belle et rare table figura dans la vente qui se tint après le décès du duc de Choiseul.  Très précise, la description du catalogue permet de l’identifier formellement : « 214. Une jolie table avec dessus de porphyre, sur son pied dessiné en lyre, entablement à panneaux renfoncés, avec ornements de draperie et fils de corde en bronze doré. »
La table est également décrite dans l’inventaire après-décès du duc. Sont mentionnées les principales caractéristiques de notre table : le placage d’ébène, le plateau de porphyre, les montants en forme de lyre et les ornements en bronze doré figurant draperies et rubans. En outre, aucune autre table similaire n’a été répertoriée à ce jour.

Cette table est l’une des seules pièces de mobilier qui nous soit parvenue de l’un des plus importants hôtels particuliers à Paris au XVIIIe siècle. Il était situé à l’angle de l’actuelle rue Drouot et rue Rossini, avant d’être démoli à la fin du XIXe siècle. Achevé en 1757 pour le financier Etienne-Michel Bouret, l’hôtel fut acquis en 1782 par le duc de Choiseul qui en fit sa résidence parisienne. Entretemps, il avait appartenu à des personnalités aussi célèbres que le banquier de la Cour Laborde ou le fermier-général Grimod de La Reynière (avant que ce dernier ne s’installe sur la place Louis XV). Ce n’est qu’en 1820 que l’hôtel fut incorporé au nouveau bâtiment de l’opéra construit rue Le Pelletier.

L’hôtel Choiseul était meublé d’une part avec des objets provenant de l’hôtel Crozat rue de Richelieu et, d’autre part, avec des pièces achetées plus récemment.
On accédait aux appartements du duc, mitoyens de la grande galerie, par une antichambre. La chambre à coucher constituait la première pièce dont les deux fenêtres donnaient sur la petite cour. En face des fenêtres, une alcôve abritait un lit à la polonaise garni en damas bleu, tandis que les rideaux étaient confectionnés en taffetas bleu (appelé gros-de-Tours) bordé d’un galon doré.  

Notre table fut probablement achetée auprès du marchand-mercier Simon-Philippe Poirier qui, vers 1780, fut un fournisseur important et régulier du duc de Choiseul : les comptes du duc pour les années 1782-1783 recense une dette de 8000 livres envers le marchand (AN, AB XIX, 3952). Durant cette période, Martin Carlin travailla presqu’exclusivement avec Poirier, puis avec son successeur Dominique Daguerre, jusqu’à sa mort en 1785 ; ce fut Adam Weisweiler qui lui succéda.
Dans la chambre du duc figurait également un guéridon en porcelaine de Sèvres, probablement livré aussi à la même époque par Poirier.

Le célèbre portrait de Choiseul par Adélaïde Labille-Guiard (Waddesdon Manor) a été peint dans cette pièce ; l’artiste y a représenté son modèle parmi quelques meubles importants. En premier lieu, on remarque le bureau de Simon Oeben réalisé vers 1765-1770, appartenant aujourd’hui aux collections de Dalmeny House en Ecosse. Le duc de Choiseul est assis dans un fauteuil en bois doré conservé de nos jours au musée Nissim de Camondo. Sur le mur, on distingue une applique à deux lumières d’une suite de quatre, identique à la paire que le duc des Deux-Ponts avait à Paris (musée de la Résidence, Munich), ainsi qu’une pendule signée par l’horloger Frédéric Duval et semblable à un modèle de Robert Osmond.

Le duc de Choiseul  (1719-1785)

Issu d’une vieille famille lorraine, Etienne-François de Choiseul-Stainville participa aux campagnes de la guerre de Succession d’Autriche avant d’être nommé ambassadeur  à Rome, puis à Vienne, grâce à la protection de Madame de Pompadour. En 1750, il épousa la très riche héritière Louise-Honorine Crozat du Châtel qui lui apporta 120 000 livres de rente ainsi que l’hôtel  Crozat rue de Richelieu. A partir de 1758, date à laquelle le roi le fit duc, Choiseul occupa un rôle de plus en plus important au sein du gouvernement de Louis XV, devenant de fait son premier ministre. En 1770, au terme de nombreuses cabales, la coterie du duc d’Aiguillon et de Madame Du Barry eut raison de l’influence de Choiseul et parvint à convaincre le roi de le renvoyer.
Contraint à l’exil au château de Chanteloup et se voyant privé de revenus considérables, le duc fut dans l’obligation de se dessaisir de sa merveilleuse collection de tableaux en 1772. Tout en abandonnant à jamais l’idée de revenir en politique, il mit tout en œuvre pour conserver son train de vie de grand seigneur. Grâce au soutien de son ami le banquier Jean-Joseph de Laborde (1724-1794), il développa  d’ambitieux projets immobiliers qui aboutirent au lotissement entier d’un quartier parisien en lieu et place de l’hôtel Crozat et de son immense jardin, c’est-à-dire les actuelles rues Saint-Marc, d’Amboise, Grétry, Marivaux et Favart, ainsi que l’Opéra-comique (reconstruit plus tard).

Martin Carlin (vers 1730-1785)

De la collaboration de Carlin avec les marchand-merciers sont issues certaines des plus belles pièces du mobilier français de la fin du XVIIIe siècle. Œuvrant d’abord pour Simon Poirier puis pour Dominique Daguerre, il réalisa de nombreuses petites tables enrichies de plaques de porcelaine de Sèvres ou de laque d’Orient, spécialité qu’il développa jusqu’à la fin de sa carrière. Sa production de tables en porcelaine est bien connue et, parmi les tables en laque répertoriées, l’une fut vendue par Christie’s à Paris dans la collection Schumann (30 septembre 2003, lot 472) et une autre plus récemment par Christie’s à Londres (10 décembre 2009, lot 555). Il est intéressant de noter que les ornements de draperie en bronze doré présents sur notre table se retrouvent souvent sur d’autres meubles de Carlin, notamment l’importante commode du château de Bellevue conservée au Musée du Louvre.