- 144
Paire de candélabres aux Egyptiennes en bronze patiné et doré attribuée à Pierre-Philippe Thomire, plaques en porcelaine dure, attribuées à Piat-Joseph Sauvage, fin de l'époque Louis XVI, vers 1790-1795
Description
- Haut. 97 cm ; larg. 33 cm
- Height 38 1/4 in; width 13 in
Provenance
Literature
M-F. Dupuy-Baylet, L’heure, le feu, la lumière, les bronzes du Mobilier national, 1800-1870, Dijon, 2010, p. 144-145, cat. n° 75.
P. Seydoux, Châteaux et manoirs de Champagne, Paris, éd. de la Morande, 1993
G. de Plancy, Le marquisat de Plancy, Paris, éd. Le Livre d'Histoire, 2005.
Catalogue Note
Ils illustrent un style très délimité que l'on pourrait qualifier de néo-pompéien qui s'est exprimé à la toute fin du règne de Louis XVI par l'intermédiaire d'ornemanistes comme Dugourc annonciateur du style Empire que diffuseront Percier et Fontaine. A cet égard les collections royales espagnoles conservent plusieurs exemples de meubles et objets que nous pouvons rattacher à ce courant stylistique. Il y a la paire de candélabres quasi identique à celle que nous proposons, mais aussi celle livrée par Thomire, richement ornée de porcelaine en pâte dure de Sèvres, et le secrétaire attribué à Weisweiler orné de plaques de porcelaine dure de la manufacture Dihl et Guerhard, acquis à Paris entre 1805 et 1807 par la reine Marie-Louise d’Espagne, aujourd'hui au Palacio de Oriente et peinte par Sauvage. Ces pièces comportent des analogies stylistiques marquantes, comme la palmette stylisée que l'on retrouve sur la base de nos candélabres, ou les pieds en griffes typiques, comme sur certains meubles de Weisweiler, dont la commode de la vente Hamilton Palace, lot 176 puis collection de Lily et Edmond Safra, vente Sotheby's New York, le 19 octobre 2011, lot 749. Cette commode, comme celles appartenant à un groupe conservé au musée de l'Ermitage à Saint-Petersbourg, sont à rapprocher d'un dessin de Percier.
Quelques années plus tard, sous l'Empire, un modèle de candélabre fortement inspiré de la paire que nous présentons fut commercialisé par François-Benoît Boselli, négociant et fournisseur du Garde-Meuble impérial et de la cour d’Espagne, établi au 24 avenue des Champs-Elysées à Paris. Ce dernier livra en effet au Garde-Meuble impérial, ainsi que le révèle un mémoire en date du 2 mai 1810, une paire de candélabres ornés des mêmes figures égyptiennes pour le salon des princes au palais de Trianon à Versailles. Cette « paire de candélabres en bronze vert antique représentant des Cariatides qui supportent une cassolette doré mat et bruni et dans le pied des bas-reliefs dorés mat » prient en réalité place dans le salon des grands officiers au palais de Trianon qui deviendra le deuxième salon du roi sous Louis-Philippe. Inventoriés au palais des Tuileries en 1855, ils furent ensuite utilisés de 1865 à 1878 à l’hôtel des Pyramides, dans le cabinet des maîtres des Cérémonies. Ils sont aujourd’hui conservés au Mobilier national à Paris.
La provenance
Peut-être commandés à l’origine pour Charles IV d’Espagne au palais royal de Madrid, nos candélabres furent acquis à une date indéterminée par Adrien Godard d'Aucour (1778-1870), comte de Plancy et préfet de Seine-et-Marne sous l’Empire, gendre de Charles-François Lebrun (1739-1824), troisième consul sous le Consulat, puis duc de Plaisance et prince-architrésorier sous l’Empire. Ils furent peut-être d’abord placés dans son hôtel de la rue Vivienne à Paris, avant d’être envoyés au château de Plancy, situé dans l’Aube, où ils ornèrent le salon de compagnie jusqu’à nos jours.
Né en 1778, Adrien Godard d’Aucour de Plancy appartenait à une vieille famille de Normandie anoblie en 1601 et fixée en Champagne au milieu du XVIIIe siècle. Il acquit une fortune considérable et épousa Claire Poisson, cousine au 5e degré de Madame de Pompadour. Il mourut en 1795. Son père, Frédéric Godard d’Aucour de Plancy, fut fermier général et trésorier payeur général à Alençon, où il décéda avant son père. A la mort de son grand père, Adrien se trouva donc à la tête d’une immense fortune, ayant notamment un hôtel rue de Vivienne à Paris, un château à Ivry-sur-Seine, la terre de Plancy dans l’arrondissement d’Arcy-sur-Aube, et une quantité de seigneuries et de fermes en Champagne.
Il fit ses études à l’école militaire de Rebais en Seine-et-Marne, où il eut pour camarade Jean Chomel, frère du célèbre médecin de Louis-Philippe. Chomel étant devenu secrétaire de Barras, Monsieur de Plancy, qui avait 21 ans au moment du coup d’Etat du 18 Brumaire, fréquenta beaucoup Grosbois et rencontra dans l’intimité Barras, Madame Tallien, Bernadotte, Fouché et Kosciusko. Au moment de l’exil de Barras, Adrien lui rendit le service de cacher dans son appartement rue de Grammont des lingots d’or. Il vécut ensuite deux années insouciantes dans le Paris mondain des jeunes gens riches, des salons et de la haute société parisienne.
Il épousa en 1802, à 24 ans, Sophie-Dorothée Lebrun, fille du Consul, plus tard architrésorier de l’Empire et duc de Plaisance. Le 1er Consul, et toute la famille Bonaparte signèrent son contrat de mariage. Il reçut comme cadeau de noces, un auditorat au Conseil d’Etat, où il assista à la préparation du Code Civil pendant deux années. En août 1804, l’Empereur lui confia la mission de parcourir la Belgique et une partie du Nord de la France afin de s’assurer de la production de céréales et de vivres. Il reçut en récompense de son zèle, une pension de 4000 francs sur la cassette personnelle de l’Empereur, et refusa un poste de chambellan.
Il demanda à entrer dans l’administration et fut nommé le 28 septembre 1804 sous-préfet à Soissons, avec promesse d’une préfecture. Le 14 mai 1805, il était préfet du département de la Doire en Piémont, puis le 30 mai 1808, du département de la Nièvre. Le 28 mai 1809, il fut nommé comte de l’Empire. Le 4 décembre 1810, il devint préfet de la Seine-et-Marne, et fut fait chevalier de la Légion d’Honneur le 30 juin 1811. Il dut faire face à une disette en 1812, puis à la grande levée des conscrits des 8 avril et 10 octobre 1813. En 1814, avec le général Chanez et le général Pajol, il organisa la défense du département, et assista à la bataille de Provins. Il se trouvait à Fontainebleau au moment de l’abdication de Napoléon le 6 avril 1814.
Dès le 12 avril, il envoya son adhésion au gouvernement provisoire. Il fut toutefois contesté un moment par le général russe Kaisarof, mais rentra dans ses fonctions le 27 avril, et reçut à diner le général le lendemain. Le comte de Plancy se rallia aux Bourbons sans plus de difficultés. Il fut maintenu à son poste durant les Cent-jours, mais sous la Seconde Restauration, le non abandon de son poste, lui fut reproché. Il fut remplacé dès le 14 juillet 1815 et ne supporta pas cette déchéance. Il tenta de se suicider, se blessa, et fut conduit à Paris aux soins du docteur Chomel. Guéri, il décida finalement de se retirer à Plancy après que le comte d’Artois lui eut obtenu la croix d’officier de la Légion d’Honneur. Il rédigea ses mémoires en 1845, et mourut dans son château de l’Aube, le 5 septembre 1855, à l’âge de 77 ans. Ses mémoires, Les souvenirs du comte Adrien de Plancy, ont été publiés en 1904, par les soins de son petit-fils, le baron Georges de Plancy, ancien consul à Séoul, et furent préfacés par Frédéric Masson, membre de l’Académie Française.
Le château de Plancy
Les Godard d'Aucour de Plancy s'illustrèrent tout particulièrement à l'époque du Consulat puis du Premier Empire. C'est la raison pour laquelle les collections du château furent enrichies de nombreux meubles et objets d'art au cours de cette période, ainsi que de souvenirs personnels de Jérôme Bonaparte et de Charles-François Lebrun (1739-1824), troisième Consul qui forma, avec Napoléon Bonaparte et Cambacérès, le triumvirat du Consulat après le coup d’Etat du 18 Brumaire, puis qui devint prince-architrésorier en 1804.
Le 4 juin 1764, Claude Godard d'Aucour acheta la seigneurie de Plancy - érigée en marquisat depuis 1656 - à la veuve de François Jean Baptiste Moreau. Le nouveau marquis de Plancy, fermier général depuis 1754, et son épouse, Sophie Poisson, cousine germaine de la marquise de Pompadour, contrairement à leurs prédécesseurs qui préféraient résider au château de Saint-Just, s’établirent et vécurent à Plancy. Ils firent démolir le vieux château médiéval, décrit comme « petit » mais « fortifié » et, sur les fondations, édifièrent l’actuelle demeure.
Après la mort de Claude Godard d'Aucour, c'est l'un de ses petits-fils, Adrien qui s'installa à Plancy avec son épouse Sophie-Dorothée Lebrun. Ils y reçurent régulièrement le père de cette dernière. Adrien Godard d'Aucour compta parmi les derniers fidèles de Napoléon qui vint passer une nuit chez lui à Plancy en mars 1814, juste avant la bataille d'Arcis. Le mois précédent, le château tout comme le bourg, avait été mis à sac par les troupes coalisées russes et prussiennes. Après la chute de l'Empereur, Godard d'Aucour vécut retiré à Plancy et se passionna notamment pour l'agronomie. Le troisième de ses fils, Auguste (1815-1904) fut le premier écuyer de Jérôme Bonaparte, plus jeune des frères de Napoléon, ce qui explique les nombreux souvenirs de ce dernier, en sus de ceux de Lebrun, dans les collections du château.