Lot 68
  • 68

Couple de statues, Baulé, Côte d'Ivoire

Estimate
35,000 - 50,000 EUR
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Description

  • Baulé
  • Couple de statues
  • WOOD
  • haut. 45,2 et 45 cm
  • 17 3/4 and 17 5/8 in

Provenance

Acquis in situ par Hélène et Henri Kamer, 1963
Collection John Huston (1906-1987), U.S.A. / Irlande, ca. 1964
Hélène Kamer, Paris, 1975
Collection Jacques Blanckaert (1925-1995), Gand, 1976
Collection Philippe et Hélène Leloup, Paris, ca. 1980
Collection privée, France

Catalogue Note

COUPLE DE GENIES DE LA NATURE (ASIE USU) 
Par Alain-Michel Boyer

Si la production de statuettes chez les Baule est abondante, il est toutefois exceptionnel que leurs créations rompent délibérément avec les canons en vigueur. Dans un corpus d’œuvres où dominent la douceur moelleuse du modelé et la rondeur des volumes, le style de ce couple, à l’évidence ancien, est atypique et manifeste une remarquable originalité. Il est assurément l’œuvre d’un artiste de grand talent, sûr de son indépendance esthétique.

Si son style est inhabituel, il correspond parfaitement à celui des sculpteurs d’un atelier actif bien avant la seconde guerre mondiale, mais qui a disparu depuis plusieurs décennies, à la suite de la construction du barrage de Kossou. Au cours des années soixante, le village de Grobonou Kan où il était installé fut « déplacé » puis englouti, et les artistes se dispersèrent. Cet ancien atelier étant proche des Mona et des Wan, ses sculpteurs étaient depuis longtemps soumis à des influences Mandé, comme en témoignent quelques traits plastiques de ces statuettes.

Bien que différenciées par leur couleur (la teinte rougeâtre caractérisant toujours la carnation féminine, la noire celle des hommes), elles présentent une conception plastique analogue et arborent une même coiffure constituée de fines tresses parallèles montées en une construction capillaire conique (le kpolè) : autrefois, les hommes de rang élevé prenaient autant soin de leur chevelure que les femmes. Les seins identiques évoquent une certaine androgynie, selon une vision conforme à l’esthétique des Baule. Il est très rare d’observer des visages aussi allongés et anguleux : sous le front bombé, ils tendent même vers l’abstraction géométrique, avec des valeurs graphiques très affirmées, jusque dans le détail de la longue barbe tressée en pointe (akanza tenden), en forme d’une pyramide inversée étonnamment effilée.

Lorsque, chez les Baule, les statuettes se présentent ainsi en couple, il s’agit de génies de la nature (asie usu), détenus par un devin (le komyienfwé). Métaphore de sa clairvoyance et de son dialogue avec l’invisible, ses orbites, au cours de ses transes divinatoires, sont toujours maquillées de kaolin (plus rarement, ses paupières et tempes sont également fardées d’écarlate, provenant du dyeka, fruit du rocouyer) – tout comme les yeux de la statue masculine, eux aussi rehaussés de pigments blancs et rouges. Ces rehauts de blanc se retrouvent sur les orbites du célèbre couple d’asie usu du Metropolitan Museum of Art (Inv. 1978.412.390 et 391), acquis par Hélène et Henri Kamer au cours du même voyage, en 1963.

BUSH SPIRITS COUPLE (ASIE USU)
By Alain-Michel Boyer

Although the Baule produced an abundance of statues, it is very rare that their creations deliberately break with canonical rules. In a body of work which is dominated by silhouettes of sweet softness and rounded volumes, the style of this obviously ancient couple is atypical and demonstrates a remarkable originality. It is clearly the work of an extremely talented artist, certain of his aesthetic independence.

Although his style is unusual, it perfectly reflects that of the sculptors of a workshop in operation well before the Second World War. The workshop has been defunct for decades now, following the construction of the Kossou dam. During the sixties, the village of Grobonou Kan, where the workshop was settled, was "displaced" and later flooded, and the artists disbanded. Being close to the Mona and the Wan, the sculptors of this ancient workshop had long been subjected to Mande influences, as is evident in certain aesthetic traits of the offered couple.

Although differentiated in colour (with the reddish hue always characterizing the female complexion, and the black the male one), they have a similar aesthetic design and feature the same coiffure, which consists of fine parallel braids mounted in a conical capillary structure (the kpole); in the past, high-ranking men took as much care of their hair as women did. The identical breasts evoke a certain androgyny, consistent with Baule aesthetics. It is very rare to see faces as elongated and angular as these: under the domed forehead, they tend towards geometric abstraction, with very marked graphic characteristics, down to the details of the long pointed braided beard (akanza tenden) in the shape of a surprisingly tapered inverted pyramid. When Baule statuettes are presented as a couple, as in the case of the offered lot, they represent "spirits of nature" (asie usu), and they are the property of the oracle (the komyienfwé). As a metaphor for his foresight and for his dialogue with the invisible, during the divination trance the oracle's eye sockets are always covered in kaolin (more rarely, the eyelids and temples are also coloured in scarlet from the dyeka, the fruit of the achiote), just like the eyes of the male figure here, which are emphasized with red and white pigments, and like the eye sockets of the famous asie usu couple in the Metropolitan Museum of Art, New York (inv No. 1978.412.390 and 391), acquired, like the offered lot, by Hélène and Henri Kamer during their expedition in 1963.