Lot 64
  • 64

Statue, Mumuye, Nigeria

Estimate
150,000 - 200,000 EUR
bidding is closed

Description

  • wood
  • haut. 88 cm
  • 34 5/8 in

Provenance

Collection Jacques Kerchache (1942-2001), Paris
Collection Baron Frederic Rolin, New York
F. Rolin & co, New York
Collection privée américaine
Sotheby's, Paris, 30 novembre 2010, "A New York Collection", n° 33
Collection privée, Paris, acquis lors de cette vente 

Literature

African Arts, 1978, vol. XII, n° 1, p. 19
Herreman et Petridis, Mumuye, 2016, p. 68-69, n° 16

Catalogue Note

Parmi les corpus les plus emblématiques de l’art africain, celui de la statuaire Mumuye fut l’un des plus tard « découverts ». A la fin des années 1960, l'anarchie causée par la guerre de Sécession des Ibo dans le sud du Nigeria eut raison de l’isolement géographique des Mumuye, installés dans les collines rocheuses du sud de la région de la Benue. Leur statuaire afflua sur le marché de l’art. Si Jacques Kerchache distingua d’emblée l’individualité artistique des sculpteurs Mumuye les plus talentueux, la fascination qu’exerça sa prodigieuse invention formelle, conjuguée à l’absence d’information de  terrain, retardèrent l’étude de son pluralisme et de ses différents courants stylistiques. Cette statue illustre superbement l’influence des « mains de maîtres » dans l’émergence des grands styles de la statuaire Mumuye.   

« En fait, il faut bien comprendre qu'avant la sacralisation de ces objets, leurs vies dans la société, tout se passe entre les artistes. Donc la seule chose où vous ne pouvez pas vous tromper c'est quand je parle de sculpture, et que je parle des artistes. Là il n'y a pas de traduction, quand vous tenez cette sculpture vous êtes au plus près de ce qu'a voulu l'artiste, il n'y a pas d'intermédiaire » (Kerchache in Roudat, Jacques Kerchache : Portrait, 2003). Dans cette œuvre, que posséda Jacques Kerchache, se révèle au même titre la fulgurance de l’artiste dans son interprétation de la figure humaine. Sa saisissante monumentalité naît de la conjonction parfaite entre le déploiement des formes dans l’espace et l’intensité de l’expression. Amplifiant la remarquable dynamique des volumes – jouant sur les rythmes successifs et l'accentuation des points de rupture – les flancs se creusent et les épaules s'avancent pour libérer dans l'espace le mouvement des bras. Le contraste entre le vaste cadre ajouré des ornements d'oreilles et le visage aux traits serrés redouble l'intensité de l'expression.  Le visage se construit dans la tension lignes se rejoignant pour venir former l'arête médiane sur laquelle sont discrètement signifiés le nez et la bouche entrouverte ; les yeux ronds s'épanouissant dans les deux pans de la face en retrait. Le rythme serré des scarifications hachurant les lignes de force participent de sa vitalité plastique remarquable, apte à servir son propriétaire : devin, guérisseur ou faiseur de pluie.

En 2016, Frank Herreman et Constantine Petridis définirent, dans Mumuye. Sculptures du Nigeria. La figure humaine réinventée, vingt catégories de styles articulant, sur la base d’une analyse morphologique, le très riche corpus de la statuaire Mumuye. Cette sculpture, associée notamment à celle de la collection Daniel et Marian Malcolm (Sotheby’s, Paris, 22 juin 2016, n° 8), fut sélectionnée pour illustrer les canons du type IX - tête surmontée d’une crête triangulaire, oreilles en grands rabats trapézoïdaux évidés et suspendus, traits discrets accentués par des pigments rouges et blancs, rebord saillant du cou, torse en forme de sablier, bras projetés en avant, en forme de losange, et longues jambes. Les auteurs les  attribuent soit « à l’œuvre d’un même artiste, soit de sculpteurs qui étaient sous l’influence d’une artiste dominant » (idem, p. 62).

Si sa conception renvoie au vocabulaire qui fonda le Cubisme, et, pour les artistes modernes en général, les recherches plastiques sur le mouvement, cette œuvre impose avant tout, dans l’audace de sa vision plastique, l’inventivité des artistes placée au cœur de la création Mumuye.

Within the emblematic corpora of African art, the Mumuye statuary was one of the last to be “discovered”. In the late 1960s, the anarchy caused by the Igbo secession in the south of Nigeria brought the geographical isolation of the Mumuye, who lived in the rocky hills of the southern Benue region, to an end. There was suddenly a surge of their sculptures on the art market. Although Jacques Kerchache identified the artistic individuality of the most talented Mumuye sculptors very early on, the fascination exerted by their extraordinary formal invention, combined with the lack of information from the field, delayed the study of its pluralism and of the various stylistic currents. This figure beautifully illustrates the influence of the “Master sculptors” in the emergence of the great styles of the Mumuye statuary.  

“In fact, it must be understood that, before these objects were sacralised, before their lives within society, everything happened between artists. So the only thing where I can’t go wrong when I speak about sculpture is when I speak about the artists. There is no translation needed here, when you hold this sculpture you are closest to what the artist wanted, there is no intermediary” (Kerchache in Roudat, Jacques Kerchache : Portrait, 2003). In this work, which Jacques Kerchache once owned, the striking brilliance of the artist and his interpretation of the human figure is equally apparent. Its compelling monumentality arises from the perfect conjunction between the expanse of its forms and the intensity of its expression. Amplifying the remarkable dynamics of the volumes, playing on successive rhythms and emphasizing breaking points, the sides grow hollow and the shoulders move forward to set the movement of the arms free. The contrast between the vast openwork framing of the ear ornaments and the face with its tight features magnifies the intensity of the expression. The face is constructed across tension lines that meet to form the median crest where the nose and the half-opened mouth are discreetly marked; with round eyes opening out on either side of the recessed face. The tight rhythm of the scarification pattern hatched across the main outlines adds the remarkable aesthetic vitality, and reminds us of  its use to its owner: diviner, healer or rainmaker.

In 2016, Frank Herreman and Constantine Petridis, in Mumuye. Sculptures du Nigeria: La figure humaine réinventée, defined twenty style categories which, based on morphological analysis, offered an articulation of the very rich corpus of the Mumuye statuary. This sculpture, similar to that of the Daniel and Marian Malcolm collection (Sotheby's, Paris, June 22, 2016, No. 8), was selected to illustrate the canons of type 9 - head topped with a triangular crest, ears in large trapezoidal flaps, hollowed out and suspended, discrete facial features accented by red and white pigments, prominent neck rim, hourglass-shaped torso, diamond-shaped arms projecting forward, and long legs. The authors attribute them either “to the work of a single artist or to sculptors who were under the influence of a dominating artist” (ibid, p. 62).

Although its design harks to the vocabulary which founded Cubism, and as a paradigm of plastic movement for modern artists, this work stands out first and foremost for the boldness of its artistic vision and ingenuity of form that Mumuye artists placed at the heart of their creations.