Lot 57
  • 57

Statue, Dan / Kran, Liberia / Côte d'Ivoire

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • wood
  • haut. 53 cm
  • 20 3/4 in

Provenance

Collection Josef Müller, Paris et Solothurn, ca. 1939
Collection Jean-Paul et Monique Barbier-Mueller, Genève
Musée Barbier-Mueller, Genève (inv. n° 1003-5)
Lance et Roberta Entwistle, Londres
Collection Myron Kunin, Minneapolis, acquis en 1995
Sotheby's, New York, "In poursuit of beauty. The Myron Kunin Collection of African Art", 11 novembre 2014, n° 18
Collection privée américaine, acquis lors de cette vente

Socle de Kichizô Inagaki (1876-1951)

Exhibited

Zürich, Rietberg Museum, Die Kunst der Dan, 17 octobre - 21 novembre 1976
Genève, Musée Barbier-Mueller, Collection Barbier-Müller Genève: Sculptures d’Afrique, printemps - été 1978 
Solothurn, Kunstmuseum Solothurn, Exotische Kunst aus der Barbier-Müller Sammlung: Amerika, Afrika, Südsee, 1981
Dusseldorf, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Afrikanische Kunst aus der Sammlung Barbier-Mueller, 27 février - 10 avril 1988 / Frankfort, Schirn Kunsthalle, 4 juin - 14 août 1988 / Munich, Haus der Kunst, 17 décembre 1988 - 19 février 1989 / Genève, Musée Rath, 15 mars - 15 mai 1989
Saint Paul, Hamline University Art Galleries, Icons of Perfection: Figurative Sculpture from Africa, 2 décembre 2005 - 11 février 2006

Literature

Fischer et Himmelheber, Die Kunst der Dan, Zurich, 1976, p. 152, n° 140
Paudrat et Claude Savary, Collection Barbier-Müller Genève: Sculptures d’Afrique, 1977, p. 81, n° 13
Jones, Paudrat et Christian Kaufmann, Exotische Kunst aus der Barbier-Müller Sammlung: Amerika, Afrika, Südsee, 1981, p. 77
Fischer et Himmelheber, The Art of the Dan in West Africa, 1984, p. 116, n° 131
Schmalenbach, Afrikanische Kunst aus der Sammlung Barbier-Mueller, 1988, p. 118, n° 51
Barbier, Arts de la Côte d'Ivoire, 1993, Vol. 2, p. 67, n° 101
Herreman, Icons of Perfection:  Figurative Sculpture from Africa, 2006, p. 22, n° 7
Gottschalk, L'art du Continent noir. Afrique.. Témoins de la maîtrise des sculpteurs africains dans les collections privées, Vol. 2, 2007, deuxième de couverture et p. 130

Catalogue Note

Les premières années du XXe siècle virent l’apogée, en pays Dan, d’une remarquable émulation artistique, stimulée par l’essentielle conquête de la renommée (tin) des artistes et de leurs commanditaires. « Lorsqu’ils se distinguaient par des réalisations hors du commun, les sculpteurs […] avaient droit au titre de zo (maître) et étaient respectés, souvent bien au-delà des frontières de leur région d’origine » (Fisher in Fischer et Homberger, Les Maîtres de la sculpture de Côte d’Ivoire, 2015, p. 107). Si certains, encore vivants dans les années 1950-1960, furent identifiés notamment par Hans Himmelheber puis Eberhard Fischer, la plupart d’entre eux ne sont connus qu’à travers le corpus de leur œuvre brillante et singulière, aujourd’hui dispersée à travers le monde.   

En 2007, Burkhard Gottschalk publiait cette superbe statue en regard de deux œuvres – l’une conservée dans la collection Schwelinger (Détroit), l’autre au Peabody Museum of Archeology and Ethnology de Cambridge (inv. n° PM 37-77-50/2869) –, les attribuant au talent individuel « d’un sculpteur très sensible » (Gottschalk, Témoins de la maîtrise des sculpteurs africains dans les collections privées, p. 121). A ce corpus identifié par Gottschalk s’ajoutent une statue conservée au Grassi Museum für Völkerkunde de Leipzig (0051728) et la figure féminine du couple de la collection Kegel-Konietzko. L’œuvre du Peabody Museum renseigne l’origine de cette main de maître : George W. Harley l’acquit avant 1940 à Towai (Liberia) et ses notes précisent son attribution à un sculpteur Kran (Schwab et Harley, Tribes of the Liberian Hinterland, 1947, n° 71). 

Au-delà des canons de la beauté en pays Dan (rondeur des volumes, stabilité de la pose, long cou annelé), toutes s’apparentent étroitement par l’interprétation du visage et de détails anatomiques, tels que les doigts de pied ou la ponctuation des genoux. Surtout, elles partagent la même gestuelle atypique, enclenchant un mouvement en avant, comme une invitation : les deux avant-bras fléchis, la main gauche paume vers le ciel, la main droite également grande ouverte mais tournée vers l’intérieur du corps. « Un tel geste est une exception dans l’art plastique africain car il exprime une personnification et non une représentation » (Gottschalk, idem, p. 122). Au sein de cet étroit corpus, la statue des anciennes collections Josef Muller puis Myron Kunin se distingue par sa grâce et l’harmonie de ses volumes, qui lui confèrent une signifiante présence. Le corps, traité en rondeurs voluptueuses, créé un mouvement vertical vers le visage incarnant l’idéal de beauté dans cette région limitrophe de la Côte d’Ivoire et du Liberia : nez fin, bouche entrouverte aux dents apparentes, regard mi-clos et enfin délicate coiffure à tresses rapportées. La beauté sculpturale de cette femme idéalisée reflète le talent remarquable d’un sculpteur Kran qui, tout en respectant les canons traditionnels, est parvenu à imposer dans son œuvre sa vision artistique et a atteint, avec cette statue, l’acmé de son raffinement.  

Son acquisition par Josef Mueller avant 1939 la situe à une période comparable – voire antérieure – à  l’œuvre du célèbre sculpteur Zlan (/Sra), révélée en Occident par Hans Himmelheber (1960). Les deux artistes travaillaient dans des localités voisines (Towai et Belewale, à la frontière du Liberia et de la Côte d’Ivoire) et leur corpus sculptural témoigne de leur grande renommée auprès de prestigieux commanditaires Dan. « Ces lü me (effigies de bois) étaient généralement le portrait d’une femme estimée par son mari – chef ou notable – qui l’avait commandé au sculpteur. Il prenait avec faste possession de la statuette, puis la dissimulait jalousement et ne la montrait plus que dans certaines circonstances, lors de la visite d’hôtes de marque, par exemple, pour rehausser son prestige à leurs yeux » (Verger-Fèvre in Barbier, Arts de la Côte d’Ivoire, Vol. 2, 1993, p. 67).

In Dan country, the dawn of the twentieth century saw the culmination of a remarkable artistic emulation, stimulated by the vital claim to fame (tin) of artists and their patrons. "When they distinguished themselves for their unparalleled creations, sculptors [...] were given the title zo (master), and were respected, often well beyond the borders of their native region" (Fisher in Fischer and Homberger, Les Maîtres de la sculpture de Côte d’Ivoire, 2015, p. 107). Although some of them who were still alive in the 1950s and 1960s were identified - by Hans Himmelheber and Eberhard Fischer in particular, most are known only through the corpus of their brilliant and unique work, now scattered throughout the world.  

In 2007, Burkhard Gottschalk published this superb statue in connection with two other figures - one from the Schwelinger collection (Detroit), the other from the Peabody Museum of Archeology and Ethnology in Cambridge (inv. No. PM 37-77-50/2869) - attributing all three to the individual talent of "a very sensitive sculptor" (Gottschalk, Témoins de la maîtrise des sculpteurs africains dans les collections privées, p. 121). This corpus, as identified by Gottschalk, has two further additions: one sculpture is held at the Grassi Museum für Völkerkunde in Leipzig, and the other is a female figure from the couple in the Kegel-Konietzko collection. The figure at the Peabody Museum sheds further light on the origin of this masterpiece: George W. Harley acquired it prior to 1940 in Towai (Liberia) and his notes specify its attribution to a Kran sculptor (Schwab and Harley, Tribes of the Liberian Hinterland, 1947, No. 71). 

Above and beyond the Dan canons of beauty which include a roundness of the volumes, stability of the stance and a long ringed neck, the sculptures are all closely related in their interpretation of the face and anatomical details, such as the toes or the punctuation of the knees. Above all, they share the same atypical stance, ushering a movement forward, like an invitation: the two forearms are flexed, the palm of the left hand raised to the sky and the right hand is also open but turned towards the inside of the body. "Such a gesture is an exception in African art as it expresses a personification rather than a representation" (Gottschalk, ibid. p. 122). Within this limited corpus, the statue of the former Joseph Muller and Myron Kunin collections stands out for its grace and the harmony of its volumes which contribute to its meaningful presence. The body, made from voluptuous curves, creates a vertical movement towards the face that embodies an ideal of beauty in this region on the border between Côte d'Ivoire and Liberia: a fine nose, an open mouth with visible teeth, half-closed eyes and finally, a delicate coiffure with attached braids. The sculptural beauty of this idealized woman, transcended by the glass and iron ornaments, reflects the remarkable talent of a Kran sculptor who, whilst abiding by traditional canons, managed to impose his artistic vision in his work and with this statue, achieved the epitome of his refinement.

The sculpture’s acquisition by Josef Mueller before 1939 places it in a similar, or even earlier, time frame, as the work of the famous Zlan (Sra) sculptor, revealed in the West by Hans Himmelheber (1960). The two artists worked in neighbouring communities (Towai and Belewale, on the border of Liberia and Côte d’Ivoire) and their sculptural corpus is a mark of their exalted reputation with their prestigious Dan patrons. "These lü me (wooden effigies) were generally portraits of a woman held in high esteem by her husband - a chief or prominent citizen - who commissioned it from the sculptor. He would take possession of the statuette with ostentation, then hide it jealously and show it only in certain circumstances, during visits of distinguished guests, for example, to enhance his prestige in their eyes" (Verger-Fèvre in Barbier, Arts de la Côte d’Ivoire, Vol. 2, 1993, p. 67).