Lot 9
  • 9

Nicolas Lancret

Estimate
100,000 - 150,000 EUR
bidding is closed

Description

  • Nicolas Lancret
  • Allégorie de la Musique : projet de frontispice pour le "Second livre de pièces de clavecin " de Jean-François Dandrieu
  • Huile sur toile en grisaille

Provenance

Collection Camille Marcille, avant 1876 ;
Sa vente, Paris, Hôtel Drouot, Me Pillet, 6-7 mars 1876, lot n°42 (860 francs) ;
Collection de Madame Kestner, 1877 ;
Collection Kraemer, avant 1913 ;
Sa vente, Paris, Galerie Georges Petit, Mes Lair-Dubreuil et Baudoin, 28-29 avril 1913, lot n°37 (2 400 francs) ;
Collection Alphonse Kann ;
Sa vente, Paris, Galerie Georges Petit, Me Lair-Dubreuil, 6-8 décembre 1920, lot n°41 ;
Collection de M. et Mme Paul Baude ;
Leur vente, Paris, Piasa, 13 juin 1997, lot n°68 ;
Acquis à cette vente 

Literature

E. Véron, « Chronique de l’Hôtel Drouot », in L’Art, Paris, 1875, t. IV, p. 293 ;
G. Duplessis, « La collection de M. Camille Marcille », in La Gazette des Beaux-Arts, Paris, 1876, t. XIII, p. 427-428 ;
E. Bocher, Les gravures françaises du XVIIIe siècle ou catalogue raisonné des estampes (…) de 1700 à 1800, Nicolas Lancret, Paris, 1877, IVe facs., p. 55, n°72 et p. 88 ;
G. Wildenstein, Lancret, Paris, 1924, p. 118, n°711, gravure reproduite en fig. 171 ;
M. Roland-Michel, Lajoüe et l'art rocaille, Paris, 1984, p.77 et p. 365, note 63 ;
M. Tavener Holmes, Nicolas Lancret 1690-1743, New York, the Frick Collection, 19 novembre 1991-12 janvier 1992, p. 44 et p. 151, note 74 ;
M. Tavener Holmes, Nicolas Lancret: Dance before a fountain, Los Angeles, The J. Paul Getty Museum, 2006, p. 117, note 107

Condition

On the naked eye: The painting is in a very godd overall condition. The material is perfectly stable, the grisaille composition is surrounded by a brown strip visible on the image. This has been purposely painted by the artist to create a border. The painting has been thoroughly cleaned which has well-preserved the material and glazes. Under UV lamp: The painting appears under a green uniform varnish. We cannot notice any trace of restoration. The condition is perfect.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

Nous remercions Mary Tavener Holmes qui nous a confirmé l'authenticité de cette œuvre d'après photographie.

L’amour de Nicolas Lancret pour les arts de la scène et la musique fut l’une des constantes de l’œuvre de ce poétique émule d’Antoine Watteau. Entré dans l’atelier de Claude Gillot en 1710 - au moment où ce dernier était en charge de la direction des décorations et costumes de l’Opéra - Lancret fit la rencontre de Watteau qui l’encouragea à fréquenter les théâtres pour y dessiner d’après nature.

Il suivit ce conseil et devint un spectateur assidu des salles parisiennes, introduit notamment par son ami et futur biographe Sylvain Ballot de Sovot [1], avocat au parlement de Paris, écrivain et librettiste proche de Rameau et qui comptait bon nombre de personnalités du théâtre et de l’opéra parmi son entourage. Nicolas Lancret put rencontrer par son intermédiaire écrivains, compositeurs, acteurs et autres artistes, comme par exemple les danseuses Mademoiselle Sallé et Mademoiselle Camargo dont il fit les portraits [2].

Marie-Anne de Camargo, qui triomphe à l’opéra à partir de 1726, fut l’une des danseuses les plus admirées de son temps et occupa une place prépondérante sur la scène française à une période où danse, opéra et théâtre étaient étroitement mêlés. Formée auprès de Mademoiselle Prévost, elle s’illustra notamment dans les œuvres scéniques de Rameau et fut célébrée pour la légèreté de son pas. Ce sont peut-être ses traits qui ont inspiré ceux de l’allégorie de la Musique figurant à gauche de notre composition. Ce délicat petit tableau, peint en grisaille, est préparatoire au frontispice du Second livre de pièces de clavecin de Jean-François Dandrieu, brillant claveciniste et compositeur, nommé organiste de la chapelle du roi en 1721. Ce frontispice fut gravé par Charles-Nicolas Cochin en 1728 (fig. 1). C’est également Lancret qui imagine le frontispice du Troisième livre de pièces de clavecin de Dandrieu, publié en 1734 (fig. 2). Peu de différences sont à noter entre le tableau préparatoire et la gravure de Cochin, si ce n’est les armes tenues par le putto à droite, qui sont celles du royaume de France sur notre composition et celles des Conti sur la gravure, suivant la dédicace de l’ouvrage de Dandrieu.

L’allégorie est un genre qui fut peu représenté par Lancret, et il l’a ici adapté à sa sensibilité propre et au goût de son temps, faisant de cette composition une véritable synthèse de son art. Sa figure de la Musique respecte les préceptes de Cesare Ripa, tenant une lyre et ayant à ses pieds une partition et divers instruments, ses attributs. Elle soulève avec grâce un rideau pour nous dévoiler à l’arrière-plan un groupe de danseurs en costume d’opéra, rappelant la formation du peintre auprès de Gillot et son goût pour la scène. Ces personnages évoluent dans un jardin poétique où l’on distingue un buste de faune et un vase Médicis, qui n’est pas sans rappeler le cadre des scènes galantes qui firent la réputation de Lancret à la suite de Watteau[3]. Enfin, en partie basse, un cartouche délicatement orné de roses, destiné à contenir le titre et la dédicace de l’ouvrage, témoigne des motifs rocaille qui commençaient alors à se diffuser. Ce précieux petit tableau est à part dans l’œuvre de Nicolas Lancret et constitue un séduisant témoignage du goût de la société parisienne du début du Siècle des Lumières.

Les amateurs éclairés ne s’y sont trompèrent pas et notre tableau figura dans plusieurs collections prestigieuses, à commencer par celle de Camille Marcille. Fils de l’illustre collectionneur François Marcille, il fut élevé avec son frère Eudoxe dans le culte de  la peinture française du XVIIIe siècle, dont leur père était l’un des plus fervents défenseurs, et hérita de la moitié des tableaux composant son cabinet. Peintre lui-même - il fut l’élève d’Achille Devéria - conservateur du musée des Beaux-Arts de Chartres, proche des frères Goncourt et de Corot, Camille Marcille continua à enrichir le fond légué par son père. Le catalogue sa vente après-décès en 1876 est un véritable répertoire de chefs-d’œuvre de l’art français.

[1]. S. Ballot de Sovot, Eloge de Lancret, peintre du Roi, publié par J. Guiffrey, Paris, Société de l’Histoire de l’Art français, 1874.
[2]. Son Portrait de la danseuse Maria Sallé est aujourd’hui conservé au château de Rheinsberg en Allemagne. On connaît plusieurs versions de La Camargo dansant, notamment à Londres au sein de la Wallace Collection ou encore à Saint-Pétersbourg au musée de l’Ermitage.
[3]. A l’instar de son illustre prédécesseur, c’est en tant que « peintre de fêtes galantes » que Lancret est reçu à l’Académie royale en 1719.


We are grateful to Mary Tavener Holmes for confirming the authenticity of this painting, on the basis of a digital photograph.

Nicolas Lancret as Antoine Watteau’s poetic follower had great admiration for the theatrical and musical arts which were constant variables in his work. He entered Claude Gillot’s studio in 1710 when the latter was head of sets and costumes for the Opera. Lancret met Watteau who encouraged him to attend theater performances in order to sketch from nature.

He followed this advice accordingly and became an avid spectator of Parisian venues, where he befriended his future biographer Sylvain Ballot de Sauvot, an attorney at the Paris Parliament, writer and librettist close to Rameau and had many theater and opera personalities within his entourage. Nicolas Lancret was able to meet through him writers, composers, actors and other artists such as the famous dancers Mademoiselle Sallé and Mademoiselle de Camargo who he realized in portraits.

Marie-Anne de Camargo, who triumphed at the Opera after 1726, was one of the most admired dancers of her time and held a prominent place on the French stage during a period when ballet, opera and theater were closely intertwined. Trained under Miss Prévost, she remarkably perfomed in Rameau’s scenic works and was famous for the lightness in her steps. Perhaps her traits inspired those of the Music allegory on the left of our composition. This delicate and small picture, painted in grey monochrome, was a study for the frontispiece of the Second livre de pièces de clavecin (Second book of harpsichord pieces) by Jean-François Dandrieu, the brilliant harpsichordist and composer who was appointed as organist for the king’s chapel in 1721. The frontispiece was engraved by Charles-Nicolas Cochin in 1728 (fig. 1). Lancret also created the frontispiece for Dandrieu’s Troisième livre de pièces de clavecin (Third book of harpsichord pieces) published in 1734 (fig. 2). Few differences were noted between the preparatory painting and Cochin’s engraving, aside from coat of arms held by the putto on the right, which are those of the Kingdom of France on our composition and those of Conti on the engraving, following the dedication on Dandrieu's work.

Allegory was a genre that was rarely represented by Lancret, and here he adapted it to his own sensibility and tendency of his time, rendering this composition a true synthesis of his art. His Music figure complies with Cesare Ripa's precepts with the attributes of holding a lyre and having a music sheet and various music instruments by the feet. She lifts gracefully a curtain to reveal to us the background with a group of dancers in opera costumes, recalling the teachings from the painter Gillot and his inkling for the stage. These characters evolve in a poetic garden where there is a faun bust and a Medici vase, which is reminiscent of gallant scenes that established Lancret’s reputation following Watteau. Finally, a cartouche, on the lower part is delicately decorated with roses for encircling the book’s title and dedication, reflects the Rococo motifs that were beginning to be diffused. This precious small painting stands apart among Nicolas Lancret’s work and is an alluring testimony to the trends of Parisian society during the beginning of the Enlightenment.

Knowledgable admirers are not mistaken, for our painting was part of several prestigious collections, beginning with that of Camille Marcille. Son of the famous collector François Marcille, he was raised, along with his brother Eudoxe, to worship French 18th century painting because their father was one of the strongest advocates. Camille inherited half of the paintings comprising his cabinet room. He painted as well as a student of Achilles Devéria, and was curator at the Museum of Fine Arts in Chartres. He was also close to the Goncourt brothers and Corot. Camille Marcille continued to enrich the art trove left by his father. The auction catalogue after his death in 1876 is an absolute registry of French art masterpices.


[1]. S. Ballot de Sovot, Eloge de Lancret, peintre du Roi (Eulogy for Lancret, the King's Painter) published by J. Guiffrey, Paris, Société de l’Histoire de l’Art français, not trans, 1874.
[2]. The Portrait of the dancer Marie Sallé is in the collections of Rheinsberg castle in Germany. There are several known versions of La Camargo dancing, including one in the Wallace Collection, London and Hermitage Museum, Saint Petersburg.
[3]. Like his illustrious predecessor as a “fêtes galantes” Lancret was accepted into the Royal Academy in 1719.