Lot 61
  • 61

Huysmans, Joris-Karl

Estimate
5,000 - 8,000 EUR
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Description

  • Huysmans, Joris-Karl
  • 10 lettres autographes signées à Léon Bloy. [8 juin 1884]-1890.
  • ink on paper
19 p. in-8 ou in-12 (de 210 x 135 à 130 x 104 mm). Une carte-lettre avec adresse au verso et un feuillet à en-tête Ministère de l’Intérieur. 8 dates ont été complétées au crayon par Bloy lui-même.

Où les dégoûts de Huysmans rejoignent la véhémence de Bloy, les deux hommes partageant une haine commune autant du monde littéraire qui les entoure que du carcan social et financier qui les emprisonne.



[8 juin 1884]. Huysmans vient de lire Christophe Colomb et sa béatification future : "au point de vue de l’art, vous avez fait un beau, un absolument beau livre, écrit dans une langue magnifique, comme jamais les catholiques ne seront fichus d’en trouver une, ah non, par exemple. […] livre empreint d’une étrange beauté faite d’une douleur inapaisée et d’une inextinguible rage de justice, devant la honte perpétuelle des hommes. […] Je vous aime pour ces saintes colères pour cette haine qui s’abat sur la vomitive ignominie du siècle, et au point de vue métier, j’admire fort, dans votre haut art, les trouvailles de style oratoire que vous avez". Huysmans enjoint son ami à ne pas tenir compte des critiques dont ils font l’objet : "Vous êtes un sous-Veuillot et moi un sous-Zola -- L‘étiquette est collée, nous la porterons notre vie durant, car nous n’avons plus assez d’illusions pour croire à une justice littéraire".
[15 juin]. Huysmans répond à l’article de Bloy dans Le Chat noir, intitulé "Les Représailles du Sphinx", défendant ardemment A Rebours, retiré de la vitrine des libraires : "Pour un homme habitué toute sa vie, à ne recevoir que des bols d’insanités ou d’injures sur la tête, ça devient une sensation de bonheur pénétrante jusqu’au malaise des nerfs, que de sentir sa pauvre œuvre aimée et expliquée par un autre que soi-même. […] Aussi vous remerciai-je et de tout cœur, des splendides funérailles catholiques que, tout seul, vous lui fîtes". Si cette magnifique oraison lui a apporté bien des délices, Huysmans regrette cependant que Bloy ait associé à son attaque les pauvres Mallarmé et Verlaine qui sont eux aussi, des écrasés de l’art, sans véritables éditeurs.
Dans sa critique, si Bloy avait effectivement loué les pénétrantes lamentations de Huysmans l’enragé et une forme littéraire semblable à d’invraisemblables orchidées, plantes monstrueuses aux exfoliations inattendue, il y avait également qualifié Mallarmé de Jocrisse dément. Quant à Verlaine, Huysmans fait sans doute allusion à un autre article de Bloy, paru dans Le Chat noir quelques semaines auparavant, où il avait ironisé sur la soi-disant "malédiction" pesant sur le poète.
Quelques semaines plus tard, à propos d’un nouvel article de Bloy, L’Oracle des mufles (paru le 1er novembre 1884) où Bloy a pris sa défense contre les attaques du critique Francisque Sarcey : "C’est une bonne vengeance que de lire ce formidable démolissage du vieux pion. Je m’en suis léché, comme mon chat, les babouines [sic]".
A l’automne 1885, il espère pouvoir envoyer de l’argent afin que Bloy le rejoigne à Lourps-en-Brie : "Peut-être que nous pourrions haleter un peu, là-bas, de conserve, avant de rentrer dans le lac de pus qu’est ce vil Paris"
[7 janvier 1886]. Il réclame son exemplaire des Chants de Maldoror : "je pense y trouver quelques idées de cauchemar. A l’heure actuelle, je suis ds l’ordurière cabine qui me sert de bureau rue des Saussaies. Ne pourrais-je donc jamais embrener cette verte pièce au moment d’un départ définitif. O rêve !".
Au mois d'août 1886, il lui fait suivre une lettre de la propriétaire d'une maison à Fontenay-aux-Roses que Bloy a quittée sans en avoir payé les contributions.
La dernière lettre, datée par Bloy de 1890, est un simple billet, au ton plus froid que les missives précédentes : "Mon cher ami, Je ne puis accepter les fonctions que vous voulez bien me proposer". Et l’on ne peut s’empêcher de penser à la rupture à la fois littéraire et amicale qui allait bientôt être consommée entre les deux hommes, après la parution d’un article de Bloy sur Là-bas quelques mois plus tard.



[On joint :]
Bloy, Léon. Brouillon autographe signé "LB" d’une lettre datée du 17 mai 1890, à Huysmans, lui annonçant son prochain mariage : "j’épouse, étant presque un indigent, une femme très pauvre. Il en arrivera ce qui pourra. Je suis de ceux qui vivent à la belle étoile de la Providence & dont l’hygiène morale consiste à nier les gouffres". Dans la marge inférieure, Bloy a dressé, au crayon bleu, une liste d’objets et de vêtements.