Lot 245
  • 245

Valéry, Paul

Estimate
20,000 - 30,000 EUR
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Description

  • Valéry, Paul
  • 21 lettres autographes signées à Stéphane Mallarmé. Montpellier puis Paris, 20 octobre 1890-3 juillet 1898.
  • ink on paper
53 p. in-8 ou in-12 (entre 210 x 103 et 101 x 90 mm), 19 enveloppes.
Encre délavée sur 3 lettres.

Importante correspondance du disciple à son maître.



"J'ai été frappé par Mallarmé. J'ai admiré -- de loin. Je l'ai aimé -- Je l'ai repensé. j'ai senti et développé ma différence [...] Et j'ai pleuré sa mort" (P. Valéry, Cahiers XXVII, 1931).



Ce remarquable ensemble contient notamment les toutes premières lettres que Valéry, étudiant en droit à Montpellier, adressa à l’auteur de L’Après-midi d'un Faune, dont la célèbre missive du 20 octobre 1890 dans laquelle, "jeune homme perdu au fond de la province", il professe son admiration pour la splendeur secrète de l’œuvre mallarméenne, se recommandant de Pierre Louÿs et évoquant la subtilité d’Edgar Allan Poe. Définissant sa propre poétique et sa préférence pour "les poèmes courts, concentrés pour un éclat final, où les rythmes sont comme les marches marmoréennes de l’Autel que couronne le derniers vers", il retranscrit deux de ses poèmes, Le jeune Prêtre et La suave Agonie [à paraître dans La Conque].
Dans la lettre suivante, envoyée le 18 avril 1891, Valéry demande à nouveau conseils et bonnes paroles à Mallarmé, ayant trouvé son idéal esthétique dans L’Après-midi du Faune [sic] : "La poésie m’apparaît comme une explication du monde délicate et belle, contenue dans une musique singulière et continuelle".
Le jeune poète rencontrera son maître le 10 octobre suivant, deux ans avant son installation définitive à Paris. Peu de lettres datent de cette période, mais il faut citer la très belle lettre du 15 janvier 1894 dans laquelle Valéry expose les principes qu’il se donne pour guides : "J’ai simplement songé, cher Maître, à comprendre dans une même figure, tout ce qui, en toute chose, est le moyen -- ou, depuis la bêche, la plume, la parole, la flûte jusqu’aux fugues et au calcul intégral -- une théorie de l’instrument. L’homme fait presque tout pour n’y plus penser -- et s’en servir. C’est par son outil qu’un objet nous est précieux".
Valéry s’adresse à Mallarmé pour lui proposer des rencontres, parfois en compagnie de Pierre Louÿs et d’André Fontainas, à Paris ou à Valvins, car, pour lui, la retraite de Mallarmé, c’est "la tête fraîche, le corps disparu ou délicieux, le travail véritable, improductif, foudroyant -- enfin la rencontre que je serais sûr de faire, au coin du bois, de vous".
Mais ses obligations professionnelles au Ministère de l’Intérieur le font enrager : "pas de plus pur supplice que l’impossibilité imposée de penser. J’aimais tant l’infinité de la recherche, sa longue vie". Il mentionne à plusieurs reprises les noms de Marcel Schwob, de Marguerite Moreno ou de J.K. Huysmans, comme lui bon serviteur de l’Etat et qui l’a assuré de ses sentiments envers Mallarmé (2 juin 1897).
Il avoue parfois une humeur sombre et sinistre : "Pour moi «l’embêtement» (qui a remplacé chez le moderne toutes les catastrophes coloriées des antiques) ne m’a jamais rendu que quelques notes au crayon, bonnes étant sèches, ou bien simplement un rappel sévère au sérieux, une amertume pour mieux mordre au travail".
4 février 1898. Il est question de Léon Bloy et de Villiers de l’Isle-Adam. Il explique tout d’abord que les disciples de Mallarmé se sont mobilisés pour ses recherches sur Macbeth, Marcel Schwob ayant déniché un essai de Coleridge et André Fontainas lui envoyant son exemplaire de Quincey. "Je vous signale à titre de précaution, le récent livre de Bloy, la Femme pauvre, recueil de nouvelles injures, dans lequel, autour d’une histoire incorrecte de la mort de Villiers (Bohémond de l’Isle de France), Huÿsmans (Folantin) est maltraité de la plus sale et de la plus odieuse façon. Je ne sais quelle absurde fable à propos du mariage in extremis sert à le mettre en cause et à lui attribuer les plus abjects motifs ! D’ailleurs, un Marchenoir sublime est là pour le contraste".
En juin 1898, il donne quelques nouvelles du Paris littéraire et artistique, dont celle d’une exposition de Monet à la galerie Georges Petit. S’il juge les tableaux de Monet "frais et délicieux", il avoue une admiration infinie pour le travail de Degas, son crayon incorruptible et son œil plein d’autorité.



La dernière lettre de cet exceptionnel ensemble, datée du mercredi 13 juillet 1898, annonce sa venue à Valvins : "Ne songez à rien. Nous dînerons le soir ensemble à l’auberge du pont. Ne démarrez pas l’esquif : mon bon état m’ordonne de redouter les deux merveilles du monde : l’air et le mouvement. Non je viendrai comme un passant, parmi deux trains"…
Ce sera là la dernière visite de Valéry à Mallarmé dont il apprendra la mort, par un télégramme de Geneviève, le 9 septembre suivant. Paul Valéry parlera de cette disparition comme d'une perte irréparable et d'un des plus grands chagrins de sa vie.



Valéry dira aussi : "Nul n’a eu plus de courage littéraire que cet homme, qui aurait pu être le premier poète de son temps, s’il eût consenti de n’être pas tout à fait soi-même, et qui a tout risqué pour suivre profondément en soi, pendant toute sa vie, une idée" (cité par H. Mondor, Autres précisions sur Mallarmé, N.R.F., p. 240).



Références : L’Heureuse correspondance de Valéry et Mallarmé, 1947. -- Lettres à quelques-uns, 1952.



[On joint, du même :]
2 lettres autographes signées à Geneviève Mallarmé, non datées, dont l'une écrite au début de juillet 1899 à propos d’une affaire d’édition concernant Deman, la traduction des Mille et une nuits par le Dr Mardrus, les sœurs Gobillard, sa lecture d’Anna Karénine, "roman magnifique", etc. (4 et 2 p. in-8, avec une enveloppe autographe à la même [17 octobre 1898]).
Faire-part du mariage de Valéry avec Jeannie Gobillard le 31 mai 1900, adressé à Mme et Mlle Mallarmé.

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Encre délavée sur 3 lettres
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