Lot 7
  • 7

Jean Dubuffet

Estimate
1,400,000 - 1,800,000 EUR
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Description

  • Jean Dubuffet
  • Nomade aux traces de pas dans le sable
  • signé, inscrit et daté 48
  • huile sur toile
  • 92,1 x 73,3 cm; 36 1/4 x 28 7/8 in.
  • Exécuté en 1948.

Provenance

Edmond Bomsel, France
Vente: Drouot, Paris, 13 décembre 1985
Viktor et Marianne Langen, Düsseldorf
Galerie Jacques de la Béraudière, Genève
Collection particulière, Europe

Exhibited

Paris, Cercle Volney, Exposition de peintures, dessins et divers travaux exécutés de 1942 à 1954 par Jean Dubuffet, 17 mars - 17 avril 1954; catalogue, no.44, illustré
Saint-Paul, Fondation Maeght, Dix ans d’art vivant 1945-1955, 9 avril - 31 mai 1966; catalogue, no.34, illustré
Martigny, Fondation Pierre Gianadda, Dubuffet, 4 mars - 10 juin 1993; catalogue, p.49, no.20, illustré en couleurs
Paris, Galerie Boulakia, Jean Dubuffet, 10 octobre - 10 décembre 2007; catalogue, p.43, illustré en couleurs
Paris, Fondation Dubuffet, Carnets de voyages: Jean Dubuffet au Sahara, 31 janvier - 30 avril 2008
Munich, Kunsthalle der Hypo-Kulturstiftung, Jean Dubuffet: ein Leben im Laufschritt, 19 juin - 13 septembre 2009; catalogue, p.39, no.44, illustré en couleurs

Literature

Max Loreau, Catalogue des Travaux de Jean Dubuffet, Fascicule IV: Roses d'Allah, clowns du désert, Lausanne, 1967, p.121, no.231, illustré
Werner Schnell, Spuren im Sand: Jean Dubuffet als “Orientalist” 1947-1949, Cologne, 1993, p.326, no.14, illustré
Catalogue d'exposition (itinérante), Un siècle d'arpenteurs: les figures de la marche, juillet 2000 - janvier 2001, p.184, no.24, illustré

Condition

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Catalogue Note

Ayant appartenu à des collectionneurs prestigieux et historiques comme Monsieur Edmond Bomsel à Paris puis à la famille Langen en Allemagne; inclus dans des expositions majeures dans le monde entier; Nomade aux traces de pas dans le sable est aujourd’hui pour la première fois offert en vente aux enchères. Jean Dubuffet a réalisé cette œuvre en 1948, suite à ses voyages fondateurs en Algérie. Le désert du Sahara et la vie quotidienne dans ce cadre ont été des sources d’inspiration importantes pour Dubuffet, à partir desquelles la série des Clowns du désert a vu le jour.

Jean Dubuffet a réalisé dix-huit tableaux sur toiles seulement dans cette série, parmi lesquels sept œuvres font partie des collections de grands musées internationaux. Les Clowns du désert sont très rares et six d’entre eux seulement ont été offerts en ventes aux enchères au cours des trente dernières années.

« … Dubuffet a été profondément marqué par l’expérience du Sahara. Le tour d’esprit des Arabes, leur secrète passion du dénuement l’ont frappé et sollicité ; leur leçon, il était d’avance tout disposé à l’entendre, lui qui depuis des années cherchait l’ivresse mentale dans l’humble et l’ordinaire. Les grandes étendues de sable aussi se sont déposées au fond de sa pensée. Après s’être montré attentif au pittoresque des lieux, il a finalement été repris par ses anciennes obsessions : par la hantise des textures indéfinies, grisantes d’être indéfinies. Le sable l’attire : en lui le peintre trouve une matière d’un genre nouveau, plus humble, plus effacée, sans prestige, individualité ni consistance. Une texture continue plus uniforme que l’asphalte et les murs, un immense moutonnement indéterminé dont toute portion reproduit l’ensemble, bref la conjonction d’un mouvement perpétuel et d’une constante identité : c’est ce que d’avance Dubuffet aimait dans le désert. Matière ascétique et exubérante, parfaitement dépouillée et illimitée, le sable est comme la texture même de l’imagination : à la fois vide d’objet particulier et avide infiniment de tout. Comme tel, il impose sa vision propre, qui est bien faite pour satisfaire Dubuffet. Les êtres y sont rongés par la matière, modelés par elle. Dans le désert, tout n’est qu’empreinte éphémère et fragilité. De l’homme, le sable ne conserve que des traces de pas bientôt effacées, oubliées. Cerné par ce continu sans mémoire, l’homme ne trouve plus guère de lieu où projeter ses griseries d’empereur du monde ; réduit à plus de modestie : au rang d’accident, d’être perpétuellement contesté et refoulé en soi, traversé par le site, pénétré par le site jusqu’en ses plus profonds retranchements, contraint à reconnaître dans ce vide foisonnant qu’est le désert la substance même de sa pensée. Tout cela traînait depuis longtemps sans doute dans l’esprit de Dubuffet : ce qui demeurait encore voilé d’ombre, le Sahara a fini par l’éclairer crûment pour le porter à sa pleine rigueur. Ce n’est que dans les cycles à venir que l’expérience arabe produira ses vrais fruits. (Max Loreau, Présentation pour le Catalogue des travaux de Jean Dubuffet, Roses d’Allah, clowns du désert, Jean-Jacques Pauvert éditeur, 1967). »

Nomade aux traces de pas dans le sable préfigure les compositions typiques de paysages que Dubuffet investiguera durant les années 1950. Le Bédouin, au centre de l’œuvre, se tient debout, face à un palmier sous le soleil battant, dans un vaste désert brut où se superposent les couches de peinture, de sable et de cailloux. L’Homme en symbiose avec la Nature. La manière de peindre le fond du tableau en utilisant des couches et des sous-couches de peintures fait naître, en transparence des motifs représentés, l’idée d’effacement du sable et de son infini enfouissement. Loin de ses Murs et de ses tableaux peint au bitume, le sable offre à Dubuffet une matière légère qui se renouvelle. Bédoins et Touareghs, chèvres, chameaux, ânes, scorpions, palmiers, soleil et cérémonies, figurent tout un folklore dont Dubuffet s’empare et qu’il anime dans son nouveau théâtre du désert. Le sable imprime les traces qu’il fait disparaître et cela sans fin. Sur cette immensité du désert empreinte de signes, « …les traces de pas dans le sable historient et humanisent le sol, dépersonnalisent le promeneur, le noient dans un grouillement d’hommes, rendent tous lieux bonaces et confortants. (Tamanrasset, dimanche 4 janvier 1948, lettre à Jean Paulhan). »

« On vit ici, on piétine et repiétine parmi des empreintes de pieds. C’est ravissant les empreintes de pieds, moulés dans le sable fin comme dans du plâtre. Pieds d’hommes, pieds de femmes, pieds d’enfants. Pieds d’ânes aussi, pieds de chèvres, pieds de chameaux. Ca ne se conserve pas très longtemps, c’est effacé par d’autres empreintes aussi ravissantes d’autres pieds. Tout le sol de l’oasis ainsi piétiné et repiétiné et rempli de marques et de signes est comme un immense cahier de brouillons, cahier d’improvisations, comme un vaste tableau noir d’école tout plein de chiffres, dans lequel on vit, s’immerge, on se dissout, on se saborde. (El Goléa, jeudi 5 février 1948, lettre à Jacques Berne). »

Grâce à la maestria technique de Jean Dubuffet, Nomade aux traces de pas dans le sable illustre la magie du souvenir, mirage qui rend le désert vivant et les traces de pas dans le sable dansants. Graffiti éphémères, les pas sont au sable ce que les mains sont aux murs.

Toujours observateur et flairant quelque découverte imminente, suivant ces cortèges de pas susceptibles de le mener non à quelque caverne fabuleuse mais à un secret de la matière, c’est-à-dire à un genre de tableaux encore inconnu, Dubuffet conduit son œuvre et ses amateurs vers un ravissement toujours renouvelé.

Housed previously in several prestigious private collections such as Mr Edmond Bomsel in Paris and the Langen family in Germany ; hosted in major exhibitions worldwide; Nomade aux traces de pas dans le sable is for the first time offered at auction. Jean Dubuffet, following his 3 seminal trips to Algeria, executed this painting in 1948. The Sahara desert and everyday life in this setting were important sources of inspiration for Dubuffet which inspired the body of works entitled The Clowns of the desert.

Jean Dubuffet painted only 18 works in the series and 7 of them are part of international museum collections. The Clowns of the desert are very rare on the market and only 6 of them have been offered at auction over the last 30 years.

“Dubuffet was profoundly marked by his experience in the Sahara. The Arabs’ turn of mind, their secret passion for deprivation both struck him and appealed to him; he was already disposed to hearing their lesson, having searched for mental intoxication in the humble and the ordinary for years. The great stretches of sand are also spread across the bottom of his mind. Having first appreciated the picturesque aspect of the place, he finally returned to his old obsessions: to the dread of undefined textures, exhilarating by their lack of definition. Sand attracts him. The painter finds here a new kind of material, more humble, more faded, without prestige, individuality or consistence.  An unbroken texture, more regular than asphalt or walls, an immense, indeterminate billowing where each portion reproduces the whole, in short the convergence of a perpetual movement and a constant identity: this is what Dubuffet already liked about deserts.  An ascetic and exuberant material, perfectly bare and boundless, sand is like the very texture of the imagination: both empty of specific objects and infinitely greedy for everything. As such, it imposes its own vision, which is enough to satisfy Dubuffet. Here, beings are eroded and modeled by matter. In the desert everything is only ever ephemeral imprint and fragility. The sand only keeps from man his footprints, soon to be erased and forgotten. Surrounded by this continual spread without memory, man can hardly find a place to project his intoxication as emperor of the world. He is reduced to more modesty, to the level of accident, to being continually contested and pushed back into himself, penetrated by the site down to its deepest entrenchments, forced to recognise in the abundant emptiness of the desert, the very substance of his thoughts. All of this had been lying around in Dubuffet’s head for a long time. What had been veiled in shadow for ages was brought crudely to light by the Sahara, which carried it to its full precision. The Arab experience only bore its fruit in a later series of works.” (Max Loreau, Présentation for the Catalogue des travaux de Jean Dubuffet, Roses d’Allah, clowns du désert, Jean-Jacques Pauvert éditeur, 1967). »

Nomade aux traces de pas dans le sable prefigures the typical compositions of landscapes that Dubuffet will fully investigate over the 1950’s. The Bedouin, in the centre of the work stands in a vast, raw terrestrial plane, layered with paint, sand, stones, and faces a palm tree under the beating sun. Manhood in symbiosis with Nature. The way in which the picture’s background is painted in superposed layers evokes the idea of the sand’s erasure and its infinite burying in transparency through the represented motifs. Far from his Walls and from his asphalt paintings, sand offers Dubuffet a light material that forever renews itself. Bedouins and Touaregs, goats, camels, donkeys, scorpions, palm trees, sun and ceremonies, a whole folklore that Dubuffet grabs hold of and gives life to in his new theatre of the desert. Sand endlessly prints the traces it erases. On this immensity of desert printed with signs, “… footprints in the sand historise and humanize the ground, depersonalize the walker, drowning him in a swarm of men, making all places calm and comforting. (Tamanrasset, Sunday January 4 1948, letter to Jean Paulhan).”

“We live here, we trample and trample again among the footprints. Footprints are delightful, molded into the fine sand like plaster. Men’s feet, women’s feet, children’s feet. Donkey’s feet too, goat’s feet, camel’s feet. They do not last long, they are erased by other just as delightful footprints from other feet. All the oasis’s ground trampled thus again and again and filled with marks and signs is like a huge notebook, a book of improvisations, like a vast school blackboard full of numbers, in which we live, immerse ourselves, dissolve ourselves, scupper ourselves.”. (El Goléa, Thursday February 5, 1948, letter to Jacques Berne). »

Thanks to Jean Dubuffet’s maestria technique, Nomade aux traces de pas dans le sable illustrates the magic of memory, the mirage that makes the desert alive and footprints in the dancing sand. Like ephemeral graffiti, footprints are to sand what hands are to walls.

Always an observer, catching the slightest imminent discovery, following these pageants of footprints likely to take him not to a legendary cave but to the secret of a material, that is to say a kind of painting as yet unknown, Dubuffet leads his work and his amateurs towards an endlessly renewed rapture.