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Simon Hantaï
Description
- Simon Hantaï
- m.c.5 (Mariale)
- titré et daté 1962; signé, titré et daté 1962 au dos
- huile sur toile
- 220 x 210 cm; 86 5/8 x 82 11/16 in.
- Exécuté en 1962.
Provenance
Collection privée, France
Vente: Christie's, Paris, Art d'Après-Guerre et Contemporain, 26 avril 2006, lot 253
Collection privée, Bruxelles
Exhibited
Saint-Etienne, Musée d'Art et d'Industrie, Hantaï, 29 novembre - 30 décembre 1973; catalogue, p.14, illustré en couleurs
Literature
Kálmán Makláry, Simon Hantaï, Volume 2, 1960-2001, Budapest, 2013, p.98, illustré en couleurs
Condition
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Catalogue Note
En 1960, pour éviter l’exaspération autant que l’asphyxie, Hantaï révèle un espace et un temps de peinture pure où il ne s’agit plus de poser inlassablement les mêmes questions (l’art doit-il être conscient ou inconscient, figuratif ou abstrait, formel ou informel, organique ou géométrique, l’expression de son auteur ou doit-il être de l’art pour l’art ?) mais de résoudre le problème différemment. Comment? Par et dans la matière, dépouillée de ses strates de discours théoriques, de ses résonnances psychologiques et politiques, de l’idée du style, de ses mimétismes, de ses téléologies contradictoires et contraignantes. Avec les Mariales, Hantaï parvient à aborder l’Art dans sa nudité paradigmatique : l’horizontalité, la toile, ses dimensions, sa texture, des pigments, des plis empiriques et quasi-mécaniques, un déploiement sauvage, un temps long et fragmenté.
A l’issu d’un cheminement dialectique (le pli, le dépli, le déploiement) et ambivalent (la durée du pli et la violence du dépli, le peint et le non-peint, la matrice brute et le sublime de la couleur, la planéité immanente de la toile et les anfractuosités rémanentes, la concentration et la dilution de l’espace et du temps, la manière fruste et sa transfiguration, l’autonomie absolue de l’œuvre et son épanouissement), le singulier entre en fusion avec la beauté.
Masse d’irisations fragmentées de bleus minéraux incorporant des verts mousseux, surface orgueilleuse de ses avatars qui se prolongent dans les bruns du dripping, m.c.5 (Mariale) est l’un de ces surgissements.
Tout a été dit ou presque sur l’expérience et la technique du pliage chez Hantaï, sur le travail de la couleur qui fait un avec le travail du pliage, sur l’invention d’une nouvelle texture qui est aussi la révélation d’un nouvel espace et l’incorporation d’une nouvelle temporalité.
Au milieu de cette respiration complexe qui sourd des Mariales, il est temps d’évoquer la teneur spirituelle – religieuse disons-le – qui les parcourt.
« Les Mariales. Vingt-sept peintures, réparties en quatre groupes, au sein desquels aucune ne porte un titre. Chaque groupe est identifié par deux lettres, m.a., m.b., m.c., m.d., l’alphabet dicte les séquences, et à l’intérieur de chaque groupe chacune porte un numéro, Mariale m.a.1, m.a.2, et ainsi de suite – un matricule, rien de plus, rien de moins. Il y a huit Mariales dans le groupe m.a., six dans le m.b., la série m.c. en compte neuf et la m.d. quatre. Pourquoi l’appellation générique de Mariales ? Comme toujours il y a plusieurs raisons. Hantaï a grandi, à Bia, dans la religion catholique, et dans cette partie de l’Europe catholique le culte de la Vierge Marie était très répandu. Le mot de marial évoque donc pour lui le monde dans lequel il a baigné, et dont on peut dire, toutes choses traversées, qu’il y baigne encore en 1960. Sur quoi se greffe, en quelques années plus tard (vers 1967 il semble), la mention Manteaux de la Vierge, qui ajoute au terme général de marial le thème spécifique de la Vierge de Miséricorde, thème immense et fabuleux : la Vierge Marie ouvre son manteau pour y accueillir tous les échantillons possibles de l’humanité, le pauvre et le riche, le coupable (l’innocent) et le bourreau, le soldat et le prêtre, et même : l’homme et la femme. Et surtout : le virginal et son contraire. Lors de son passage en Italie, Hantaï a pu voir plusieurs tableaux de ce thème qui l’auront surement marqué (dont, à San Sepolcro, le Piero della Francesca). Il nous faut donc, après Pollock, après Galla Placidia, ajouter un nouveau personnage, la Vierge de la Miséricorde, à la fresque qui a maintenant pour nom (en paraphrasant Aragon) Simon Hantaï, roman. Il me semble que ce thème n’est pas sans affinité avec l’ambition non déclarée des Mariales, celle d’inclure tous les états possibles de la peinture – disons plutôt : d’inclure le champ considérable de peinture désormais accessible au travail d'Hantaï dans les années 1960-62. Un état de peinture, ou d’écriture, ou de musique, c’est un mode d’humanité. Et bien sûr, le contraire du virginal c’est le maculé, la peinture n’est rien d’autre » (Dominique Fourcade, 1960-1962, Les Mariales, pliage – aventure première, in Simon Hantaï, Paris, Centre Pompidou, 2013, p.95-96).
Il n’est pas moins temps d’évoquer la spécificité de la série des m.c dont procède m.c.5 (Mariale).
« Pour la première fois Hantaï travaille ouvertement par séries […] A l’intérieur de la suite chaque Mariale est peinte sur un mode sériel, c’est-à-dire qu’une cellule de notes et une seule produit toute la pièce en des combinaisons qui ne cessent d’être différentes. Musique moderne. Ces combinaisons peuvent être agencées et produites dans tous les sens. Cependant, dans le cas qui nous occupe, chaque peinture à l’intérieur d’une série travaille également sur sa différence d’avec l’autre, il peut y avoir de grandes différences de l’une à l’autre […] A partir de la série m.c. le mot de pliage s’applique à plein. La toile est d’abord éclaboussée de noir, et parfois semble passée au brou de noix, ou avoir été fumée ; cette fois Hantaï travaille à grands plis ; la toile est pliée en segments, ou pans, ou plaques tectoniques je ne sais, laissant de grandes inégalités de surface. C’est d’une théâtralité majeure. Une fois dépliée ouverte à plat, la surface de la peinture apparait comme déchirée, déchiquetée même – travaillée par un vandale, par le plus raffiné des vandales. Un raffinement sans tendresse, je vous prie de le croire, il y a beaucoup de violence ici. Sombrent narcisse collectif et narcisse individuel. Et avec les cris montent des couleurs de terre. Dans ces suites m.c. et m.d. la peinture fait l’épreuve d’une maximale défaisance » (Dominique Fourcade, 1960-1962, Les Mariales, pliage – aventure première, in Simon Hantaï, Paris, Centre Pompidou, 2013, p.97).
In 1960, Hantaï invented a new world: a world emerged from limbo, originating in Surrealism and Automatism, beyond lyricism. Suddenly, with the Mariales, a new way of creating (the experience of folding which will become a method) coincided with a new way of seeing. Through each of the twenty- seven works divided into four groups (m.a., m.b., m.c., and m.d.), Hantaï immersed and lead monumental, naked canvases towards an abstraction which questioned the very method of painting itself.
In 1960, in order to avoid exasperation as much as suffocation, Hantaï revealed in these works a space and a time of pure painting where it was no longer about tirelessly asking the same questions (should art be conscious or unconscious, figurative or abstract, formal or informal, organic or geometric, the expression of its author or should art be for art?) but about resolving the problem differently. How? By and in the material, stripped of its layers of theoretical discourse, of its psychological and political resonance, of the idea of style, of its imitation, of its contradictory and restrictive teleology. With the Mariales, Hantaï succeeded in tackling Art in its paradigmatic nudity: horizontality, the canvas, its dimensions, its texture, pigments, empirical and virtually mechanical folds, a wild spreading, deep and fragmented time.
At the outcome of a dialectical (the fold, the unfold, the deployment) and ambivalent process (the duration of the fold and the violence of unfolding, the painted and unpainted, the crude matrix and sublime colour, the immanent flatness of the canvas and residual cavities, the concentration and the dilution of space and time, the rough manner and its transfiguration, the absolute autonomy of the work and its flourishing), the singular merges with beauty.
Infinite masses of mineral blues in fragmented iridescence incorporating joyful mossy greens, a surface proud of its avatars that continues into the drippings’ browns, m.c.5 (Mariale) is one of these emergences.
Almost everything has been said about the experience and technique of Hantaï’s folding, on his colour that works at one with folding, on the invention of a new texture that is also the revelation of a new space and the incorporation of a new temporality.
In the middle of this complex respiration which deafens the Mariales, it is time to mention the spiritual – even religious – content that runs through them.
“The Mariales. Twenty-seven paintings, divided into four groups, within which none bear a title. Each group is identified by two letters, m.a., m.c., m.d., the alphabet dictates the sequences, and inside each group each painting has a number, Mariale m.a.1, m.a.2, and so on – a number nothing more, nothing less. There are eight Mariales in the m.a. group, six in the m.b., the m.c. series includes nine and the m.d. four. Why the generic name of Mariales? As always there are several reasons. Hantaï grew up in Bia, in Catholicism, and in this part of Catholic Europe the cult of the Virgin Mary was very common. The word mariale (Marian) thus evoked for him the world in which he was immersed, and in which it can be said, after all he had been through, he was still immersed in 1960. A few years later, the caption Manteaux de la Vierge (Mantel of the Virgin) was added to this, adding thus the specific theme of the Virgin of Mercy to the general term of mariale, an immense and fabulous theme: the Virgin Mary opened her coat to welcome all possible samples of humanity, rich and poor, the guilty (the innocent) and the executioner, the soldier and the priest, and even: man and woman. And in particular, the virginal and its opposite. During his stay in Italy, Hantaï was able to see several paintings of this theme which must surely have marked him (including the Piero della Francesca at San Sepolcro). After Pollock, after Galla Placidia, a new character in the form of the Virgin of Mercy must now be added to the fresco (in a paraphrase of Aragon) now named Simon Hantaï, The Roman. It seems to me that this theme bears some resemblance to the undeclared ambition of the Mariales, of including all the possible states of painting – rather: to include the considerable field of painting now accessible to Hantaï in the years 1960-62. A state of painting, or writing, or music, is a mode of humanity. And of course, the opposite of virginal is stained, painting is nothing else” (Dominique Fourcade, 1960-1962, Les Mariales, pliage – aventure première, in Simon Hantaï, Paris, Pompidou Center, 2013, p.97).
In the middle of breaths, the time has come to evoke the specificity of the m.c. series from which comes m.c. 5 (Mariale).
“For the first time Hantaï worked openly in series [… ]. Within the sequence each Mariale was painted in a serial mode, that is to say that a cellule of notes and only one, produced the whole piece in continually different combinations. Modern music. These combinations can be articulated and produced in all ways. However, in the case that interests us, each painting within a series also functions on its difference from the others, there can be great differences between one and the other […]. From the m.c. series onwards, the term fold can be fully applied. The canvas was first splattered with black, and sometimes seems to have passed through a nutcracker, or to have been smoked; this time Hantaï worked in large folds; the canvas was folded in segments, or parts, or tectonic plates, leaving great disparities in surface. It is of major theatricality. Once unfolded, opened flat, the painting’s surface appears to be torn, even shredded – handled by a vandal, by the most refined of vandals. A refinement without tenderness, I ask you to believe this, there is a lot of violence here. Sinking into collective narcissism and individual narcissism. And with the cries climb the colours of the earth. In his m.c. and m.d. series, painting undergoes maximal defeasance ” (Dominique Fourcade, 1960-1962, Les Mariales, pliage – aventure première, in Simon Hantaï, Paris, Pompidou Center, 2013, p.97).