Lot 128
  • 128

Apollinaire, Guillaume

Estimate
15,000 - 25,000 EUR
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Description

  • Apollinaire, Guillaume
  • Bague "Gui AIME LOU", aluminium, réalisée en 1915, puis insérée dans une bague 2 ors par André Rouveyre après 1940.
  • Cuivre
Fragment de la bague exécutée par Apollinaire pour Lou, dans les tranchées à partir d'un éclat d'obus, portant l'inscription "Gui AIME LOU".

Émouvante relique, témoignage de l’amour d’Apollinaire pour Lou.
Tour de doigt : 52.5.
Guillaume Apollinaire la confectionna au front le 12 avril ou le 30 juillet 1915. En 1940, Lou l’offre à André Rouveyre, son parent et l'un des amis les plus proches d'Apollinaire (voir lettre du 5 février 1940, lot 130). Rouveyre l'a fait alors insérer à l'intérieur d'une bague aux 2 ors : plaque en or jaune portant l'inscription "Gui aime Lou" et anneau en or rose avec l'inscription suivante gravée : "Relique de Guillaume Apollinaire (1915) donnée par Louise de Coligny à André Rouveyre (1940)".



Apollinaire réalisa deux bagues pour Lou, toutes deux portant l’inscription "Gui aime Lou". Lou les évoque dans sa lettre à Rouveyre de 1940, bien qu’elle semble les confondre. D'abord cette bague, qu’elle porta, comme en témoigne son usure et qui est la plus touchante : "celle que j’aimais mais qui est très abimée" écrit-elle à Rouveyre (qui la préserva en la faisant remonter dans cette bague en or). Ensuite, une autre bague en forme de serpent, qu’elle refusa de porter ayant : "une superstition à porter un serpent".



Dans ses lettres à Lou, ainsi que dans celles qu’il écrit du front que ce soit à Madeleine ou à Max Jacob, il est souvent question de ces bagues "taillées dans un métal d’effroi".



En 1915, on ne compte pas moins de 30 mentions à ces bagues dans ses Lettres à Lou.
Apollinaire les évoque pour la première fois dans un poème envoyé de Mourmelon-le-Grand, daté du 6 avril 1915, alors qu’il vient d’arriver au front : "Quelqu’un lime une bague faite avec l’aluminium qui se trouve dans la fusée des obus autrichiens". Il conçoit alors l’idée de lui faire une bague. Le 7 avril : "On passe le temps à faire des bagues. Envoie-moi la mesure de ton annulaire, j’en ferai une très jolie avec une belle devise". Le 8 avril : "Envoie-moi la mesure de ton annulaire pr te faire une bague". Le 9 avril : "Ce matin tous les hommes ont couru chercher les fusées dans l’espoir d’en trouver en aluminium pour les bagues, mais toutes les fusées étaient en cuivre, déconvenue". Le 10 avril : "Il faut que je reçoive, ô mon Lou, la mesure exacte de ton doigt car je veux te sculpter une bague très pure dans un métal d’effroi" (expression reprise dans la lettre de 1940). Et en marge de celle-ci : "c’est très sérieux, envoie le diamètre de ton annulaire en millimètre". Le 13 avril : "Le 12 avril 1915 un agent de liaison traversait au galop un terrain découvert puis le soir venu il grava sur la bague Gui aime Lou" (lettre vendue dans la collection R et BL, Sotheby’s Paris, 7 octobre 2014, lot 20). Le 20 avril : "Les fantassins font tous des bagues pr leur femme, leur bonne amie, pour les officiers. Je t’enverrai la mienne dès que t’auras déménagé". Le 21 avril : "Aujourd’hui t’envoie la bague". Le 30 avril : "Lou n’a-t-elle pas reçu la bague ?". Le 6 mai : "As-tu reçu la petite bague ?". Le 7 mai : "Non, pas reçu lettre sur la bague... perdue !! [...] J'attends la mesure de ton doigt". Le 8 mai : "Non, ptit Lou, il y a sur la bague quelque chose de plus gentil encore et c’est "Je t’aime, Lou" […]. Envoie vite la mesure de la bague – mais garde aussi la première". Le 17 mai, à la suite du poème, sous forme de post-scriptum : "Et la mesure pour la bague ?…". Le 19 mai : "La mesure de ton annulaire je crois que tu peux la prendre toi-même au moyen d’un fil de soie plusieurs fois enroulé autour de ton doigt et noué". Dans la seconde lettre du 22 mai : "Veux-tu que je te fasse une bague oui ou non ?". Le 31 mai : "Bien pour la bague, j’attends la mesure. C’est quand tu voudras… tu sais !... Je ne t’en veux pas". Le 22 juin : "Envoie mesure bague". Le 14 juillet : "J’ai cherché la mesure de l’annulaire annoncée. Pas trouvé !". Le 23 juillet, dans le poème :"J’aurai mesure de ta bague...". Le 26 juillet : "Vais faire la bague, ai envoyé un cœur hier". Le 30 juillet : "Je finis la bague, je graverai Gui aime Lou à l’intérieur". (Il reprend donc la même dédicace que celle figurant dans la bague qu’il fabriqua le 12 avril mais ne la décrivant pas plus, la bague proposée dans cette vente peut donc également être celle-ci). Le 2 août : "J’ai envoyé maintenant la bague. J’espère qu’elle te plaira. J’ai fait de mon mieux et j’ai eu bien du mal aussi à graver l’inscription qui est à l’intérieur". Le 4 août : "Maintenant donc tu dois avoir des lettres, mon cœur, et la bague". Le 8 août : "Heureux que ce cœur t’ait plu et la bague ?". Le 12 août : "A propos, et la bague ?!!". Lettre non datée, mais du 14 août : "Tu me diras si le cœur d’abord, la bague ensuite sont arrivés en bon état. Pour la bague, je crois que c'est la plus jolie que j'aie faite et même peut-être une des plus jolies qu'on ait faites avec cet aluminium boche. J’y ai mis mon peu de goût et tout mon amour". Le 14 août : "Allons, ptit Lou, écris vite. Dis si t’as reçu la bague". Le 18 août : "Je suis bien content que la bague t’ait fait plaisir [...]. Alors, le ptit serpent t'a plu, tant mieux. Ce qu'il y a d'extraordinaire c'est qu'il n'ait pas dressé en te voyant. Enfin il est raide tout de même quoique enroulé autour de ton doigt. T'as vu ce qu'il y a écrit dedans !". Le 20 septembre, la bague est mentionnée dans L'Adieu au cavalier" (poème qu'il écrivit pour Marie Laurencin, pour Lou et pour Madeleine) avec un vers légèrement différent : "La bague si pâle et polie". Enfin, le 24 septembre 1915, allusion au petit serpent de la seconde bague.



Un dessin d’Apollinaire, légendé par lui : "Le canonnier Debaer limant une bague d’aluminium" figure dans les documents de l’édition des Lettres à Lou (Gallimard, L’Imaginaire, 2004, n° 8).



Apollinaire réalisa donc deux bagues pour Lou, mais également pour Madeleine. Dans L’Adieu au cavalier : "Ah Dieu que la guerre est jolie avec ses chants ses longs loisirs cette bague je l'aie polie le vent se mêle à vos soupirs" (Le Médaillon toujours fermé, collection R et BL, Sotheby’s Paris, 7 octobre 2014, lot 11) et, le 11 août 1915, il écrit au dos d’un portrait du général Joffre : "Vous m’attendez ayant aux doigts de pauvres bagues en aluminium pâle comme l’absence et tendre comme le souvenir métal de notre amour métal semblable à l’aube ô Lettres chères lettres".
"Ce poème fait ici référence aux bagues qu’Apollinaire envoie à Madeleine, et qu’il a fabriquées avec des morceaux d’obus" (Laurence Campa).



Dans une lettre d’Apollinaire à Max Jacob, il est également question d’une bague offerte à Picasso : "Mon cher Max, Il est bien singulier que Pablo n’ait pas reçu la bague car il y a environ un mois que je l’ai envoyée" (lettre du 14 mars 1916, citée par Marcel Adéma).



Exposition : cette bague a figuré à l'exposition André Rouveyre, entre Apollinaire et Matisse, B.H.V.P., 1995, n° 310 avec la description suivante : "Bague en or fabriquée par Apollinaire pour Lou pendant la guerre et offerte par elle à Rouveyre".



[On joint :]
Carte postale représentant Lou dans un avion, légendée "La Comtesse L. de Coligny-Chatillon sur Deperdussin". Au dos de la carte, une annotation manuscrite à l'encre "vers 1910 ?".



Provenance : Louise de Coligny-Châtillon, dite Lou. -- André Rouveyre. -- Succession André Rouveyre.



Références : Guillaume Apollinaire, Lettres à Lou, Gallimard, coll. "L’Imaginaire", 2004, lettres n° 115, 116, 117, 119, 120, 123, 130, 131, 143, 147, 148, 149, 159, 161, 165, 173, 185, 192, 193, 194, 195, 196, 197, 198, 200, 202, 203, 204, 209 et 211 et document n° 8. -- Guillaume Apollinaire, Lettres à Madeleine. Tendre comme le souvenir. Edition revue et augmentée par Laurence Campa, Folio, 2006. -- Marcel Adéma, Guillaume Apollinaire le mal-aimé. Plon, 1952, p. 214. -- Bibliothèque R et BL IV, 7 octobre 2014, lots 11 et 20. -- André Rouveyre, entre Apollinaire et Matisse, B.H.V.P., 1995, n° 310.

Condition

Bague testée 2 ors (18 carats)
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