Lot 32
  • 32

Statue d'ancêtre Uli, Aire Mandak, Centre de la Nouvelle-Irlande

Estimate
700,000 - 1,000,000 EUR
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Description

  • Statue d'ancêtre Uli, Aire Mandak
  • Wood, shell and pigment
  • haut. 140 cm
  • 55 1/8 in

Provenance

Acquis par Wilhelm Wöstrack dans le village de Lévinko, entre 1904 et 1908
Linden-Museum, Stuttgart (inv. n° 55 685), 26 février 1908
Ernst Heinrich, Stuttgart-Bad Cannstatt
Serge Brignoni, Zollikofen
Jensen Collection
Dr V. L. Wilson
Sotheby's, Londres, 20 novembre 1967, n° 50
Henri et Hélène Kamer, Paris
Collection privée
Lance et Roberta Entwistle, Londres
Collection Frum, Toronto

Literature

Uli, carnet inédit n° X, Augustin Krämer, 1908
Krämer, Die Malanggane von Tombara. Munich: Georg Müller, 1925, p. 29, n° 3
Gifford, The Iconology of the Uli Figure of Central New Ireland. Ph.D. dissertation. New York, Columbia University, 1974, fig. 119 

Catalogue Note

Wilhelm Wostrack et la statuaire Uli
Par Vicky Barnecutt

Le 26 février 1908, alors que les musées ethnographiques allemands, en particulier ceux de Berlin, Liepzig, Stuttgart et Dresde, se livraient à une intense compétition pour l’enrichissement de leurs fonds, le Uli Wostrack-Krämer entra dans les collections du Linden Museum de Stuttgart, sous le numéro d’inventaire 55685.

Chargé de la gouvernance allemande dans les régions Centre et Sud de la Nouvelle-Irlande, l’officier de district Wilhelm Wostrack, originaire de Stuttgart, avait été sollicité en 1904, par le Comte Graf von Linden pour collecter des œuvres destinées au musée ethnographique de la ville.
Wostrack était chargé d’instaurer, dans les villages, une taxe visant tous les hommes adultes, les contraignant ainsi à prendre part à l’économie coloniale. Mise en application en 1907, cette taxe devait les encourager à travailler la terre afin d’accroître les surfaces agricoles, ou à faire commerce d’objets et de produits agricoles avec les marchands, propriétaires terriens, missionnaires, ou tout autre personne monnayant le mark. Sa position et sa connaissance des villages lui donnèrent un accès privilégié et inégalé aux richesses matérielles et culturelles de la région.

Dès 1904, Wostrack s’établit à Namatanai, dans la région centre de la Nouvelle-Irlande où s’était épanouie la tradition de la statuaire Uli, dont il collecta six pièces acquises possiblement en paiement de la taxe, ou auprès de résidents étrangers. À la statue présentée ici, s’ajoutèrent, aux envois de 1908 pour le Linden Museum, une autre figure Uli (inv. n° 55689), un tambour lunet à frottement, un crâne surmodelé ainsi que deux coiffes à plumes.

La tradition de la statuaire Uli s’est exclusivement épanouie dans le centre de la Nouvelle-Irlande, au cœur d’une région reculée située au nord-ouest du plateau de Lelet. Si, en 1909, Krämer avait assisté à la réalisation d'une sculpture Uli, à proximité du village de Lamasong, les rituels liés à leur usage avaient largement disparu en 1914. Selon les recherches qu’il mena durant les sept mois de son expédition en Nouvelle-Irlande, les statues Uli évoquaient des chefs de clans ancestraux – leurs attributs hermaphrodites reflétant les qualités de force et d’agressivité, ainsi que le pouvoir nourricier et de protection, requis chez un chef. Ces œuvres constituaient un patrimoine, chaque statue étant transmise de génération en génération et utilisée périodiquement au cours de cérémonies commémoratives dédiées aux anciens chefs de clans.

Les quelque 220 statues Uli  répertoriées à travers le monde, collectées pour la plupart entre 1907 et 1914, ont été divisées selon une typologie fondée sur leur posture et leur style. Aux onze types identifiés par Augustin Krämer en 1925 se sont ajoutées cinq variantes identifiées par Michael Gunn.
En 1925, Krämer classa le Uli de la collection Frum dans l'une des catégories les plus rares et dont il constituerait la référence : les selamlúngin antelóu, catégorie caractérisée par la présence, devant le torse du personnage principal, d’une petite statue d’apparence très semblable, tenue par le cou. À la puissance remarquable de la tête et du corps trapu s’ajoute la force de l’expression – regard perçant, bouche grimaçante, dents et barbe rehaussés de noir – soulignant les qualités traditionnelles du guerrier. La haute tête bombée est dominée par une crête évoquant la coiffe en plumes réservée aux hommes de haut rang.

 

Le Uli Wostrack-Krämer et les carnets inédits d'Augustin Krämer

Par le Dr Jean-Philippe Beaulieu
Directeur de Recherche CNRS

« L’art produit dans l’archipel Bismarck est le sommet du développement originel de l’art sur la Terre », Augustin Krämer, 1925

Avant le départ d’Augustin Krämer, qui mena l’expédition navale allemande de novembre 1908 à juin 1909 en Nouvelle-Irlande, le Comte Linden lui confia les photographies de huit Uli. Parvenus à Stuttgart et considérés comme les chefs-d’œuvre du corpus, ils avaient été collectés entre 1904 et 1908 par le gouverneur Albert Hahl, les administrateurs coloniaux Wilhem Wostrack, Franz Boluminski et le représentant de la compagnie Hersheim, Max Thiel. Ces clichés figurent à la fin du carnet intitulé « Uli », l’un des quinze inédits à ce jour, documentant les recherches de Krämer (Beaulieu, Uli, 2014, à paraitre). Les commentaires y sont rédigés à l’encre ou au crayon, au gré des entretiens avec les informateurs, tandis que le nom du village de collecte, s’il est connu, est inscrit à l’encre au bas de la page de droite. À la suite du Uli de la Fondation Beyeler, puis celui de la collection Jacques Kerchache, apparaît sous le numéro 7, le Uli de la collection Frum, collecté par Wostrack dans le village de Lévinko, entre 1904 et 1908. Parmi les mots renseignant l’œuvre figurent notamment « Selambungin Antelou », « Lorong » (chef ), « agangkali » (peinture faciale), ou encore « aalandik » (ceinture de corail).

La dernière grande cérémonie Uli eut probablement lieu à Lamasong, en 1905. Selon les informations recueillies par Krämer, cette cérémonie, organisée par le chef Lipiu, rassemblait dix Uli présentés par les chefs de dix villages en l’honneur d’un chef éminent. Parmi les noms des dix chefs listés dans les carnets de Krämer figure celui de Longgat – patronyme identique à celui du chef de Lévinko décédé quelques mois avant le passage de Krämer en avril 1909. Il est vraisemblable que le Uli Frum a été l'un des dix présentés à Lamasong en 1905, peu avant sa collecte par Wostrack.

Le Uli " Wostrack-Krämer " s'impose comme l'un des chefs-d’œuvre emblématiques du corpus. S'y ajoute sa très rare documentation, le sortant dès lors de l'anonymat pour occuper une place majeure dans l'histoire des arts de la Nouvelle-Irlande.   

 

Wilhelm Wostrack and uli Figures
Vicky Barnecutt

The Wostrack-Krämer uli was accessioned into the Linden Museum in Stuttgart on 26th February 1908 (registration number 55685), a time of intense competition for such objects between German ethnological museums, particularly those in Berlin, Leipzig, Stuttgart and Dresden. The figure was collected by Wilhelm Wostrack, a native of Stuttgart, who was asked in 1904 to collect objects for the city’s ethnographic collection by Graf von Linden, the founder of the eponymous museum.

As the District Officer stationed at Namatanai, Wostrack was responsible for imposing German rule over central and southern New Ireland. His knowledge of and access to villages on the east coast of central New Ireland was unsurpassed, particularly as he was responsible for implementing the head tax in 1907. This compelled all adult men to engage in the colonial economy as they needed cash to pay the tax. The intention was to encourage men to work as labourers on the expanding plantations, but they could also earn money by selling artefacts and garden produce to traders, plantation owners, missionaries or anyone else with access to German currency. Wostrack may have accepted artefacts in payment for the head tax, and he may have purchased artefacts from other foreign residents as well. His position of power and the timing of his work in New Ireland gave him unsurpassed access to the wealth of central New Ireland’s material culture.  Wostrack appears to have collected six uli figures. The objects he sent to the Linden Museum in 1908 included another uli figure, 55689, a lunet rub drum, an overmodelled skull and two feather headdresses.

Uli figures were produced in central New Ireland, in an inland area just to the northwest of the Lelet Plateau. Krämer observed uli figures being carved in 1909 near Lamasong village, but both the carvings and the rituals and ceremonies surrounding their use had largely disappeared by 1914. Krämer’s research, conducted during a seven month visit, suggests that these figures were images of ancestral clan leaders, with their hermaphroditic features embodying the traits of strength and aggression, as well as nurture and protection, required of a leader. They were heirloom objects, passed down from generation to generation and used in cycles of ceremonies commemorating the ancestral clan leaders.

There are around 220 uli figures in collections today, most of which, where the date of collection is known, were collected between 1907 and 1914. The figures were first classified by Augustin Krämer, based mainly on their posture and design. Krämer identified eleven different kinds of uli figure, and Michael Gunn has added a further five categories. In 1925 Krämer identified the uli from the Frum collection as the reference piece for one of the rarest categories: selamlúngin antelóu, where a full smaller figure is held in front of the torso of the main figure. The remarkable power of the head and the squat body are complemented by the staring eyes and grimacing mouth, complete with blackened teeth and beard, which represent traditional warrior virtues. The high, domed head has a well-defined crest on top of his hair; this crest probably depicts a type of feathered headdress formerly worn by men of status.

The Wostrack-Krämer uli and Augustin Krämer's Unpublished Notebooks
Dr Jean-Philippe Beaulieu
Research Director, CNRS

"The art of the Bismark Archipelago is the pinnacle of the development of original art on earth" Augustin Krämer, 1925

Before he departed as leader of the German Naval Expedition in New Ireland from November 1908 to June 1909 , Augustin Krämer was presented with photographs of eight uli by Graf von Linden. Recently arrived in Stuttgart and considered the masterpieces of the corpus, these uli were collected between 1904 and 1908 by Governor Albert Hahl, the colonial administrators Wilhelm Wostrack and Franz Boluminski, and the representative of the Hersheim Company, Max Thiel. These pictures are at the end of the book entitled "Uli" one of fifteen unpublished notebooks which document Krämer's research (Beaulieu, Uli, 2014, forthcoming). Comments collected during interviews with informants are written in ink or pencil, while the name of the village where the uli was collected (if known) is written in ink at the bottom of the right-hand page. Following the uli in the Fondation Beyeler and the uli from the collection of Jacques Kerchache, the uli from the Frum collections appears as number 7, which was collected by Wostrack in the village of Lévinko between 1904 and 1908. Among the words relating to the figure particularly notable are "Selambungin Antelou", "Lorong" (chief), "agangkali" (face painting) and "aalandik" (coral belt).

The last major uli ceremony was probably held in Lamasong in 1905. According to information gathered by Krämer, this ceremony, organized by the chief Lipiu, gathered together ten uli, presented by the heads of ten villages in honour of an eminent chief. Amongst the names of the ten chiefs listed in Krämer's notebooks is that of Longgat - a patronymic identical to that of the chief of Lévinko, who had died a few months before Krämer's visit in April 1909. It is likely that the uli from the Frum collection was one of the ten presented at Lamasong in 1905, shortly before it was collected by Wostrack.

The "Wostrack-Krämer" uli is one of the masterpieces of this iconic corpus. Its very rare documentation lifts it out of anonymity to occupy a major place in the history of the art of New Ireland.