PF1315

/

Lot 3
  • 3

Nicolas de Staël

Estimate
800,000 - 1,200,000 EUR
Log in to view results
bidding is closed

Description

  • Nicolas de Staël
  • Temple sicilien
  • porte le cachet de l'atelier au dos
  • huile sur toile
  • 73 x 100 cm; 28 3/4 x 39 3/8 in.
  • Exécuté en 1953.

Provenance

Acquis directement auprès de l'artiste et transmis par descendance au propriétaire actuel

Exhibited

Saint-Paul, Fondation Maeght, Nicolas de Staël, Rétrospective de l'oeuvre peint, 2 juillet - 22 septembre 1991 ; catalogue, no.50, illustré en couleurs
Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, Nicolas de Staël Retrospectiva, 7 octobre - 2 décembre 1991 ; catalogue, no.50, illustré en couleurs 

Literature

Jacques Dubourg & Françoise de Staël, Nicolas de Staël : Catalogue Raisonné des peintures, Paris, 1968, p.274, no.647, illustré
Françoise de Staël, Nicolas de Staël, Catalogue raisonné, Neuchâtel, 1997, p.479, no.730, illustré en couleurs

Condition

The colors are fairly accurate in the catalogue illustration although the overall tonality is brighter in the original work. Also, the image does not fully convey the richness of the impasto. This work is executed on its original canvas and is not relined. Four hairlines cracks located 20 cm from the lower edge and 4 cm from the left edge are only visible under very close inspection. Under UV light, there is no evidence of any retouching. This work is in excellent condition.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

Nicolas de Staël, 1954 © D.R.

Temple d'Agrigente, Sicile © D.R.

 

 

« Au printemps, Tipasa est habitée par les dieux et les dieux parlent dans le soleil et l’odeur des absinthes, la mer cuirassée d’argent, le ciel bleu écru, les ruines couvertes de fleurs et la lumière à gros bouillons dans les amas de pierres. »  (Camus, Noces)

Temple sicilien a cette respiration large, profonde, lumineuse. Peint en 1953, au retour du périple en  Italie, l’œuvre est gorgée des expériences optiques et sensorielles que Nicolas de Staël éprouve en Sicile. De ce séjour entrepris à la fin de l’été 1953 et qui le mène de Naples à Rome en passant par Syracuse et Agrigente, Staël rapporte images, sensations et carnets de dessins : « Je roule de France en Sicile, de Sicile en Italie, en regardant beaucoup de temples, de ruine ou pas, des kilomètres carrés de mosaïques et à part la nage dans toutes les mers, je ne fais rien, sinon quelques croquis. Le point culminant fut Agrigente et le musée de Syracuse. » (lettre à Jacques Dubourg, Rome, septembre 1953, in Françoise de Staël, Nicolas de Staël, catalogue raisonné de l’œuvre peint, Suisse, 1997, p.1114)

De retour en France, Nicolas de Staël commence à peindre dans l’atelier de Lagnes des paysages mnésiques. Temple sicilien est l’une des toutes premières toiles d’une suite fulgurante et magistrale comprenant à peine une trentaine d’œuvres.

A la violence et la saturation des couleurs de la plupart des œuvres peintes au retour d’Italie – comme si elles avaient absorbé l’ardeur du soleil sicilien - , Temple sicilien est une des rares toiles où les couleurs - extrêmement lumineuses - sont claires. Là, les tons sont rompus et les contrastes accusés. Ici, flotte au contraire une harmonie sereine et sensuelle : car si la présence des couleurs est vive à la surface de la toile, chacune est vacillante et frangée de vide. Comme extraits des Métamorphoses ou d’une mythologie courtoise, les pans de couleurs flirtent les uns avec les autres : tous les bleus d’Eole et le rose de la nymphe Déiopée ; le jaune vif d’Apollon et le vert tendre de Cyparisse ; les bruns d’Hadès et les blancs dorés de Perséphone ; les ocres sensibles d’Orphée et Eurydice. Dans Temple sicilien, tout se passe comme si le rapport au ton local se dissipait au profit de correspondances dont la source serait un panthéisme diffus.

Consubstantielle à la couleur, la matière est puissante. En plus d’être un espace qui possède la justesse changeante de la couleur, Temple sicilien est un espace construit où les formes procèdent de la texture même de l’œuvre.
Chargées de matière, les surfaces sont construites au couteau à palette voire à la truelle. Cette épaisseur physique dont Nicolas de Staël est l’inventeur, suggère une densité d’un autre ordre : un ordre où règnent en même temps qu’ils semblent se résoudre, les antagonismes les plus fiévreux. Dans Temple sicilien, l’ambiguïté est sous-jacente. Si l’épaisseur de la couche picturale a l’illusion de la rugosité des pierres millénaires du temple, le bleu et le rose, le jaune et le vert ont le même apprêt. Sous l’épaisseur de la matière maçonnée, des transparences énigmatiques sourdent. Dans Temple sicilien, le ciel a la chaleur des pierres. Les pierres ont une respiration.
Tantôt juxtaposées tantôt imbriquées, les surfaces très en matière distribuent effectivement l’espace. Dans Temple sicilien, il y a simultanément confusion des plans et maintien d’une ampleur empruntant tant aux lois enfouies de la perspective géométrique qu’à celles de la perspective atmosphérique. Ainsi, à la verticalité rythmique des rectangles de la colonnade, s’oppose l’horizontalité vaste des éléments supérieurs et inférieurs. Démiurgique, le choc des axes se résout dans un large équilibre. Mais l’équilibre est en limite de rupture, pris entre le vibrato des masses et le sfumato matiériste.

Entre rémanence et mirage, Temple sicilien est une œuvre où triomphe l’art allusif de Nicolas de Staël. Il est lieu de peinture pure où la fusion de la figuration et de l’abstraction échappe à l’humain.