PF1315

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Lot 15
  • 15

Simon Hantaï

Estimate
500,000 - 700,000 EUR
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bidding is closed

Description

  • Simon Hantaï
  • m.a.5 (Mariale)
  • signé, titré et daté 1960; signé, titré et daté 1960 au dos
  • huile sur toile
  • 233 x 212 cm; 91 3/4 x 83 1/2 in.

Provenance

Galerie Jean Fournier, Paris
Collection Claude Berri, Paris
Collection Particulière, Paris

Exhibited

Paris, Galerie Kléber, Simon Hantaï : peintures mariales, 1962
Paris, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, La Peinture après l'abstraction, 1955 - 1975, 1999; catalogue, p.82, illustré en couleurs

Literature

Maklary Kalman, Simon Hantaï, Volume 2, 1960 - 2001, Budapest, 2013, p.86, illustré en couleurs

Condition

The colors are fairly accurate in the catalogue illustration, although the overall tonality is softer compared to the catalogue illustration. The image in the catalogue illustration does not fully convey the richness of the relief. Under UV light inspection, there is no evidence of any retouching. All due to the artist process, few hairline cracks are only visible under very close inspection. This work is in excellent condition.
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Catalogue Note

Carton d'invitation de l'exposition Simon Hantaï - peintures mariales, Paris, Galerie Kléber, 25 mai-juin 1962. © D.R. 

Liste manuscrite des Mariales établie par Simon Hantaï vers 1962. © D.R.

Simon Hantaï, 1968 © Edouard Boubat

Apparues en 1960 dans la solitude de l'atelier, les Peintures Mariales de Simon Hantaï inaugurent un changement radical dans le cheminement de l'œuvre de l'artiste. Monumentales et majestueuses, ces quelques très rares œuvres sont une rupture littéralement inouïe qui déterminera le travail de l'artiste pour les décennies à venir.

Rareté parmi les raretés, la peinture m.a.5 fait partie de la première série historique (m.a.) des Mariales dont une liste manuscrite établie par Hantaï donne le répertoire précis : réparties en 4 groupes (m.a. , m.b. , m.c. , m.d.), l'ensemble des Mariales ne compte pas plus de 27 œuvres. Les m.a. ne sont pas plus de huit, dont la m.a.5 exposée en 1962 à la Galerie Kléber, chez Jean Fournier, le galeriste historique de l'artiste.

Genèse et premier acte du pliage entendu ici non encore comme méthode mais comme expérience, les Mariales sont du jamais vu. Exceptionnel moment de l’histoire de l’art où manière de faire et expression nouvelles s’incarnent dans la beauté, les Mariales sont l'égal de l’autre grand moment de peinture qui le précède immédiatement, celui de Jackson Pollock. Tout d'abord froissées de bord à bord, les toiles des séries m.a. et m.b. ne sont jamais aplanies mais peintes sur les seules parties accessibles au pinceau, ensuite défroissées et peintes sur le restant des parties jusqu'alors en réserve. De ce rapport sans précédent à la toile, de ce corps à corps dicté par une instance supérieure - l’inspiration -, il résulte un all over tout à fait inédit.

Ce rapport incomparable d’Hantaï avec la toile révèle une œuvre d’une éblouissante facture, une peinture où s’inventent en même temps qu’elles se déploient une géographie et une topographie tout de creux et de reliefs. De quelle autre œuvre pourrait on-dire que la matière se situe quelque part entre l’aridité surnaturelle d’un désert et la richesse des brocards d’or dont est faite l’étoffe des manteaux de la Vierge (mariales)? Dans la texture même de ces toiles grandioses, il semblerait que la distance et l’impossibilité d’un rapport organique entre peinture et représentation soient ici pour la première fois abolie. Car si ça ne veut rien représenter, ça donne à voir le tout et l’évidence organique d’un monde, une nature qui se suffit à elle-même. Et cette nature, c'est la possibilité de la peinture même, l'être de la peinture, la picturalité pure. Les papiers découpés de Matisse avaient ouvert la voie d’un art qui suggère un espace plus grand, un véritable espace plastique. Avec les Mariales, nait un espace plastique qui donne le vertige : ce vertige, c’est celui de l’ampleur ininterrompue de l’histoire de la peinture occidentale et des révolutions à cran d’arrêt de l’art contemporain.

A l’exceptionnelle manière (le pliage) et matière (qui procède de la première et la transcende), il faut ajouter la couleur. Car Hantaï est un très grand coloriste. Et la couleur est la seule à distinguer les Mariales - toutes de grand format-  les unes des autres. Oscillant entre incandescences de brun et mordorures vert-bronze, m.a.5 est exemplaire de cette maitrise et de cette réinvention chromatique. Ici on pourrait rappeler une curiosité de l'histoire : à la fin de l’année 1962, soit six mois après l'exposition des Mariales, le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris présente la première rétrospective de Mark Rothko en France. A quelques mois d’écart, on pouvait donc voir l'autre grand espace post-matissien où la lumière du tableau émane de la couleur et vice versa : une lumière venant non du tableau mais du dehors et de très loin derrière lui, remontant des profondeurs de la peinture pour se diffuser infiniment et remplir le vide qui l'entoure. Mais le rapport entre deux des plus grands artistes contemporains s'arrête aussitôt. Le génie propre de Hantaï inventant les Mariales, c'est de sculpter la toile dans et avec la couleur : simultanément. La couleur ne vient plus à nous mais s'échappe du relief de la toile froissée qui l'a absorbée comme elle a absorbé la lumière pour la rediffuser à travers un nouveau spectre. Ressenti unique qui ne tient qu'à l'unicité de la méthode où le tout du tableau se fait dans le même temps. 

"Lignes, formes, couleurs réunies en un seul geste" : ce geste inouï, c'est celui que seul Simon Hantaï a su accomplir à partir des Mariales. M.a.5 est l'une des rares empreintes de cet accomplissement : augural et intemporel.