PF1315

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Lot 13
  • 13

Joan Mitchell

Estimate
1,500,000 - 2,000,000 EUR
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bidding is closed

Description

  • Joan Mitchell
  • La Grande Vallée XIII
  • signé
  • huile sur toile
  • 279,4 x 200 cm; 110 ½ x 78 ¾ in.
  • Exécuté en 1983.

Provenance

Galerie Jean Fournier, Paris
Acquis auprès de celle-ci par le propriétaire actuel (1984)

Exhibited

Paris, Galerie Jean Fournier, Joan Mitchell - La Grande Vallée, 29 mai - 15 juillet 1984
New York, Whitney Museum of American Art, The Paintings of Joan Mitchell, 20 juin – 29 septembre 2002; itinérante, Birmingham (Alabama), Birmingham Museum of Art, 27 juin - 31 août 2003; Fort Worth (Texas) Modern Art Museum, 21 septembre 2003 - 7 janvier 2004; Des Moines (Iowa), Des Moines Art Center; Washington D. C., The Phillips Collection, 14 février - 16 mai 2004; catalogue, p.174, no.48, illustré en couleurs

Condition

The colours are fairly accurate in the catalogue illustration. The illustration does not convey the richness of the impasto. The work is executed on its original canvas and is not relined. The canvas is mounted on its original stretcher. Few stabilized hairline cracks are visible under close inspection in the upper left quadrant of the work and near the middle of the right edge in an area of superimposition of colours. Few paint losses are located in the areas of thickest impasto are visible under close inspection. The exact location of these uplifting and minor lacks is available upon request. Few minor dirt marks are visible near the lower edge of the work. Under UV light there is no evidence of any retouching. In our opinion, this work is in very good condition.
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Catalogue Note

Joan Mitchell, La Grande Vallée XIII, détail

Gerhard Richter, Abstraktes Bild, huile sur toile, 225 x 200 cm, 1994 © D.R.

Claude Monet, Bassin aux nymphéas, 1919 © D.R.

Joan Mitchell dans l'atelier de Vétheuil, 1984 © Edouard Boubat

Immense, lumineuse, vibrionnante, La Grande Vallée XIII, fait partie d’un cycle fulgurant et magistral de vingt et un grands formats peints par Joan Mitchell entre l’automne 1983 et l’automne 1984. Traduisant collectivement une vision idyllique où le sentiment de la nature – concentré dans chaque touche gorgée de couleur – se déploie sur la surface grandiose des toiles, les œuvres furent exposées en 1984 à la Galerie Jean Fournier sous le titre Joan Mitchell – La Grande Vallée, deux ans après la première exposition monographique de l’artiste au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris.

Quelle est cette Grande Vallée ? Est-ce cette mystérieuse vallée de Bretagne, accessible aux seuls enfants initiés, dont Gisèle Barreau, l’amie compositeur et poète, révèle à Joan Mitchell, l’existence ? Est-ce la vallée verdoyante de Vétheuil, village voisin de Giverny où Joan Mitchell s’installe en 1967 ? A la différence des paysages de Monet qui fréquenta les lieux, La Grande Vallée XIII ne dépeint pas un lieu-dit : la vallée est assurément grande mais elle n’existe ailleurs que sur la surface transfigurante de la toile. A rebours d’une peinture sur le motif, l’œuvre de Mitchell ne tend pas à capturer une succession de sensations visuelles qui ont des apparences changeantes tôt disparues. L’impression n’est pas la bonne. Elle est  œuvre mnésique réalisée dans le silence du soir de l’atelier. Composée d’une myriade de touches dont la vigueur gestuelle et chromatique est à son comble, La Grande Vallée XIII est le lieu utopique de recueillement d’expériences optiques et sensorielles multiples : un espace hors champ où s’abolissent les horizons : l’espace de l’abstraction.

La Grande Vallée XIII a le souffle des œuvres des leaders de l’Abstraction américaine des années 1950. A cette époque, Joan Mitchell a son atelier à New York ; elle connait bien Pollock ; Willem de Kooning et Franz Kline deviennent des amis et l’accueillent au sein de leur « Artist’s Club ». Dans La Grande Vallée XIII, à travers le jaillissement des couleurs pures associé à une furia formelle qui atteint une cohérence transcendante, l’indomptable autorité des grands Expressionnistes new-yorkais est intacte. Mais Joan Mitchell dépasse cet Expressionnisme historique. Dans le face à face - physiquement intense -  qu’elle livre à la monumentalité des toiles peintes dans l’atelier de Vétheuil, Joan Mitchell ne réalise pas une performance destinée à faire surgir une subjectivité sismographique et spontanée typiquement expressionniste. Elle ne donne pas sa gestuelle à voir pour traduire l’impulsion d’un sentiment enfoui. Son corps à corps avec l’œuvre n’est ni profession de foi ni exutoire infernal. Il est une discipline consubstantielle à l’idée et au besoin qu’elle a de l’art : incarner et manifester la vie. Or, la vie n’est pas tant sa vie intérieure que la vie des objets environnants qu’elle contemple, mémorise, interprète. Joan Mitchell invente donc une nouvelle abstraction : une abstraction qui est le recueillement du monde. Œuvre de maturité, La Grande Vallée XIII donne à voir la flamboyance de ce monde.

« Je porte mes paysages en moi ». Au-delà des grands espaces de son Amérique natale, au-delà des vallées qui entourent la maison de Vétheuil, les paysages de Joan Mitchell sont « cosa mentale » et territoires affectifs. La manière hors du commun qu’elle a de considérer le monde procède d’un lyrisme aussi diffus que puissant. Il est à l’œuvre dans La Grande Vallée XIII où les éclats de bleus, jaunes d’or, rose, verts et vermillons des touches énergiques s’ordonnent comme par magie sur l’espace gigantesque de la toile. Dire que cette oeuvre est d’essence lyrique n’est pas un abus ni une faiblesse de langage. Mitchell est née avec la poésie (sa mère était poète) ; Mitchell vit avec la poésie (les recueils sont partout dans la maison de Vétheuil). Mais ce qu’il y a d’exemplaire et de sublime dans son œuvre, dans La Grande Vallée XIII en particulier, c’est que ces poésies intimes fusionnent avec une nature qui est un espace-temps continu et holistique. De ces expériences existentielles, il résulte ce que Mitchell nomme si joliment dans sa langue maternelle : le feeling. Eclatante, merveilleuse, La Grande Vallée XIII est le feeling fait art.