PF1209

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Lot 57
  • 57

Jean-Etienne Liotard

Estimate
300,000 - 400,000 EUR
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bidding is closed

Description

  • Jean-Etienne Liotard
  • Portrait de Mademoiselle Louise Jacquet
  • Pastel

Provenance

Offert par le modèle aux ancêtres de l'actuel propriétaire.

Exhibited

Académie de Saint Luc, Paris, 1752, n°70

Literature

F. Tronchin, Voyage dans le Midi de la France en 1769, manuscrit, archive Tronchin n°196, cité
E. Humbert, A. Revilliod, J. Tilanus, La vie et les oeuvres de Jean-Etienne Liotard, Amsterdam 1897, cité p.208
N. Trivas, sans titre, monographie et catalogue de l'oeuvre de Liotard (1936), préfacé et daté, Amsterdam, 1938, cité n°153
R. Loche – M. Roethlisberger, L'opera completa di Liotard, Milan Rizzoli, 1978, cité n°146;
N. Jeffares, Dictionary of pastellists before 1800, Londres, 2006, p. 344;
M. Roethlisberger – R. Loche, Liotard, catalogue sources et correspondance, Davaco, 2008, cité Tome I, p.428, cité n°241;
N. Jeffares,Liotard by M. Roethlisberger and R. Loche reviewed by Neil Jeffares in Burlington Magazine, Mai 2009, vol. CLI, no. 1274, p. 323

Condition

The condition report has been provided by Jean-François Sainsard, restorer of works on paper The work: The pastel is in overall very good condition and has never been restored. We can notice some damages: - Some slight scratches in the background - Some specific stable humidity dots in the lower part of the work (result of Mycélium) - One little brown dot very peripheral in the lower left corner. The mount: - Probably original, the paper who constitute the mount are oxydized and don't assume their protection role anymore. - The fixing of the work to the frame are really old and failing and there is no raise between the work and the frame. Advise: - change the mount and use neutral material - realise a raise in between the work and the glass - Slight cleaning, retouch of the humidity dots - Retouch, if wanted, of the slight scratches and the brown dot in the lower left part.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

Ce pastel inédit de Jean-Etienne Liotard est une redécouverte importante dans le corpus d'œuvres répertoriées de l'artiste. En effet il s'agit de l'un des portraits représentant un modèle français identifié réalisé par l'artiste lors de l'un de ses voyages en France.

Genevois d'origine, Jean-Etienne Liotard suivit une formation de miniaturiste et d'émailleur d'abord en Suisse puis en France chez Jean Baptiste Massé où il s'essaya aussi à la gravure. Fort de cette formation, le jeune peintre qui s'ennuyait dans l'atelier de son maître partit pour l'Italie (1735). Il y rencontra alors le chevalier Ponsonby qui lui proposa de l'accompagner dans son voyage à Constantinople afin d'y dessiner les costumes et les personnages qu'ils vont rencontrer. Dès lors il ne cessera de voyager Turquie, Grèce, Moldavie, où il est invité par le prince pour peindre la famille royale, Autriche, Allemagne, Suisse, Royaume-Unis, Pays-Bas, Italie, France... Au cours de sa carrière, Liotard vint à Paris pour trois longs séjours et s'arrêta de temps en temps dans la capitale française sur le chemin d'un autre voyage.
Le portrait de Mademoiselle Jacquet a été réalisé lors de son second séjour à Paris (1748-1752). Lorsqu'il arriva à Paris en 1748, Liotard était déjà très célèbre, il portraitura d'ailleurs la famille royale en 1749. Fort de cette commande de nombreux courtisans ou personnages influents de l'époque souhaitèrent être portraiturés par l'artiste dont Mme de Pompadour ou encore Voltaire mais aussi des gens du théâtre tels que Marivaux ou la grande actrice Madame Favart. Il est intéressant de noter que le portrait de Mademoiselle Jacquet, elle aussi actrice, a été commandé au peintre à la même époque. Le second séjour parisien est l'époque la plus faste pour Jean-Etienne Liotard. Les commandes de la famille royale française et celles du Maréchal de Saxe sont prestigieuses. Le portrait de Mademoiselle Jacquet s'intègre parfaitement dans la production de ces années. Alors qu'en 1751 le pastelliste n'exposa que sept pièces au Salon de l'Académie de Saint Luc il exposa trente pastels, considérés par lui comme particulièrement exemplaires, dont les portraits de la famille royale, le portrait du Maréchal de Saxe et celui de mademoiselle Jacquet.

L'œuvre que nous présentons est réalisée au pastel, la technique de prédilection de l'artiste. Liotard se savait très bon dans la maîtrise du pastel et alla jusqu'à écrire de lui-même dans son autobiographie [1] « Sa manière de peindre en Pastel est unique & son coloris très beau, d'un fini & d'une vigueur, que vraisemblablement personne n'ira plus loin que lui dans ce genre de peinture ».
Le premier pastel connu de Liotard date de 1736, lors de son voyage en Italie. L'artiste explique dans son autobiographie [2] qu'il appréciait particulièrement le pastel car il permet de mêler subtilement les couleurs et de retravailler  son sujet sans avoir à le repeindre. Nous ne savons pas exactement comment travaillait l'artiste mais à partir de son second voyage en France, son succès grandissant lui permettait de recevoir les clients directement dans son atelier pour les faire poser. Il portraiturait les gens dans leur ordre d'arrivée aussi n'avait aucun complexe à faire patienter un personnage important s'il était déjà occupé à peindre un fermier général. Certains portraits nécessitaient plusieurs pauses et pouvaient être étalés sur plusieurs mois. Cependant le peintre proposait un format plus ou moins standard sur lequel il reproduisait les personnages de face sans les mains. Pour un prix plus élevé, on pouvait avoir une composition plus travaillée.
Notre portrait est différent et plus délicat que ceux, typiques, de la production courante de l'artiste où il portraiturait ses modèles de face, sans les mains (voir les portraits de la famille de France). Ici, le pastel est légèrement plus grand que ceux de la production courante et il y a une mise en scène. Ce que l'on peut retrouver sur les deux portraits de Madame Favart. L'un la représente chantant une partition qu'elle tient dans sa main (1753, localisation actuelle inconnue), le second la représente jouant de la guitare (1757, Winterthur, Musée Oskar Reinhart Stadtgarten - voir fig.1). Ces deux portraits induisent de par les attributs du modèle sa profession, contrairement à notre portrait où le modèle qui nous regarde avec un air mutin et un regard séducteur, est en train de lire une lettre probablement envoyée par l'un de ses courtisans.
Il n'est pas rare de voir des lettres sur les portraits de Liotard cependant celle-ci est la plus explicite et la seule qui soit, partiellement, lisible. On y trouve quantité de compliments adressés à la demoiselle : « vous savez a quel point je m'intéresse et combien je suis admirateur de vos ... et de vos perfections. » Ce détail implique que ce soit le modèle où l'un de ses admirateurs qui ait choisi le mode ambitieux de la représentation qui ne fait nullement allusion à sa profession de cantatrice.

Nous connaissons assez peu de choses sur Mademoiselle Louise Jacquet, apparemment née le 26 septembre 1722, elle débuta comme cantatrice à l'Opéra (Académie royale de musique) le 10 octobre 1738, puis se retira à Aix-en-Provence avec une pension annuelle de mille livres, perçue encore en 1784 après dix-huit ou vingt ans de service. On répertorie environ une douzaine de rôles d'opéras – créations et reprises – tenus par elle, notamment dans le Platée, de Rameau, dès 1749. Apparemment mauvaise camarade, elle fut la cause du renvoi de la cantatrice Mlle Petit qu'elle avait dénoncé après l'avoir surprise en galante compagnie avec François Armand marquis de Bonnac. On trouve dans le Dictionnaire des cantatrices d'Opéra de Paris un quatrain qui avait été écrit à sa louange :
Jacquet par fon air de gaîté
Animeroit le plus farouche ;
Le plaifir et la volupté
Brillent en fes yeux et fur sa bouche.

L'identité du modèle, qui est toujours restée attachée au pastel, nous est transmise par tradition familiale et nous permet de retracer son historique. En effet, il a été offert directement par le modèle aux ancêtres des actuels propriétaires.
Ainsi on retrouve dans les archives que François Tronchin, grand ami du peintre qui fit son portrait en 1757(voir fig.2), a vu le portrait chez Mademoiselle Jacquet. Dans son manuscrit Voyage dans le Midi de la France en 1769 [3] Tronchin écrivit « chés la Dlle Jaquet, Chanteuse, son portrait par Liottard, très beau ». Tronchin qui était un ami intime du peintre mais aussi un collectionneur de peinture avait reconnu dans ce portrait une grande qualité, peut-être même la plus création de la maturité de l'artiste.

Nous remercions Marcel Roethlisberger qui a confirmé l'authenticité de cette œuvre après un examen direct. Il nous a aussi confirmé qu'il s'agissait bien de l'œuvre répertoriée comme portrait de Mademoiselle Jacquet dans le catalogue raisonné p.428. Nous le remercions aussi de nous avoir aidé dans la rédaction de cette notice.

[1] J.E Liotard, Autobiographie de 1760.
[2] J.E Liotard, « Explication des différents jugements sur la peinture », Mercure de France, nov 1762, p.186
[3] F. Tronchin, voyage dans le midi de la France, manuscrit, Bibliothèque de Genève, archives Tronchin, n°196

 

This beautifully preserved pastel by Jean-Etienne Liotard of Mademoiselle Louise Jacquet, which has descended to the present owners directly from Mme. Jacquet herself and which has thus never before appeared on the art market, was made during one of Liotard's trips to France and counts as a major rediscovery.

Liotard grew up in Geneva and trained as a miniaturist and enameller – first in Switzerland, then in France under Jean-Baptiste Massé, with whom he also studied engraving. However, apparently bored in his master's studio, the young Liotard left for Italy in 1735, where he met Sir William Ponsonby, 2nd Earl of Bessborough, who offered to travel with him to Constantinople, drawing the costumes and characters they met along the way. Thereafter Liotard continued to travel, through Turkey, Greece, Moldavia (where the prince invited him to paint the royal family), Austria, Germany, Switzerland, Great Britain, Holland, Italy – and France. During his career Liotard came to Paris for three lengthy stays, and also stopped off in the French capital from time to time en route for other destinations.
Our portrait of Mademoiselle Jacquet probably dates from his second stay in Paris (1748-52). When Liotard arrived in Paris in 1748 he was already famous. In 1749 he was asked to paint the royal family and, in the wake of this commission, numerous courtiers and other influential figures asked him to do their portraits, ranging from Madame de Pompadour and Voltaire to well-known figures of the theatre such as Marivaux and the great actress Madame Favart. It is thus interesting to note that the portrait of Louise Jacquet, also an actress, was probably commissioned during this period. His second Parisian sojourn marks the most successful period in Jean-Etienne Liotard's artistic career. At this time he received his most prestigious commissions from the Royal family and the Maréchal de Saxe. The quality of Mademoiselle Jacquet's portrait is on a par with Liotard's known output at this date. The 1751 exhibition of the artist's principal masterpieces, held at the Salon de l'Académie de Saint Luc, consisted of only thirty pastels: that of Mademoiselle Jacquet was not only included in the exhibition but it also hung next to Liotard's portraits of the Royal family and of the Maréchal de Saxe, further demonstrating that the artist held the portrait in particularly high regard.

The work to be offered for sale by Sotheby's is drawn in pastel, Liotard's preferred medium. He was well aware of his skill with pastels, and even wrote about himself (in his autobiography): 'His manner of painting in pastel is unique... his colours very fine, with a finish & vigour that probably no one will better in this type of art.' 1
Liotard's first known pastel dates from his trip to Italy in 1736. Also in his autobiography, he explains that he especially appreciated pastel because it facilitated a subtle blend of colours and enabled him to rework a subject without having to repaint it.2 We do not know his precise working methods but, as of his second trip to France, his burgeoning fame entitled him to receive clients, and have them pose for him, in his studio. He worked on his portraits according to the order in which people arrived, and had no qualms about keeping an important figure waiting if he was already busy painting a fermier général (customs official). Some portraits involved several sittings, sometimes spread out over a number of months. Liotard proposed a standard format, involving a frontal view of the sitter, without hands. More detailed compositions were more expensive.

Our portrait, however, differs markedly from these and is executed with a pronounced delicacy. The pastel is slightly larger than Liotard's standard works of this type, and the sitter is unusually lent a context, or mise en scène – similarly to the portraits of Marie-Justine Favart (one, from 1753, whose current whereabouts is unknown, shows her singing from a sheet of music that she holds; the other, from 1757, now in the Museum Oskar Reinhart am Stadtgarten in Winterthur, shows her playing the guitar, cf rep. 1). Both these portraits of Marie-Justine Favart use accessories or props to indicate the sitter's profession – unlike our portrait, in which the sitter looks at us with a mischievous, coquettish smile and holds a letter, probably sent by an admiring courtier.
It is not unusual to find letters in Liotard's portraits, but this one in particular is unusually explicit, and the only one to be partly legible. We can make out a string of compliments addressed to the young lady, such as 'You know how much I am interested in and admire you... and your perfections.' Such details suggest that it was the sitter herself, or one of her admirers, who chose this ambitious mode of representation – one that makes no allusion to her profession as a singer.

We know relatively little about Louise Jacquet. She was apparently born on 26 September 1722, and began her career as a singer at the Opera (Académie Royale de la Musique) on 10 October 1738. She retired to Aix-en-Provence after 18 or 20 years of service, and was still drawing her 1,000-livre annual pension in 1784. She is known to have played around a dozen operatic roles – some of them new to the repertoire – including Rameau's Platée (Plataea) in 1749. She also seems to have been a difficult colleague, and was responsible for the dismissal of another singer, Mademoiselle Petit, after denouncing her compromising behaviour with François Armand, Marquis de Bonnac. The Dictionary of Paris Opera Singers contains a verse in her honour:
Jacquet par son air de gaîté
Animeroit le plus farouche;
Le plaisir et la volupté
Brillent en ses yeux et sur sa bouche.
[Jacquet would arouse even the most timid with her joie de vivre; Pleasure and desire shine in her eyes and on her lips.]

Jacquet's name has always been associated with our pastel; it was offered to the ancestors of the current owners by Louise Jacquet herself. Archives tell us that François Tronchin, a great friend of Liotard's (who did his portrait in 1757 –  see rep. 2), saw the portrait at Mademoiselle Jacquet's home, as revealed by a note in his handwritten Voyage dans le Midi de la France en 1769: 'at Miss Jaquet's the Singer, her portrait by Liottard, very fine.' 3 Tronchin, who was also an art collector, recognized the portrait's great quality, and considered it among Liotard's most accomplished works.

We would like to thank Marcel Roethlisberger for confirming the work's authenticity after personal inspection, and for his help in compiling this entry. He has also confirmed that this is indeed the work listed as Portrait of Mademoiselle Jacquet in the Liotard catalogue raisonné (p. 428).

1 J.E Liotard: Autobiography (1760)
2 J.E Liotard: Explication des différents jugements sur la peinture – Mercure de France, November 1762 (p.186)
3 F. Tronchin: Voyage dans le midi de la France (manuscript) – Bibliothèque de Genève, Archives Tronchin (n°196)