PF1201

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Lot 42
  • 42

Très rare tapis de "La Manufacture Royale de Tapisseries de Turquie et autres Ouvrages du Levant" dite de la Savonnerie, atelier de Simon Lourdet à Chaillot, vers 1630-1632

Estimate
1,800,000 - 2,500,000 EUR
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Description

  • atelier de Simon Lourdet à Chaillot, vers 1630-1632
  • 592 x 386.5 cm
  • 19.42 x 12.68 ft
Le centre du tapis est composé d'un champ à fond jaune et un décor de riches fleurs polychromes. Une bordure intermédiaire le surligne. Une large bordure à fond rouge est ornée aux écoinçons de réserves fleuries et de masques. Chaque petit côté offre une console drapée surmontée d'un panier fleuri tandis que les grands côtés sont ornés de riches enroulements fleuris ; (texture : horizontalement et verticalement environ 40 nœuds /10cm, restaurations de conservation,  réduit en hauteur et largeur, présence d'abrash ou bains de teinture différents)



The middle of the carpet features a rectangular field with a mustard yellow ground with exuberant polychrome flower decoration within a narrow intermediate border. The wide main border has a scarlet ground adorned in each corner with a mask-topped floral escutcheon. Each of the shorter sides features a table-top surmounted by drapery and a basket of flowers; the longer sides are adorned with richly flowering scrolls ; (texture: horizontally & vertically approximately 40 knots/10cm; some restoration; reduced in height and width; presence of abrash through use of different dyes)

Provenance

Cardinal Giovanni Francesco Guidi di Bagno (1578- 1641)

Collection privée américaine

Literature

BIBLIOGRAPHIE :

Cat. expo. Un temps d'exubérance -Les Arts décoratifs sous Louis XIII et Anne d'Autriche, RMN, Grand Palais, avril- juillet 2002, p. 179.

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

P. Verlet, The Savonnerie, Fribourg, 1982, P. 165

Tapis dans le Monde, 1996

 

Condition

This carpet has been very carefully restored and, thus, is in good condition overall. As said in the catalogue, it has been reduced in height (326 cm approx.) and in width (230 cm approx.). However, the flowers pattern looks still consistent. There was probably a small outer border which is now missing and which has been replaced with a narrow beige braid. The texture is quite short-piled, but the velvet is still visible in several places. Some "abrash" (colour variations) can be seen in red areas, due to different dye baths. Nevertheless, this very early Savonnerie work remains the sole example of direct Moghul influence on the production of the famous Parisian carpet manufacture: notwithstanding its prestigious provenance, it embodies the close link that bound together the East and the West in early 17th century.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

Ce tapis est d'une importance capitale puisque son commanditaire a pu être identifié et illustre une période clé des débuts de la manufacture au moment où les liens entre l'Orient et l'Occident sont le plus tangible. Ses couleurs très rares,  jaune et  rouge principalement le situent avant les tapis Louis XIII à fond bleu marine ou brun (noir) comme nous le verrons plus loin. C'est le seul connu à ce jour.

 

Son commanditaire :  le cardinal Giovanni Francesco Guidi di Bagno (1578- 1641)

Né à Florence, évêque en Italie il fut nonce extraordinaire et apostolique en Flandres et en France. De part sa position, il eut un rôle diplomatique éminemment important dans les relations entre le Vatican et la France, fille aînée de l'Eglise. Il fut revêtu de la pourpre cardinalice le 30 août 1627 par le pape Urbain VIII, et heureux hasard, il le fut en même temps que de brillants condisciples comme le futur pape Innocent X et Pierre de Bérulle. Cet ambassadeur du Saint Siège , fin lettré et amateur d'art admira  Descartes ce qui prouve une largesse d'esprit que nombre de ses contemporains ne possèdaient guère.

 

C'est donc un prestigieux commanditaire qui lors d'un séjour en France passe un marché devant notaire avec Simon Lourdet, entrepreneur de la manufacture de la Savonnerie le 18 Janvier 1631 décrit comme suit : « un grand tappis ouvrage de Turquie de la mesme force et finesse et qualité de laynne que l'eschantillon qui a esté veu par mond.seigneur(...)le tout suivant l'ordre et desseing qui a esté faict déllaissé aud. Lourdet » puis « le fond duquel tappis sera jaulne, le fondz de la grande bordure rouge tainct en grayne et les petites bordures des costez seront fondz bleu aveq petites frises(...)les fleurs du carré dud.tappis seront plus grandes que le naturel...(1)

 

Comme prévu le tapis qui faisait 9,16m x 6,20m fut livré un an plus tard en 1632 et payé 2.440 l. Ce sont les débuts de la renommée de la manufacture.

 

 

La Savonnerie vers 1630 : de l'Orient à l'Occident :

Dès 1604, la reine Marie de Médicis promeut l'installation de Pierre Dupont, tapissier, brodeur, enlumineur dans l'enclos privilégié des Galeries du Louvre afin de produire des tapis au point noué dont il connaissait la technique et à laquelle il forme son futur associé et futur ennemi Simon Lourdet. Cette initiative présente l'avantage de freiner les importations couteuses de tapis orientaux et de répondre à une demande croissante de livraisons destinées au roi et à de hauts dignitaires. C'est en 1627 que Louis XIII accorde son privilège confirmé par brevet royal en 1631 par lequel la Savonnerie située à Chaillot devient « manufacture royale de tapisseries de Turquie et ouvrages du Levant ». Ce libellé de la Savonnerie exprime le lien originel technique et décoratif, mais il faut préciser que le Levant signifie ici la Turquie, la Perse, l'Inde...source d'inspiration évidente dans la composition de notre tapis.

 

 

Ce qui frappe sur ce tapis au premier abord, c'est le traitement de la fleur (tournesols, tulipe, anémones, dalhia, œillets...) qui est indubitablement oriental ; même si nous connaissons les « fleurs à la persienne » de Jacques Androuet du Cerceau ou  de Jules Vallet, c'est vers les fleurs et leurs proportions, le plan , les couleurs des tapis Moghols, contemporains de celui du cardinal Guidi di Bagno, que l'on voit clairement le lien. L'exposition organisée par Dan Walker « Flowers Underfoot » au Metropolitan Museum à New York le met en lumière parfaitement.

 

Mais l'Occident est présent dans le traitement de la large bordure à fond rouge avec des paniers, masques qui annoncent les tapis Louis XIII à fond brun comme celui du Louvre, et qui auront un grand succès tout au long du XVIIème siècle.

C'est l'élaboration et la maturation de ces deux goûts qui font L'UNICITE de ce tapis.

 

1.    Un temps d'exubérance- Les Arts Décoratifs sous Louis XIII et Anne d'Autriche RMN, Exposition du Grand Palais Avril- Juillet 2002 p.179. Le texte publié par Jean Vittet est transcrit plus longuement. L'original est conservé aux AN. MC : et /VI/327.

2.    Dan Walker. Flowers Underfoot. Indian carpets of the Mughal Era. The Metropolitan Museum of Art.1997.p.96-99-104.

 

 

Nous tenons à remercier Madame Elisabeth Floret pour la rédaction de cette notice.

This carpet is the only one of its type currently known, and of great importance because we know for whom it was made, and because it illustrates a key early period of the Savonnerie, when the links between Europe and the Orient were at their peak. The carpet's unusual colouring – dominated by yellow and red – pre-dates Louis XIII carpets with navy blue or 'dark' (i.e. black) grounds, as we shall see.

 

Made for Cardinal Giovanni Francesco Guidi di Bagno (1578-1641)

 

The Italian bishop Guidi di Bagno was born in Florence and served as Apostolic Nuncio Extraordinaire in Flanders and France – an eminently diplomatic role in oiling relations between the Vatican and France, the 'Eldest Daughter of the Church.' He was made a cardinal by Pope Urban VIII on 30 August 1627 – coincidentally, at the same time as such brilliant figures as Pierre de Bérulle and the future Pope Innocent X. Guidi di Bagno admired Descartes and was a connoisseur of the arts, and would prove an erudite ambassador for the Holy See.

 

This, then, was the prestigious patron who – on 18 January 1631 in the presence of a notary – signed an agreement with Simon Lourdet (head of the Manufacture de la Savonnerie) for a 'large Turkish carpet of the same strength, finesse and quality of wool as the sample seen by Monseigneur... according to the pattern and design provided by the said Lourdet... the ground of the carpet to be yellow, the ground of the wide border a deep red, and the narrow side borders blue with little friezes... the flowers on the square of said carpet to be larger than nature....'1

 

The carpet, measuring 9.16 x 6.20m and priced at 2440 livres, was duly delivered a year later, in 1632 – just when the Savonnerie's reputation was starting to take off.

 

 

The Savonnerie around 1630: from East to West

 

Back in 1604 Queen Maria de' Medici granted Pierre Dupont, a weaver, embroiderer and illuminator, the right to establish a workshop in the prestigious Galleries of the Louvre to make knotted-pile carpets – a technique he already mastered, and in which he trained his future associate (and later rival) Simon Lourdet. The aim was to put a brake on the import of costly Oriental carpets and meet the growing demand for luxury carpets from the King and high-ranking officials. In 1627 (confirmed by a royal patent of 1631) Louis XIII appointed the Savonnerie factory at Chaillot Manufacture Royale de Tapisseries de Turquie et autres Ouvrages du Levant ('Royal Turkish & Levant Tapestry Factory') – a description reflecting the original sources of Savonnerie's technical know-how and decorative inspiration (as with the Cardinal's carpet, 'The Levant' referred to Turkey, Persia and India).

 

The carpet's most striking feature is unquestionably its Oriental-style flowers (sunflowers, tulips, anemones, dahlias, carnations); apart from recalling the 'Persian-style flowers' of Jacques Androuet du Cerceau and Jules Vallet, there is a clear link – in the flowers' appearance and proportions – with the colours and patterning of contemporary Mughol carpets, as was perfectly illustrated by Dan Walker's Flowers Underfoot exhibition at the New York Metropolitan Museum in 1998.2

 

European influence, meanwhile, was present in the treatment of the wide, scarlet-ground border, with its baskets and masks presaging the Louis XIII black-ground carpets (like the one in the Louvre) that would enjoy great popularity throughout the 17th century. The combined effect of the two approaches underpin the carpet's decorative richness.