PF1229

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Lot 8
  • 8

René Magritte

Estimate
400,000 - 600,000 EUR
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Description

  • René Magritte
  • L'Usage de la parole VI
  • signé ; titré sur le revers de la toile
  • huile sur toile
  • 54,8 x 73,5 cm
  • 21 1/2 x 28 7/8 in.

Provenance

(Probablement) Galerie Le Centaure, Bruxelles
E. L. T. Mesens, Belgique (probablement acquis vers 1932-33)
Harold Diamond, New York (acquis auprès du précédent vers 1959-60)
Galerie Rudolf Zwirner, Cologne
Galerie Michael Werner, Cologne
Acquis auprès du précédent dans les années 1980

Exhibited

New York, Sidney Janis Gallery, Magritte : Word versus Image, 1954, no. 6
New York, Albert Landry Galleries, René Magritte in New York, Private Collections, 1961, no. 5
Turin, Notizie, Magritte : opere scelte dal 1925 al 1962, 1965, n.n.
L'Aquila, Castello Spagnolo, Alternative attuali 2 'Omaggio a Magritte : opere 1920-1963', 1965, n.n.
Bruxelles, Palais des Beaux-Arts & Paris, Musée national d'art moderne, Centre Georges Pompidou, Rétrospective Magritte, 1978-79, no. 84
Hambourg, Kunstverein und Kunsthaus, René Magritte und der Surrealismus in Belgien, 1982, no. 143
Humblebaek, Louisiana Museum, René Magritte, 1983-84, no. 36
Høvikodden, Kunstsentret, Sonja Henies og Niels Onstads Stiftelser, 1984, no. 31
Lausanne, Fondation de l'Hermitage, René Magritte, 1987, no. 22
Cologne, Museum Ludwig in den Rheinhallen der Kölner Messe, Bilderstreit : Widerspruch, Einheit und Fragment in der Kunst seit 1960, 1989, no. 423
Londres, The Hayward Gallery ; New York, The Metropolitan Museum of Art ; Houston, The Menil Collection & Chicago, The Art Institute of Chicago, Magritte, 1992-93, no. 43
Berlin, Martin-Gropius-Bau, The Age of Modernism, Art in the 20th Century, 1997, no. 242
Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, René Magritte 1898-1967, 1998, no. 76
Barcelone, Fundació Joan Miró, Magritte, 1998-99, no. 66
Tokyo, The Bunkamura Museum of Art ; Nagoya, Nagoya City Art Museum & Hiroshima, Hiroshima Museum of Art, René Magritte, 2002, no. 43
Mons, Musée des Beaux-Arts de Mons, Le Surréalisme en Belgique 1924-2000, 2007, n.n.
Vienne, Albertina, Magritte, A bis Z, 2011-12, n.n.

Literature

Abraham Marie Hammacher, René Magritte, Paris, 1974, reproduit no. 33
Richard Calvocoressi, Magritte, Londres, 1984, no. 26, reproduit n.p.
José Pierre, René Magritte, Paris, 1984, p. 41
Visible Language, vol. XXIII, no. 2/3, Printemps/Eté 1989, reproduit fig. 5
David Sylvester (ed.), René Magritte, Catalogue raisonné, Anvers & Londres, 1992, vol. I : Oil Paintings 1916-30, no. 277, reproduit p. 313
David Sylvester, Magritte : The Silence of the World, New York, 1992, reproduit p. 159
Robert Hughes, Les Essentiels de l'Art, Magritte, Gand & Amsterdam, 2001, reproduit p. 91

Condition

This work is in very good original condition. The canvas is not lined. A close inspection reveals some minor frame abrasion along the edges with associated tiny spots of paint-loss and some very minor stable shrinkage in the black pigment of the letters and the brown pigment of the rocks. There is no evidence of retouching visible under UV light.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

signed ; titled on the canvas overlap ; oil on canvas. Painted in 1928.

"Parfois, les noms écrits dans un tableau désignent des choses précises et les images des choses vagues. Ou bien le contraire."
René Magritte, "Les Mots et les Images", La Révolution Surréaliste, n° 12, décembre 1929

"Lorsque moi, j’emploie un mot", dit Humptie Dumptie d’un ton méprisant, "il signifie exactement ce que je veux, ni plus ni moins."
"La question", dit Alice, "est de savoir si l’on peut faire signifier tant de choses aux mots."
"La question", dit Humptie Dumptie, "est de savoir qui est le maître – un point c’est tout."
Lewis Carroll, Through the Looking Glass and What Alice Found There, Londres, 1994


C’est en octobre 1927, alors qu’il vient d’arriver à Paris, que Magritte commence sa série des "peintures-mots" où il combine des mots et des images sur la toile.  Dans une démarche qui n’est pas sans évoquer celle des œuvres de  Picabia ou des "tableaux-poèmes" de Miró, Magritte s’interroge sur les conventions du langage et des images. Mais là où un artiste comme Miró introduisait des mots dans ses œuvres pour renforcer le sens de l’image, Magritte, à l’inverse, utilise les mots pour remettre en cause la relation entre les mots et les images.

En 1928, Magritte exécute plusieurs tableaux appartenant à une même série intitulée L’Usage de la parole. Plusieurs des tableaux de cette série, incluant la présente œuvre, mettent en scène des pierres portant le nom d’images. Ce faisant, Magritte vise à mettre en évidence le rapport arbitraire entre le nom et la chose nommée qui n’existe qu’en vertu d’une convention sémantique. Approfondissant sa réflexion sur la réalité et l’illusion, Magritte s’interroge dans cette série sur notre système de représentation picturale ou linguistique : nous avons en effet l’habitude de désigner une chose soit par un nom, soit par une image présentant une similitude avec l’objet ; pour autant, selon l’artiste, la relation établie entre la chose, le nom et l’image ne prend de sens qu’en vertu d’un système de représentation reconnu par tous, d'une convention. Le nom ou l’image ne saurait en effet se substituer à la chose et la ressemblance entre l’image et l’objet n’est qu’un critère parmi d’autres. Pour reprendre les termes de Suzi Gablik, "par ses tableaux qui représentent des mots et des images, Magritte cherche à mettre en lumière les confusions et les simplifications excessives si profondément enracinées dans nos habitudes de langage qu’on ne les remarque pas" (Suzi Gablik, Magritte, Bruxelles, 1978).

Dès lors que la représentation résulte d’une simple convention sociale, n’importe quelle image peut représenter n’importe quel objet et un nom peut remplacer une image. Selon Magritte, la ressemblance entre l’image et l’objet dépend donc essentiellement de notre construction mentale. Cette théorie complexe sera résumée par le peintre dans un texte illustré paru dans le numéro 12 de La Révolution Surréaliste en décembre 1929 sous le titre "Les mots et les images".

Dans L’Usage de la Parole, les mots, s’inscrivant dans des formes rudimentaires et indéterminées, remplacent la réalité. Ainsi que le décrit Michel Foucault, "Ici, les formes sont si vagues que nul ne pourrait les nommer si elles ne se désignaient pas elles-mêmes ; et au tableau réel qu’on voit – taches, ombres, silhouettes – vient se superposer la possibilité invisible d’un tableau à la fois familier par les figures qu’il mettrait en scène et insolite cependant (…)" (Michel Foucault, Ceci n’est pas une pipe, Montpellier, 1973, p. 54). Nous sommes ici au cœur-même de la démarche magrittienne de représentation du réel, qui sera admirée par André Breton au point de la qualifier d’ "entreprise unique, de toute rigueur, aux confins du physique et du mental" (André Breton, Le Surréalisme et la peinture, Paris, 1945).


It was in October 1927, just after his arrival in Paris, that Magritte began his series of ‘word-paintings’, combining both words and images on canvas. In an approach that is not without evoking that of Picabia or the ‘poem-paintings’ of Miró, Magritte questions the conventions of language and image. Where an artist like Miró incorporated words into his paintings, it was in order to reinforce the meaning of the image, however, and Magritte, on the other hand, employed words precisely in order to challenge this relationship between words and images.

In 1928, Magritte executed several paintings belonging to the series entitled L’Usage de la parole (The Use of Speech). Many of the paintings from this series, including the present work, portray stones bearing the names of images. In doing so, Magritte aims to highlight the arbitrary relationship between the name and the named object which exists only by virtue of a semantic convention. In developing his concept of reality and illusion throughout this series, Magritte questions our system of representation both pictorially and linguistically: we are, after all, used to defining something either by name or by an image which is similar to the object; however, according to the artist, the relationship established between the object, the name and the image only makes sense by virtue of a system of representation that is recognized by all, a convention. Likewise, the name or the image cannot be a substitute for the object and the resemblance between the image and the object is just one of the many criteria necessary for comprehension. In the words of Suzi Gablik, “through his paintings of words and images, Magritte seeks to highlight the excessive confusion and simplification so deeply rooted in our language habits that we do not even realise that they are there” (Suzi Gablik, Magritte, Brussells, 1978).

As soon as the representation results from a mere social convention, absolutely any image can represent any object and any name can replace an image. According to Magritte, the resemblance between the image and the object thus essentially depends upon our mental construction. This complex theory was to be summarized by the painter in an illustrated text published in the 12th edition of The Surrealist Revolution in December 1929 under the title ‘Les mots et les images’.

In L’Usage de la parole IV, the words, inscribed on rudimentary and indeterminate shapes, replace reality. As Michel Foucault described, “Here, the shapes are so vague that no one could name them if they had not been named already; and onto the actual painting we behold – blotches, shadows, silhouettes – the invisible possibility of a similar painting is superimposed, recognizable and yet peculiar” (Michel Foucault, Ceci n’est pas une pipe, Montpellier, 1973, p.54). Here, we find ourselves at the heart of Magritte’s reasoning regarding the representation of the real, so admired by André Breton as to be qualified “a unique enterprise, so exacting that it reaches the depths of our physical and mental confines” (André Breton, Le Surréalisme et la peinture, Paris, 1945).