PF1208

/

Lot 45
  • 45

Coupe en ivoire, Sapi-Portugais, Sierra Leone, XVe-XVIe siècles

Estimate
150,000 - 250,000 EUR
Log in to view results
bidding is closed

Description

  • Coupe en ivoire, Sapi-Portugais
  • ivoire d'éléphant (Loxodonta Africana)
  • haut. 13,5 cm
  • 5 1/2 in

Provenance

Edouard de Jullienne (Aix-en-Provence, 1807-1870)
Selon la mémoire familiale, cette coupe lui aurait été transmise par son grand-oncle, le mécène et collectionneur Jean de Jullienne (1686 - 1766)
Transmis par descendance
Collection privée, France

Exhibited

Paris, Ecole du Louvre, "De la Kunskammer au musée : les ivoires africains de l'époque des Grandes Découvertes (XVI-XVIIe siècles) et leur étude", par Jean-Michel Massing,  lors du colloque Connoisseurship. L'oeil, la raison et l'instrument, 20-22 octobre 2011

Condition

Please refer to the department, + 33 1 53 05 52 67, alexis.maggiar@sothebys.com
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

Une étonnante coupe Sapi-Portugaise

Cette coupe en ivoire appartient selon toute vraisemblance à un ensemble d'œuvres réalisées par les artistes de Sierra-Leone et du Liberia entre la fin du XVe siècle et seconde la moitié du XVIe siècle, sur commande des navigateurs portugais qui exploraient à cette époque les côtes du continent africain. Ayant observé l'habileté des artistes locaux à créer d'élégantes sculptures dans ce précieux matériau, ils leur commandèrent des salières, des manches de poignards et autres objets très raffinés ("saleyros, punhos pera dagas et qualquer otra sotileza"), comme en témoigna le chroniqueur portugais Valentim Fernandes en 1506-1510. Ces œuvres étaient destinées en enrichir les collections des souverains et de la noblesse européenne.

Une quinzaine de cuillers et de fourchettes, trois coupes cérémonielles, deux poignées de poignards, une quarantaine d'olifants et soixantaine de salières – dont la moitié incomplètes ou fragmentaires – sont aujourd'hui conservés, essentiellement dans des musées, mais également dans quelques rares collections privées occidentales. Celle-ci, précieusement transmise de génération en génération,  fut « découverte » par le professeur Jean-Michel Massing (King's College, University of Cambridge) dans la demeure d'une vieille famille du sud-ouest de la France. Jean de Jullienne (1686 -1766) dont Edouard de Jullienne (1807-1870) tenait vraisemblablement cet ivoire, fut directeur des manufactures royales de teintures et de draps, mécène et collectionneur. Si sa préférence allait aux grands artistes de son époque, notamment Antoine Watteau dont il était l'ami, et François Boucher ou Carl Van Loo, sa fréquentation des ventes publique lui permit de constituer une remarquable collection d'objets d'art (Tillerot, Jean de Jullienne et les collectionneurs de son temps, 2011).

Si elle se rattache au corpus précédemment évoqué, elle constitue, selon mes connaissances, un unicum dans l'univers des ivoires sapi-portugais. Elle s'en distingue en effet sensiblement à la fois par son style et par la forme du réceptacle. Les personnages – en particulier les figures masculines -, plus corpulents que dans la majorité des salières répertoriées, évoquent les sculptures en pierre, de la même époque ou antérieures, exhumées la région. Vêtus d'une simple jupe en fibres, les personnages féminins soutiennent des mains leurs seins à la fois matures et charnus, selon une pose observée sur nombre de ces œuvres lithiques (Tagliaferri, 1974, n°62-64).

Le réceptacle reposant sur la tête des quatre personnages cariatides, singulier dans l'univers des ivoires sapi-portugais, est bien proportionné. Sa parfaite forme ovoïde, très finement ouvragée, est animée par deux bandeaux gravés de motifs quadrillés, bordés de lignes champlevées qui se prolongent dans les cordes torsadées saisies par les personnages masculins, faisant le lien entre la forme pleine du réceptacle et la base ajourée.

Selon le Professeur Massing, cette sculpture se rapproche iconographiquement de la salière conservée au musée de Beaux-Arts de Dijon (Bassani 2008 n° 44), à la fois par le type des vêtements masculins et par la pose des bras qui se déploient pour venir agripper la corde, dont le motif lie les deux parties.

Une affinité existe également avec la coupe du Museum für Völkerkunde de Bâle, de même dimension (Bassani et Fagg, 1988, n° 49), dont le réceptacle est aussi de forme ovoïde et dénué de couvercle. La lèvre parfaitement lisse de la coupe suggère dans les deux cas que ce dernier n'avait pas été prévu par les sculpteurs auxquels ces réceptacles, différant donc des salières traditionnelles, avaient été commandés. Cependant l'analogie s'arrête ici : la coupe de Bâle reposant sur une plateforme offre un effet volumétrique très différent et l'ornementation de la base, qui associe des personnages et des crocodiles dévorant des corps humains, est beaucoup plus animée.

En conclusion, la variété des ivoires sapi-portugais ne cesse de nous surprendre. Lorsque nous croyons avoir vu toutes les solutions possibles inventées pas les sculpteurs Sapi, une nouvelle œuvre surgit pour élargir un panorama déjà très riche, et le rendre plus stimulant encore.


Commentaire par Ezio Bassani, avril 2012

 

An amazing Sapi-Portuguese Cup


In all likelihood this ivory cup belonged to a set of pieces by artists from Sierra Leone and Liberia who created them between the late 15th century and the late 16th century; they were probably commissioned by Portuguese navigators who were exploring the coast of Africa at the time. Having observed the local artists' craftsmanship when carving elegant sculptures in this precious material, they started ordering saltcellars, dagger handles and other very fine objects ("saleyros, punhos pera dagas et qualquer otra sotileza") as witnessed by Portuguese chronicler Valentim Fernandes in 1506-1510. These pieces were to enrich the collections of European monarchs and nobles.
Fifteen spoons and forks, three ceremonial cups, two dagger handles, forty olifants and sixty salt cellars - half of which are incomplete or fragmentary - are preserved today, mostly in museums, but also in a few private collections in the West. This particular one, carefully preserved from one generation to the next was "discovered" by Professor Jean Michel Massing (King's College, University of Cambridge) in the home of an old family, in the south-west of France. Jean de Julienne (1686 -1766) from  whom Edouard de Julienne (1807-1870)  probably inherited this ivory piece, served as director of the dyes and linens manufactory supplying the royal family; he was also a patron of the arts and a collector.  Although he favoured the great artists of his time, like Antoine Watteau - who was a friend of his - and François Boucher or Carl Van Loo, his regular attendance at public auctions enabled him to assemble a remarkable collection of works of art (Tillerot,
Jean de Julienne et les collectionneurs de son temps - Jean de Julienne and the collectors of his times, 2011).
Although it is part of the previously mentioned corpus, it is however, to my knowledge, a
unicum within the world of Sapi-Portuguese ivory artwork. Indeed, it differs significantly from the other pieces, both in its style and in the shape of its receptacle. The figures - especially the male ones - are more corpulent than in the majority of identified salt cellars and they are reminiscent of stone sculptures, which were carved at a similar time or earlier and excavated in the area. Clothed in simple fibre skirts, the female figures hold up their full, mature breasts in their hands, in a pose frequently observed on these lithic pieces (Tagliaferri, 1974, n°62-64).
The receptacle rests on the heads of four caryatid figures - an unusual feature in the world of Sapi-Portuguese ivory - and is well proportioned. Its very finely crafted, perfect ovoid shape is enlivened by two bands carved with chequered patterns, edged with champlevé lines that extend into the twisted cords seized by the male characters, creating a connection between the full body of the receptacle and the openwork base.
According to Professor Massing, the iconography of this sculpture resembles that of the salt cellar kept in the Musée de Beaux-Arts, in Dijon (Bassani 2008 No. 44), both in the type of clothing worn by the male characters and in the pose of the arms that unfold to grab the rope, that links both parts of the cellar together.
There is also an affinity with the cup of the Museum für Völkerkunde in Basel, which is similar in size and (Bassani and Fagg, 1988, No. 49) the receptacle of which is also ovoid and lacking a lid. In both cases, the perfectly smooth lip of the cup suggests that the sculptors who were commissioned to carve these vessels never intended to place a lid on them, thus departing from traditional salt cellar models. However the similarities end there: the Basel cup, which is placed on a raised stand, displays a very different aspect in its build and in the ornamentation of its base. The latter depicting human figures and crocodiles devouring human bodies, is much livelier.
In fine, the variety of Sapi-Portuguese ivory never ceases to surprise us. When we come to believe that we have seen every possible solution that was ever invented by Sapi sculptors, a new piece emerges, which broadens an already very rich panorama and makes it even more stimulating.

Commentary by Ezio Bassani, April 2012