PF1215

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Lot 6
  • 6

Martial Raysse

Estimate
400,000 - 600,000 EUR
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Description

  • Martial Raysse
  • La France orange
  • signé trois fois et daté 1963 au dos
  • huile, photographie et collage sur toile et bois
  • 83,2 x 62,5 cm; 32 3/4 x 24 3/5 in.

Provenance

Galerie Iolas, Paris
Acquis auprès de celle-ci et transmis par descendance au propriétaire actuel

Exhibited

Amsterdam, Stedelijk Museum, Martial Raysse, maître et esclave de l'imagination, 1965; catalogue
Antibes, Château Grimaldi Musée Picasso, Martial Raysse, 1982; catalogue, p.12, no.7, illustré
Paris, Galerie Artcurial, Hommage au Président Georges Pompidou, un homme de culture, 1987; catalogue, p.21, illustré en couleurs
Paris, Galerie National du Jeu de Paume; Vienne, Museum Moderner Kunst -Stiftung Ludwig- Palais Lichtenstein; Valence -IVAM- Centre Julio Gonzalez; Nîmes, Carré d'Art -Musée d'Art; Martial Raysse, Rétrospective, 1992-1993; catalogue, pp.71-75, illustré en couleurs
Cajarc, Maison des Arts Georges Pompidou, Autour d’une collection, le Président et Madame Georges Pompidou, 1994; catalogue, n.p, illustré en couleurs
Paris, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, Passions Privées, Collections particulières d'Art moderne et contemporain en France, 1995; catalogue, p.437, no.9, illustré en couleurs
Paris, Galerie Nationale du Jeu de Paume, Georges Pompidou et la modernité, 1999; catalogue, illustré en couleurs sur la couverture; illustré en couleurs sur l'affiche de l'exposition
Londres, Royal Academy of Arts; Guggenheim Museum, Bilbao; Paris: Capital of the Arts 1900-1968, 2002; catalogue, p.385, no.258

Literature

Catalogue d'exposition: Pékin, Martial Raysse, 2000, p.71, illustré
Affiche d'exposition: Paris, Galerie Alexandre Iolas, illustré en couleurs

Condition

The colours are fairly accurate in the catalogue's illustration although the green is more vivid in the original. The canvas is framed with an artist's metal frame. Under UV light there is no evidence of any retouching. A rub mark is visible under very close inspection in the orange monochrome in the lower right quadrant. On the green panel, a pinhead sized wear, located in the lower left part of the hair is visible under close inspection. This work is in very good condition.
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Catalogue Note

En 1963, Martial Raysse a 27 ans lorsqu’il exécute La France Orange. Cette œuvre manifeste est résolument tournée vers le Pop Art, période durant laquelle les images de la femme, du maquillage, de la toilette, se mêlent obsessionnellement entre-elles. En utilisant la photographie, la couleur et l’assemblage d’objets dans ses tableaux, Martial Raysse signe dans ces années des œuvres synthétiques, formant un véritable contre-point historique au Néo-Dadaïsme et au Pop Art américains des Combine paintings de Robert Rauschenberg, qu’il rencontre à Paris en 1961, des Great American Nudes et Still Life de Tom Wesselman ou des Marilyn et autres portraits de stars d’Andy Warhol. S’il signe en 1960 le manifeste historique du Nouveau Réalisme et qu’il partage avec les artistes de cette mouvance un sens nouveau de la nature industrielle dont le folklore urbain moderne l’enthousiasme, rapidement il se détache de l’appartenance à ce groupe pour affiner la singularité de son art. Martial Raysse trouve son inspiration partout autour de lui : « … on découvrait le monde dans la rue où l’on voyait des choses fantastiques comme le néon, les voitures modernes, les premiers spoutniks, mais en entrant dans les galeries on ne voyait qu’une peinture intimiste qui n’avait aucun rapport avec les concepts que l’on pouvait rencontrer à chaque détour de la rue  ou à chaque page de journaux. … » ¹. Dans une œuvre révolutionnaire comme Raysse Beach que l’artiste réalise en 1962 au Stedelijk Museum d’Amsterdam et qui voyage la même année à New York à la galerie d’Alexandre Iolas pour la première exposition de l’artiste aux Etats-Unis, Martial Raysse fixe le thème de sa vision artistique autour de la Côte d’Azur : exaltant la joie de vivre, l’évasion et le monde des loisirs, s’appropriant le maquillage, l’artifice, les couleurs éclatantes, le soleil et la mer. Sa quête de modernité se poursuit à New York, où il séjourne en 1962, puis continue à Los Angeles de 1963 à 1968. L’installation à Los Angeles accélère le succès de Martial Raysse qui expose à la Dwan Gallery à plusieurs reprises. Raysse se concentre en 1963 sur une série de variations sur le thème du visage féminin, s’attachant à exalter les signes de la beauté standardisés par la publicité dans les magazines. Les femmes sont représentées dans les activités de la banalité quotidienne, se regardant dans un miroir, se maquillant où se passant de la crème, renvoyant souvent vers le spectateur un regard séducteur. En 1965, à 29 ans, Martial Raysse reçoit une consécration institutionnelle majeure en étant invité par le Stedelijk Museum d’Amsterdam à réaliser une exposition rétrospective de son art : Martial Raysse, maître et esclave de l’imagination, présentera au grand public les chefs d’œuvre de l’artiste parmi lesquels La France Orange.

La France Orange offre une synthèse essentielle de l’art de Martial Raysse dans laquelle se retrouvent l’art du collage, de la photographie et la recherche des couleurs vives. Cette œuvre s’inscrit dans la série de tableaux que l’artiste réalise à la mémoire de la France, son pays natal qu’il a quitté pour s’installer aux Etats-Unis, et en hommage à sa femme prénommée France dont le portrait photographique est utilisé ici sous la forme d’un fragment de la partie haute de son visage. La composition suggestive et allusive du tableau illustre à propos la pensée d’Otto Hahn sur le langage visuel de l’artiste : « Raysse donne ainsi une image de la vision compartimentée, partielle, caractéristique de notre vision moderne où l’œil est sollicité par un maquillage, la courbe d’une jambe, le pli d’une lèvre. De cette dispersion du regard, Martial Raysse fait des clichés  visuels : il suffit alors d’un détail pour que l’ensemble soit présent. Chaque partie fonctionne comme un signal et renvoie à la totalité » ². En écho à cette analyse, la partie inférieure de l’œuvre composée d’une toile monochrome orange fait penser immanquablement à l’œuvre spectaculaire d’Yves Klein, Expression de l’univers de la couleur mine orange (M60, 1955). La France Orange rend ainsi un vibrant hommage à l’ami proche et compatriote niçois, disparu en 1962, une année avant l’exécution du tableau.

Enfin, La France Orange est une œuvre dont le projet politico-social est particulièrement important. L’œuvre fût acquise à l’époque par Monsieur et Madame Georges et Claude Pompidou, comme si les mots de l’artiste, « je suis un peintre qui utilise les techniques modernes pour exprimer un monde moderne »³ et le titre de l’œuvre composaient une devise politique et poétique à laquelle le Premier Ministre et futur Président de la République avait souscrit pleinement. La France Orange est une métaphore de la France moderne voulue et dessinée par Georges Pompidou. En tant qu’éminent spécialiste de la poésie, ce dernier s’est certainement souvenu du célèbre vers de Paul Eluard, extrait de L’amour la poésie (1929), « La terre est bleue comme une orange ». Les métaphores de la terre avec la France, de l’orange avec le soleil, d’une lumière nouvelle que Georges Pompidou souhaite pour la nation dont il sert les intérêts font aussi écho au bleu, au vide et aux propos d’Yves Klein qui lui sont bien familiers. « J’aime l’art, j’aime Paris, j’aime la France … L’art est l’expression d’une époque, d’une civilisation, et, vous le savez, le meilleur témoignage que l’homme – et aussi une nation – puisse donner de sa dignité. … » rappelle le Président Pompidou. «Mon mari a, en effet, remarqué, très tôt, l’importance de Martial Raysse…»⁴ ajoute Madame Claude Pompidou. L’artiste avait en effet été reçu officiellement à Matignon par Georges Pompidou lorsqu’il était Premier Ministre. La France Orange se trouve ainsi à la croisée de destins en quête de modernité : celui de l’artiste et celui de l’homme d’état, chacun puisant dans la liberté de son exercice la réalité de sa condition.

Œuvre historique, La France Orange est un chef d’œuvre de l’art français des années 1960 et un incontournable témoignage international du « Pop Art with the French touch ».

¹. Martial Raysse, texte inédit, non daté, in catalogue d’exposition Martial Raysse, Galerie Nationale du Jeu de Paume, Paris, 1993, p.36.
². Otto Hahn, « Martial Raysse ou la beauté comme invention et délire », Art International, Lugano, vol. X/6, été 1966, pp.78-80.
³. Extrait d’entretien entre Martial Raysse et Jean-Jacques Lévêques, « La beauté c’est le mauvais goût », Arts, Paris, 16-22 juin 1965, p.39 ; repris dans le communiqué de presse de la galerie Alexandre Iolas, Martial Raysse Opere 1963-1966, Milan, 1966.
⁴. Extrait d’entretien entre Claude Pompidou et Luc Vezin, « Georges Pompidou, un président collectionneur », in catalogue d’exposition Autour d’une collection, le Président et Madame Georges Pompidou, Maison des Arts, Cajarc, 1994, n.p.

 

COMPS

Andy Warhol, Orange Marylin, encre sérigraphique sur toile, 101.6 x 101.6 cm, 1964, Sotheby’s New York, 14 mai 1998, lot 16, vendu : 17 327 500 $USD. © Sotheby’s

Martial Raysse, La France américaine, plumeau collé sur photographie noir et blanc rehaussé de peinture et contrecollé sur isorel monté sur châssis, 230 x 122 cm, 1962. Collection FNAC, Paris. © FNAC

Martial Raysse dans son atelier en 1963 © Shunk-Kender

Vue de l’exposition rétrospective, Martial Raysse, maître et esclave de l’imagination, en 1965 au Stedelijk Museum à Amsterdam, dans laquelle apparaît La France Orange accroché sur le mur à droite © Stedelijk Museum Amsterdam

Yves Klein, Expression de l’univers de la couleur mine orange (M60), pigment pur et résine synthétique sur bois, 95 x 226 cm, 1955. Collection particulière © D.R.

La France Orange illustrée sur la couverture du catalogue d'exposition, Georges Pompidou et la modernité, à Paris, Galerie Nationale du Jeu de Paume,1999 © D.R.

La France Orange illustrée sur l'affiche d'exposition Martial Raysse, à Paris, Galerie Alexandre Iolas, 1965 © D.R.