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François Boucher
Description
- François Boucher
- Le sommeil de l'enfant Jésus
- Huile sur toile cintrée dans la partie supérieure, en camaïeu brun
François Boucher ; Virgin attending to the sleeping Christ child ; Oil on canvas with arched top, en camaïeu brun
Provenance
Très probablement, Pierre-Louis-Paul Randon de Boisset (1708-1776), Receveur général des Finances;
Très probablement, Sa vente, Paris, 27 Février 1777, lot 189 (décrit dans le catalogue comme "la première pensée du tableau précedent, peinte en grisaille"; le précédent lot [188] étant François Boucher La Nativité de Notre-Seigneur);
Acquis par la mère de l'actuel propriétaire en France dans les années 1960;
Collection privée canadienne.
Condition
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Catalogue Note
Cette œuvre semble être l'étude préparatoire au tableau que François Boucher présenta au Salon de 1763 intitulé Le sommeil de l'enfant Jésus, un tableau cintré de 2 pieds de haut sur 1 pied de large [1]. La description plutôt critique qu'en fit Diderot à l'occasion de son exposition au Salon correspond à la disposition figurée de cette esquisse. Il y est question d'un ange qui vole, d'un Joseph qui s'est assoupi, et d'une vierge adorant l'enfant endormi. Le critique admira néanmoins les sentiments profonds et la justesse d'expression qui émanent de Joseph s'abandonnant dans les bras de Morphée : « ... Il était impossible de toucher plus grandement et de donner une plus belle tête au Joseph qui sommeille derrière la Vierge qui adore son fils... ». Diderot rapporte ensuite un dialogue qu'il aurait eu avec l'artiste. Il s'indigne de l'aspect surnaturel des couleurs du tableau, à quoi Boucher lui répond : «... je ne me suis pas soucié d'être vrai. Je peins un événement fabuleux avec un pinceau romanesque. Que savez-vous ? la lumière du Thador et celle du paradis sont peut-être comme cela. Diderot, en grand penseur des Lumières, poursuit : «Monsieur Boucher, vous n'êtes pas bon philosophe, si vous ignorez qu'en quelque lieu du monde que vous alliez et qu'on vous parle de Dieu, ce soit autre chose que l'homme. » [2]
La Nativité avec l'enfant endormi est un sujet que Boucher s'est plu à aborder comme plusieurs dessins en témoignent [3]. Cette esquisse s'apparente à ces dessins antérieurs mais aussi à l'un des plus beaux tableaux religieux du maître, La Lumière du monde conservé au Musée des Beaux-Arts de Lyon peint en 1750 pour décorer la chapelle privée de Mme de Pompadour au château de Bellevue (fig 1). Vus de plain pied, les personnages s'organisent autour de l'enfant, la Vierge porte une attention particulière à ajuster le couffin tandis qu'un bœuf curieux passe la tête hors de l'étable. L'ensemble est baigné d'une atmosphère vaporeuse due à l'apparition angélique descendu des cieux dans ce qui est finalement un habile raccourci nuageux.
Notre esquisse, datant de la fin de la carrière de Boucher, représente l'aboutissement des recherches de l'artiste sur le sujet de la Nativité, il en propose ainsi une version simplifiée. Dans une synthèse des plus à propos, il nous offre une image sans prétention dont émanent une grâce et une tendresse intense.
Il semblerait que notre esquisse ainsi que le tableau perdu aient fait partie de la collection de Pierre-Louis-Paul Randon de Boisset (1708-1776), Fermier général puis Receveur général des Finances de Lyon en 1758, comme l'a suggéré Alastair Laing. Lors de la vente de sa collection à Paris le 27 février 1777, le tableau perdu et ce qui semble être notre esquisse apparaissent, en effet, aux côtés d'autres peintres et de nombreux dessins de Boucher dans le catalogue. [4] Grand amateur de peintures flamandes et françaises, Randon de Boisset était aussi un proche de nombreux illustres artistes de l'époque : Jean Baptiste Greuze qui fit son portrait (Magyar Szépmüvészeti Múzeum de Budapest) et représenta sa galerie (Musée des Arts Décoratifs de Paris), Hubert Robert mais aussi François Boucher. Nous savons que les deux hommes étaient de bons amis et qu'ils firent ensemble un voyage en Flandres en 1766.
Pierre-Louis-Paul Randon de Boisset était un riche financier mais aussi un homme de culture, un grand collectionneur et mécène qui fut écrivain à ses heures. Il est d'ailleurs l'auteur de plusieurs tragédies. Sa collection était extrêmement riche, on y retrouve aux côtés des nombreuses œuvres de Boucher et de ses contemporains, deux Paysages de Paul Bril, le fameux Portrait d'Hélène Fourment du chevalier Pierre-Paul Rubens et les deux célèbres peintures de Rembrandt, Le Philosophe en méditation et Le Philosophe en contemplation, pour ne citer que les plus célèbres.
La reconnaissance dont jouissait cette collection est manifeste dans l'énorme succès que remporta la vente de celle-ci, totalisant un montant total de 1 356 415 livres, somme considérable pour l'époque. Par ailleurs, la personnalité des acheteurs eux-mêmes reflète l'importance de cette vente à laquelle assistèrent les personnages les plus riches et influents de l'époque, au premier rang desquels le roi Louis XVI et le comte d'Artois futur Charles X.[5]
Cette esquisse représentant la Nativité attire particulièrement notre attention, non seulement par sa beauté et sa qualité mais aussi car elle est le véritable reflet de l'expression créatrice de l'artiste allant en droite ligne du cerveau à la main. Cette œuvre semble de plus être l'unique trace d'une œuvre perdue qui fit en son temps sensation au Salon et déchaîna les passions des observateurs de l'époque. Une esquisse, enfin, qui avait jouit d'une certaine admiration puisqu'elle fut achetée en même temps que l'œuvre achevée par l'un des grands collectionneurs et mécènes du XVIIIème siècle.
[1] Collection des Livrets des anciennes expositions. Salon de 1763 XXII, Paris, Liepmannssohn et Dufour Editions, 1870, p. 13.
[2] J. Seznec et J. Adhémar, Direrot Salons, Oxford, Clarendon Press, vol. I : « 1759, 1761, 1763 », 1975, pp. 204-205.
[3] Cf. A. Annanoff, L'oeuvre dessinée de Boucher, Paris, 1966, p.174, n° 646 (Musée Boymans van Beuningen, Rotterdam) et 647. Le n° 647 est passé en vente chez Sotheby's à New-York le 27 janvier 2010 (lot n° 85).
[4] Catalogue de la vente posthume de la collection Randon de Boisset, Receveur général des Finances, 27 février 1777, Paris. Lots 188 (« La Nativité de Notre-Seigneur ») et 189 (« La première pensée du tableau précédent, peint en grisaille »).
[5] Jean-François Delmas, « Le mécénat des financiers au XVIIIe siècle : étude comparative de cinq collectionneur de peintures », dans Histoire, économie et société, 1995, 14ème année, n°1 p. 67.