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François Le Moyne
Description
- François Le Moyne
- Diane revenant de la chasse ou le Soir
- Huile sur toile chantournée mise au rectangle
François Le Moyne ; Diana returning from the hunt or "The evening" ; Oil on canvas fret put as rectangle
Provenance
Commandé à Lemoyne par Abraham Peyrenc de Moras en 1729 (ou peut être début 1728) pour l'un des quatre dessus de porte du « Grand Salon Central » de son Hôtel particulier construit par le fameux architecte Jean Aubert rue de Varenne près des Invalides (actuel musée Rodin) ;
Gardé in situ par les différents propriétaires de l'Hôtel ;
Vendu par les sœurs du Sacré Cœur avec les autres tableaux de l'Hôtel circa 1890 ;
Collection privée
Literature
Comte de Caylus, « Vie de François Lemoine », dans Vie d'artistes au XVIIIème siècle, André Fontaine éd. Paris, Renouard, 1910, p. 65;
A. J. Dézallier d'Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres..., Paris, 1745-1752, p. 428;
G. Brice, Description de la ville de Paris et de tout ce qu'elle contient de plus remarquable, Paris, 1752, vol. 4, p. 30;
M. Piganiol de la Force, Description historique de la ville de Paris, de Versailles..., Paris, 1765, vol. 8, p. 102;
A. de Champeaux, L'Art décoratif dans le vieux Paris, Paris, 1898, pp. 131-132;
J. Vacquier, Ancien Hôtel du Maine et de Biron, Paris, 1909, pp. 6-31;
F. de Catheu, « Hôtel du Faubourg Saint-Germain », dans Congrès Archéologique de France, Paris, 1947, pp. 64-75;
J.L. Bordeaux, « François Lemoyne et la décoration de l'Hôtel Peyrenc de Moras », dans Gazette des Beaux-Arts, février 1971, pp. 65-76;
J.L. Bordeaux, François Le Moyne (1688-1737) and his generation, Paris, Arthena, 1984, p. 117, n°82;
Les Amours des Dieux, la peinture mythologique de Watteau à David, Paris, Philadelphie, Forth worth,1992, p.176;
D. Viéville et A. Magnien, Guide de l'hôtel Biron, musée Rodin, Saint Etienne, 2010, p.55
Condition
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Catalogue Note
Antoine-Joseph Dézallier d'Argenville reporte dans l'édition de 1762 de son ouvrage « Abrégé de la vie des plus fameux peintres, avec leurs portraits gravés en taille-douce, les indications de leurs principaux ouvrages, quelques réflexions sur leurs caractères, et la manière de connoître les desseins des grands maîtres. Par M*** de l'Académie royale des sciences de Montpellier (3 volumes, 1745-1752). Nouvelle édition, revue, corrigée & augmentée de la Vie de plusieurs peintres (4 volumes, 1762» (p.428) que « Le Moine a peint encore quatre dessus de portes, sujets tirés des Métamorphoses pour une maison qui est aujourd'hui l'hôtel de Biron près des Invalides ». Le maréchal de Biron acquit l'hôtel de Peyrenc auprès de la duchesse du Maine en 1753, quand il mourut en 1788, l'hôtel revint à son neveu. En 1748, le Comte de Caylus avait listé, cet hôtel Peyrenc comme la propriété de la Duchesse du Maine.
Dézallier d'Argenville avait réduit la commande originale que Peyrenc de Moras avait passée à Le Moyne qu'à la seule décoration de ce fameux Salon Central. En réalité l'entière commande passée à Le Moyne comprenait dix huit peintures décoratives (la majorité étant des dessus de porte). Deux dessus de porte provenant du Salon Ovale ont récemment retrouvé leur place dans cet hôtel qui devint le musée Rodin au début du siècle dernier.
L'histoire de cette grande décoration d'intérieur a été racontée en détails depuis la découverte, par Françoise de Catheu en 1947, de l'inventaire de Jean Aubert, daté du 15 janvier 1737, et par le professeur Jean-Luc Bordeaux en 1971 et en 1984. Colin B. Bailey a également contribué en 1992 à nous faire connaitre d'importants éclaircissements sur ce commanditaire.
C'est dans l'inventaire d'Aubert que nous avons appris que le Grand Salon Central été décoré avec « les quatre points du jour » [Aurore et Céphale illustrant Le Matin, Vénus montrant à l'Amour l'ardeur de ses flèches pour Le Midi, Le retour de chasse de Diane illustrant Le Soir, et Diane et Endymion représentant La Nuit]. Le thème central devait probablement être, comme le suggère Bailey, Amor vincit Omnia, mais les sujets n'étaient pas tous inspirés des Métamorphoses d'Ovide.
Tout d'abord en 1971 puis ensuite en 1984, monsieur Bordeaux avait pu ajouter des éléments importants ainsi que des dessins préparatoires concernant cet ensemble décoratif.
En 1983 et en 1989, le corpus des connaissances concernant ces décors fut accrut avec la redécouverte, par monsieur Bordeaux (avant leur vente), de deux dessus de porte, disparus jusqu'alors. La découverte de ces œuvres permit à Colin B. Bailey de les exposer dans sa belle exposition en 1992, Les Amours des Dieux, et également de nous faire profiter de plusieurs éléments clés de son travail de recherche sur ce surprenant commanditaire, Peyrenc de Moras.
Abraham Peyrenc de Moras (1686-1732) avait été un très habile financier nouveau-riche, qui réussit à attirer l'attention de la Duchesse de Bourbon alors veuve.
Malheureusement pour lui, son succès et sa réussite ne furent que de courte durée. Il était Directeur de La Compagnie des Indes mais aussi propriétaire d'une immense fortune, établie durant les beaux jours du système boursier inventé par John Law et qui se termina en banqueroute en mars 1723. Peyrenc mourut en novembre 1732, sans avoir pu jouir de ce magnifique décor intérieur qui sans doute inspira dix ans plus tard le Prince Soubise et la fameuse décoration de son hôtel par Natoire, élève de Le Moyne.
Le Grand Salon Central de l'hôtel Peyrenc de Moras, qui se situe juste à l'opposé de l'entrée principale, avait été décoré avec quatre dessus de porte, le premier d'entre eux (Vénus montrant à Cupidon l'ardeur de ses flèches ou Le Midi) réapparut dans un format rectangulaire lors d'une vente aux enchères à Drouot en 1983, avec une attribution à Natoire, bien que la composition nous était déjà connue grace à un dessin autographe de Le Moyne, aux contours irréguliers et conservé au musée du Louvre. C'est en 1985 à Londres, plusieurs mois après cette vente que la galerie Colnaghi invita monsieur Bordeaux pour examiner la toile alors restaurée (remise dans son format chantourné d'origine). Il fut capable de confirmer qu'il s'agissait de la première version de la composition de Le Moyne. La toile passée à Drouot avait manifestement été agrandie pour avoir un format rectangulaire plus traditionnel, format qui est très probablement celui des copies d'atelier et des répliques décrites dans l'inventaire de Le Moyne au moment de sa mort comme « quatre tableaux quarrés, peints sur toille, représentant les quatre points du jour ». Les compositions des autres dessus de porte disparus de ce Grand Salon Central ne nous sont pas inconnues puisque Aurore et Céphale ou Le Matin nous est connu par un magnifique dessin aux contours irréguliers comme ceux du Midi (conservé au musée Fabre, Montpellier).
Dans le tableau que nous présentons, Diane est assise sur la droite et fait face à trois autres femmes, ses compagnes de chasse, qui lui présentent une biche morte. Diane pointe la scène de sa main droite ; les visages d'appréhension des jeunes nymphes peuvent signifier que la déesse réprouve leur acte car elles viennent de tuer une biche au lieu d'un cerf. Une autre nymphe debout au second plan, avec un carquois sur l'épaule, semble porter à l'attention de Diane trois petits oiseaux délicatement déposés sur une pièce d'étoffe et qui ne peuvent certainement pas être considérés comme un gibier noble !
De nouveau, comme Bailey l'a suggéré en 1992, nous pouvons voir ici une allusion aux louanges faites par Peyrenc de Moras à la vertu, la morale et la constance féminine de sa très jeune épouse. Le même sujet avait été interprété par François Boucher en 1745 (musée Jacquemart André, Paris) et qui mettait beaucoup plus l'accent sur le plaisir des sens en représentant Diane et ses nymphes se rafraichissant à demi-nues sur les bords d'un ruisseau.
Les couleurs de notre tableau sont vives et éclatantes, et une fois de plus, Le Moyne nous présente son talent en peignant avec un souci de réalisme le pelage des deux chiens, la biche et le plumage des perdrix posées sur le sol dans le coin gauche. Les corps des chasseuses, la sensualité de leurs membres, et les couleurs lumineuses de l'ensemble (le ton rouge-orangé de l'étoffe, les différentes gammes de bleu-outremer, bleu gris et celles des autres vêtements et des carquois) sont très comparables à ceux de Vénus montrant à Cupidon l'ardeur de ses flèches.
Deux dessins préliminaires de la figure de Diane sont maintenant identifiés avec certitude, l'un qui serait actuellement dans une collection privée des Etats-Unis et l'autre au Cabinet des Arts Graphiques du Louvre.
Nous remercions monsieur Bordeaux de nous avoir confirmé l'authenticité de cette œuvre et d'avoir rédigé cette notice.
Notre tableau sera publié dans le supplément du catalogue raisonné de François Le Moyne actuellement en préparation par le professeur Jean-Luc Bordeaux.