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Jacques Villeglé
Description
- Jacques Villeglé
- Boulevard Saint-Martin
- signé et daté
- affiches lacérées sur toile
- 222 x 252 cm; 87 3/8 x 99 1/4 in.
- Exécuté en août 1959.
Provenance
Acquis auprès de celle-ci par le propriétaire actuel
Exhibited
Cologne, Kunstmarkt, 1972
Berlin, Nationalgalerie, Aspekte der 60er Jarhre - Aus der Sammlung Reinhard Onnasch, 1978; catalogue, p. 105, illustré
Cologne, Rheinhallen der kölner Messe, Westkunst 1939-1970, 1981; catalogue, p. 436, no. 562, illustré
Londres, Royal Academy of Arts, Pop Art, 1991; catalogue, p. 230, no. 166, illustré en couleurs
Cologne, Museum Ludwig, Die Pop Art Show, 1992; catalogue, no. 153, illustré en couleurs
Mönchengladbach, Museum Abteiberg, en dépôt 1977-1997 (illustré au catalogue)
Nice, Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain, Nouvel accrochage - Oeuvres de la Collection Onnasch Berlin, en dépôt 1997-1998
Nice, Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain, De Klein à Warhol. Face à face France/Etats-Unis, 1997-1998; catalogue, p. 176
Paris, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, La peinture après l'abstraction, 1999; catalogue, p. 73, illustré en couleurs
Barcelone, Museum d'Art Contemporani, Collection Onnasch. Aspects of Contemporary Art, 2001-2002; catalogue, p. 81
Porto, Museu Serralves, Collection Onnasch. Aspects of Contemporary Art, 2002
Literature
Bestände Onnasch, Berlin, 1992, p. 203
Thomas Crow, The Rise of the Sixties, New York/Londres, 1996, p. 53, no. 36, illustré en couleurs
Dominique Serre-Floersheim, Les Courants littéraires et artistiques, II. Epoque contemporaine. De l'image au texte, Grenoble, 1999, p. 189
Florence Portes, in "Paris Match", 17 juin 1999, p. 32, illustré en couleurs
J. P. in "Le Point", 2 juillet 1999, p. 113, illustré en couleurs
Jacques Villeglé, Villeglé. Sans lettre. Sans figure, Catalogue thématique des affiches lacérées, Neuchâtel, 2004, no. SF 83, pp. 41-42, illustré en couleurs
Condition
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Catalogue Note
signed and dated; torn posters on canvas. Executed in August 1959.
Jacques Villeglé © André Morain
Rue Boulanger/Boulevard Saint-Martin, juin 1959, Collection Musée d'Art Moderne et d'Art Contemporain de nICE
De palissade en plafonnade, le torchon de papier à usage industriel a fait une entrée magistrale et officielle dans l'histoire de l'art
Pierre Restany, in Cimaise, no. 47, janvier-mars 1959
Boulevard Saint-Martin, de 1959, appartient à une des premières séries importantes de Villeglé. Emblématique, celle-ci est exposée dès sa conception dans la 1ère Biennale des Jeunes qui a lieu à Paris au Musée d'Art Moderne de la Ville. Une salle est consacrée aux affichistes : Villeglé, Hains et Dufrêne. Ce dernier occupe le plafond tandis que Villeglé présente ABC du 4 mars 1959 et une grande composition de 218 par 409 cm, prélevée Boulevard Saint-Martin puis divisée en trois parties. L'œuvre Boulevard Saint-Martin, présentée aujourd'hui, est une des ces parties: elle montre une explosion de couleurs arrangées en une composition abstraite qui illustre à quel point la technique des affiches lacérées permet à l'artiste de varier son répertoire formel de manière illimitée. Pour lui, «l'affiche prend de l'intérêt lorsque son objet s'efface. L'image brouillée ou le mot déformé n'agit plus comme un signe, mais tel un phénomène de la logique de l'inconscient, comme incitatif subjectif, avec cette particularité (...) que l'esprit commence confusément, par inventer, alors qu'il cherche à comprendre et ne croit rien faire d'autre.» La technique des affiches lacérées est donc, pour le spectateur, un support à partir duquel son imagination, ses rêves, peuvent se développer, démêlant les fils enchevêtrés de la vie. A l'image de la phrase fameuse d'André Breton dans Nadja (1928), que Villeglé connaissait et citait : «Il se peut que la vie demande à être déchiffrée comme un cryptogramme.»
Car c'est la vie, et tout particulièrement la vie de la rue que Villeglé cherche à représenter. C'est avec Raymond Hains, dès 1949, que ses premières collectes d'affiches ont lieu. Ensemble, ils sélectionnent ces œuvres anonymes nées dans la rue. En avril 1954, Villeglé visite l'exposition de collages de Schwitters à la galerie Berggruen à Paris. Elle le conforte dans son choix de se limiter aux déchets urbains et dans l'idée que le ramassage d'affiches lacérées par des anonymes est aussi une manière différente de construire une œuvre.
La première exposition d'affiches lacérées a lieu en 1957 chez Colette Allendy, elle s'intitule ironiquement « Loi du 29 juillet 1881 ». Hains et Villeglé y titrent et datent leurs œuvres mais refusent de se nommer. Parallèlement, Villeglé refuse de signer, ne cédant que sous la pression commerciale, sa signature équivalant alors à celle apposée à un contrat qui serait établi entre lui et l'acquéreur. Cette démarche est symptomatique d'une volonté de l'artiste de s'effacer derrière l'œuvre. Par son activité, il promeut l'homme de la rue, le colleur d'affiches, le militant politique et le piéton graffiteur. Son intervention consiste à sélectionner l'affiche, choisir le format et décider du cadrage. En 1958, il formalise cette démarche en créant le personnage du Lacéré Anonyme. En s'abritant derrière celui-ci, créateur des œuvres, l'artiste montre qu'il se limite pour sa part à exploiter la collectivité des lacérateurs d'affiches.
Le Lacéré Anonyme devient le titre d'une exposition chez le père de Dufrêne en juin-juillet 1959, à laquelle participent Hains et Dufrêne. Cette exposition représente le premier pas dans l'officialisation de la formation d'un groupe des Affichistes qui sera affilié au Nouveaux Réalistes. Mais c'est véritablement avec la Biennale des Jeunes en octobre 1959, que la reconnaissance de ce mouvement en tant que tel prend forme. La présence des affiches lacérées est un des événements les plus remarqués et les critiques fusent, certaines dénonçant la transformation des musées en dépotoirs à palissades. A cette occasion, Pierre Restany consacre, lui, dans Cimaise l'entrée de ces œuvres dans l'histoire de l'art, et félicite les «poètes-lacérateurs». Aujourd'hui encore, les affiches lacérées de Villeglé, dont Boulevard Saint-Martin est un des plus beaux exemples, offrent à voir une image de la vie traitée d'une manière restée totalement novatrice. Villeglé était conscient d'être un précurseur d'une nouvelle forme d'art qui rejetterait les canons de beauté traditionnels, persuadé que «la peinture de chevalet a fait son temps. Elle vit en ce moment les derniers instants, encore sublimes parfois, d'un long monopole.» (Villeglé, l'affiche lacérée : ses successives immixtions dans les arts, Leonardo, vol.2 no. 1, janvier 1969, p. 44)