Lot 49
  • 49

François Le Moyne

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • François Le Moyne
  • Adam et Eve
  • Huile sur cuivre

Provenance

Très probablement, Cabinet de Villette, trésorier de l'extraordinaire des Guerres (selon une inscription sur la gravure de Laurent Cars);
Louis François de Bourbon-Conti, prince de Conti, Grand Prieur de France (1717-1776);
Sa vente, Paris, 8 avril 1777, no. 688 (hauteur 2 pieds, largeur 1 pied 6 pouces; vendu 6 999 livres);
Acquis à cette vente par Antoine Poullain, Receveur général des Domaines du Roi;
Sa vente, Paris, 15-21 mars 1780, no. 114 (vendu 5 751 livres);
Collection M. Leboeuf [anonyme];
Sa vente, Paris, 8-12 avril 1783, no. 77 (hauteur 24 pouces, largeur 18 pouces; vendu 6 550 livres);
Acquis à cette vente par M. Basset, avocat au Parlement de Rouen;
Sa vente, Paris, 7 avril 1824, no. 174 (comme 'Tableau soigné, l'un des plus beaux du maître, et qui lui valu sa réception à l'Académie').

Literature

Comte de Caylus, Vie d'artistes XVIIIe siècle, édité et annoté par André Fontaine, Paris 1910, cité p. 51;
J.-L. Bordeaux, François Le Moyne 1688-1737, and his generation, Neuilly-sur-Seine 1984, p. 99, cité sous le no. 51.

Condition

The following condition report has been provided by Catherine Polnecq, 12 rue Saint-Sabin - 75011 Paris, Tel: 33 (0)1 48 05 30 53, Email: c.polnecq@hotmail.fr, an independent restorer who is not an employee of Sotheby's. The painting is on a copper perfectly flat, reinforced by a stretcher. The paint surface is very well preserved. There are just a few flakes in the upper right corner. Under an old varnish, uniform and quite thick. UV light: There are some minor scattered retouchings on the apple upper centre (with a small 0,5 cm paint loss), on Eve's right leg, on Adam's chin and neck, under the rabbit and the lion, on the foliage lower left. Essentially this painting is in remarkably good condition.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
NOTWITHSTANDING THIS REPORT OR ANY DISCUSSIONS CONCERNING A LOT, ALL LOTS ARE OFFERED AND SOLD AS IS" IN ACCORDANCE WITH THE CONDITIONS OF BUSINESS PRINTED IN THE SALE CATALOGUE."

Catalogue Note

Notre tableau se présente comme une totale redécouverte dans l'œuvre de François Le Moyne. Connu jusqu'alors par une gravure de Laurent Cars (Paris, Bibliothèque Nationale)1, on perdit toute trace de l'œuvre après 1824, suite à la vente de la collection Basset. On savait seulement que Le Moyne en avait fait une première version de plus grande dimension sur toile (249 x 167 cm), aujourd'hui disparue2, et qu'il reprit ensuite le même sujet, selon le Comte de Caylus (1692-1765), pour en réaliser une seconde en format réduit sur cuivre. Dans son ouvrage sur la vie de François Le Moyne, Caylus fait sans le moindre doute référence à la composition : « Je me souviens d'un Adam et Eve qu'il peignit grand comme nature ; il caressa beaucoup cet ouvrage et le termina avec soin ; il exécuta le même sujet sans aucun changement, mais en petit et sur cuivre ».3 Selon Jean-Luc Bordeaux, il ne s'agit pas d'une simple réduction, mais « d'une commande très spéciale formulée par un grand amateur/curieux, contemporain du peintre. »4 C'est ainsi que l'on retrouve l'œuvre dans la collection du Prince de Conti, cousin de Louis XV, atteignant un prix record de 6 999 livres lors de la dispersion de ses biens en avril 1777.

Formé par son beau-père portraitiste, Robert Levrac-Tournières, et par le peintre Louis Galloche, François Le Moyne remporta le Prix de Rome en août 1711. L'état des finances royales ne permît cependant pas au lauréat de faire le voyage en Italie. Il fut reçu à l'Académie Royale en 1718 avec pour pièce de réception un sujet d'histoire qui le rendit célèbre et lui apporta de nombreuses commandes. En 1719-20, il comptait déjà parmi ses élèves François Boucher et Charles-Joseph Natoire. Le Moyne partit en Italie en 1723 et de retour à Paris, exposa au Salon de 1725 une série de tableaux mythologiques loués par la critique. Il fut alors appelé à réaliser en 1729 le décor du plafond du Salon d'Hercule au Château de Versailles, commande prestigieuse à laquelle il consacra près de quatre années et qui lui permit d'être nommé "Premier Peintre du Roy" en 1736. 

François Le Moyne offre ici au spectateur un nouveau regard sur la nudité et les plaisirs des sens, conférant à la scène une extrême sensualité. Il dessine d'une certaine façon les traits de son idéal féminin, annonçant déjà la célèbre Baigneuse (Saint-Pétersbourg, Musée de l'Hermitage). Un dessin préparatoire à la pierre noire (Musée du Louvre, no. inv. 30510)5 traduit la première pensée de l'artiste et révèle un changement dans la composition. Le Moyne s'intéressa d'abord à la Chute de l'Homme ayant touché au fruit défendu et confronté à la colère de Dieu que l'on distingue dans les nuages. Dans la version définitive, l'accent est mis sur la tentation de Satan, incarné par le serpent à tête d'ange enroulé autour de l'arbre, dont la symbolique du désir et du péché se trouve renforcée par la présence de la chèvre et du lapin. Le lion, couché au pied d'Adam et visible tant dans le dessin sous forme d'ébauche que sur le cuivre et la gravure, s'affirme quant à lui comme le symbole de l'harmonie qui régnait alors au paradis terrestre. Par ailleurs, Jean-Luc Bordeaux suggère également de rapprocher notre tableau d'une autre esquisse à la sanguine d'une tête de jeune fille, très probablement Eve, passée en vente à New York, Sotheby's, 14 janvier 1992, lot 84.

Le thème d'Adam et Eve suscita l'intérêt de nombreux artistes de grande renommée dont les œuvres ont pu inspirer François Le Moyne. La Chute de l'Homme de Titien (Madrid, Musée du Prado) ouvre la voie à une nouvelle approche iconographique de ce passage de la Bible. Le Jardin d'Eden et la Chute de l'Homme peint en 1617 par Pieter Paul Rubens et Jan Brueghel l'Ancien (La Haye, Mauritshuis) révèle des effets de lumière claire et intense que Rubens a su porter sur ses figures, de même on observe chez Le Moyne ces tonalités blondes qui ne sont pas sans rappeler le travail de l'artiste.

Citons par ailleurs un petit tableau de même sujet de Charles-Joseph Natoire, sur cuivre et de dimensions similaires, qui atteste du rapport stylistique étroit entre l'élève et son maître. Il fut exposé au Salon de 1740 sous le titre Adam et Eve après le péché (New York, Metropolitan Museum of Art).

Nous remercions Monsieur Jean-Luc Bordeaux pour son aide dans la rédaction de cette notice. Le tableau sera inclus dans son catalogue raisonné sur François Le Moyne qui paraîtra fin 2010, avec une remise à jour du catalogue de 1984, une étude critique sur l'influence réelle que Le Moyne exerça sur son jeune élève, François Boucher, entre 1720 et 1734, et un addendum comprenant les nombreuses redécouvertes de tableaux et dessins inconnus.

1. Voir J.-L. Bordeaux, op. cit., fig. 50.
2. Le tableau fit partie des collections d'Etienne Bouret, de Jean-Joseph de La Borde, de Laurent Grimod de La Reynière, et de Radix de Sainte-Foye.
3. Comte de Caylus, op. cit., p. 51
4. Dans une correspondance datée du 25 mars 2009.
5. Voir J.-L. Bordeaux, op. cit., fig. 206.


The Adam and Eve presented here is an exciting new addition to François le Moyne's oeuvre. Until now only known for certain through an engraving by Laurent Cars (now in Paris, Bibliothèque Nationale), all trace of the work was lost after the Basset sale in 1824 (see Provenance). It is known that Le Moyne had executed a first version of the subject (on canvas, 249 x 167 cm) which is now lost, and that, according to the Comte de Caylus (1692-1765), he had repeated the composition on copper and with smaller dimensions. In his account of the life of Le Moyne, Caylus clearly mentions the composition: « I remember a life-size Adam and Eve; he took great pains over the work and finished it with care; he returned to the subject, without changing the composition, working on copper though, and in a smaller format. » According to Jean-Luc Bordeaux, the present work is not a more reduction but « a special commission by a contemporary of the painter who must have been a great lover of his work. » The picture thus makes its way into the collection of the Prince de Conti, cousin of Louis XV, and subsequently achieves a record price of 6 999 pounds at the time of his deceased sale, in April 1777.

Trained by his father-in-law, the portraitist Robert Levrac-Tournières, and by the painter Louis Galloche, Le Moyne was adjudicated the Prix de Rome in August 1711. The poor state of the royal finances however, prevented the artist from claiming his prize and making the trip to Italy. He was received into the Académie Royale in 1718 with a history painting which shot him to fame and attracted numerous commissions. In 1719-20 he could already count amongst his pupils François Boucher and Charles-Joseph Natoire. Le Moyne left for Italy in 1723 and on his return to Paris, exhibited at the 1725 Salon a series of mythological paintings which were hailed by the critics. In 1729 he was commissioned to decorate the ceiling of the Hercules Salon at Versailles; the prestigious commission was to take four years and earned the artist the title "Premier Peintre du Roi" in 1736.

François Le Moyne proposes here a new interpretation of nudity and sensory pleasures, endowing the scene with an extreme sensibility. He offers us his vision of the ideal female form which he will return to in his famous Woman bathing, now in the Hermitage, Saint Petersburg. A preparatory drawing on black chalk, in the Louvre (inv. no. 30510), reveals the artist's first thought and shows his compositional changes. In this initial approach Le Moyne was interested in the Fall of Man after touching the forbidden fruit and the subsequent wrath of God which can be made out in the form of the clouds. However, in the painted and engraved versions, the focus centres on the Temptation of the Devil, presented here as a snake with the head of an angel, entwined around the tree. The presence of the rabbit and the goat acts to underline the symbolism of desire and sin. In the drawing the lion can be made out faintly, but in the painting and in the engraving he is clearly visible at Adam's feet and points to the harmony of life in the Garden before the Fall. Bordeaux also links the present work with another sketch on red chalk of the head of a young girl, probably Eve, sold New York, Sotheby's 14 January 1992, lot 84.

The subject of Adam and Eve has always drawn the attention of great artists, many of whose works could have inspired Le Moyne. Titian's Fall of Man (Prado) opened the way to a new iconographic approach to the theme while The Garden of Eden and the Fall of Man by Rubens and Jan Brueghel the Elder (Mauritshuis) revealed the effects of clear and intense light with which Rubens bathes his figures. The blonde tonalities of Le Moyne's work clearly look back at this effect.

A copper of similar dimensions of the same subject can be found in Natoire's oeuvre, testifying to the close link between master and pupil. It was exhibited in the Salon of 1740 under the name of Adam and Eve after their Sin.

We are grateful to Jean-Luc Bordeaux for his help in compiling this entry. The work will be included in his Catalogue raisonné on Le Moyne which will be published end of 2010. The work will present the updated 1984 edition, a critical study on the strong influence which Le Moyne had on the young Boucher between 1720 and 1734, and an addendum comprising all the numerous rediscovered paintings and hitherto unknown drawings.