Lot 44
  • 44

Laurent de La Hyre

Estimate
200,000 - 300,000 EUR
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Description

  • Laurent de La Hyre
  • La défaite des Anglais en l'île de Ré par l'armée française le 8 novembre 1627
  • Signé en bas à gauche: L. De La Hyre

  • Huile sur toile

Provenance

Collection particulière de la région d'Angers depuis plus de soixante-dix ans.

Condition

The following condition report has been provided by Catherine Polnecq, 12 rue Saint-Sabin - 75011 Paris, Tel: 33 (0)1 48 05 30 53, Email: c.polnecq@hotmail.fr, an independent restorer who is not an employee of Sotheby's. The painting and its stretcher are in good condition. It has been correctly relined and the paint surface is well preserved. Good adherence of the paint surface. Light preparation. There is a vertical seam in the centre of the canvas. Some slight flaking in the pink clouds to the left. Some worn on a few groups of figures and in the dark-coloured houses. There is no visible damage, only some small scattered restored paint losses, on the upper, left and right edges. There are two small retouchings along the seam. UV light: Restorations previously mentioned. The painting is in fairly good overall condition.
"In response to your inquiry, we are pleased to provide you with a general report of the condition of the property described above. Since we are not professional conservators or restorers, we urge you to consult with a restorer or conservator of your choice who will be better able to provide a detailed, professional report. Prospective buyers should inspect each lot to satisfy themselves as to condition and must understand that any statement made by Sotheby's is merely a subjective, qualified opinion. Prospective buyers should also refer to any Important Notices regarding this sale, which are printed in the Sale Catalogue.
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Catalogue Note

Cette spectaculaire scène de bataille se présente comme une découverte tout à fait inédite dans l'œuvre de Laurent de La Hyre. Elle illustre une date clé de l'Histoire de France, le 8 novembre 1627, alors que les troupes anglaises établies à l'île de Ré furent anéanties par l'armée française, annonçant un tournant décisif dans la prise de La Rochelle. Outre la signature, une importante gravure de l'artiste relatant le même épisode et dédicacée à Gaston d'Orléans, frère du roi Louis XIII, a permis de rendre à la composition toute sa légitimité (voir fig. 1).1 Cette entreprise unique et pour le moins surprenante propose un nouveau regard sur le travail fondamentalement classique de La Hyre.

Agé d'une vingtaine d'années, le jeune artiste a déjà obtenu quelques commandes mais sa réputation reste à construire. Il choisit alors de s'intéresser à l'actualité de son pays et à cet évènement en particulier. La Hyre cherchait de toute évidence à faire connaître son nom en célébrant la bataille de l'île de Ré dont le retentissement fut international. Afin d'éviter tout revers de fortune, on imagine qu'il s'attela rapidement à la composition et la réalisa en décembre 1627 ou au début de l'année 1628.

Le tableau, comme la gravure, atteste de la même observation minutieuse du site et de l'organisation des deux armées, offrant aujourd'hui un témoignage historique et documentaire non négligeable. Le point de vue sur un vaste paysage que dessinent les marais salants semble s'accorder avec la réalité, suggérant un séjour du peintre-graveur sur les lieux peu après l'évènement. Il est probable que Laurent de La Hyre, ayant étudié les mathématiques et la perspective, ait bénéficié de la protection de quelque grande personnalité du moment pour se rendre sur place, sinon comme ingénieur, au moins comme dessinateur.2

Une telle opportunité pourrait expliquer l'existence de cette composition qu'il choisit de graver à la gloire de Gaston d'Orléans avec l'idée plus que certaine de susciter son enthousiasme et d'en gagner le soutien. La gravure ne fut pas confiée à un éditeur. Elle apparaît dans les inventaires après décès de l'artiste en 1638, 1643 et 1657. Quant à cette imposante et remarquable peinture, elle n'est mentionnée dans aucun document et semble totalement inconnue des historiens d'art.

Le 8 novembre 1627

La Rochelle, haut-lieu des protestants soutenu financièrement par l'Angleterre, offrait une position stratégique évidente, porte d'entrée sur le territoire français. George Villiers, duc de Buckingham, comprenant tout l'enjeu de garder une certaine emprise sur la cité, s'installa dans un premier temps à l'île de Ré avec près de 110 vaisseaux et 6 000 hommes. Ayant pressenti la menace grandissante de l'autorité anglaise, le cardinal Richelieu, ministre de Louis XIII, ordonna le siège de La Rochelle le 10 septembre de la même année, déployant plus de 20 000 hommes autour de la ville et coupant tous les accès par voie terrestre. Le 8 novembre 1627, l'armée anglaise occupant l'île de Ré en vue de soutenir les assiégés est défaite par les troupes françaises avec à leur tête Henri de Schomberg et Toiras, laissant présager la capitulation de La Rochelle qui se concrétisera un an plus tard, le 28 octobre 1628.

Suggérant une vision proprement grandiose du champ de bataille, Laurent de La Hyre refuse de concentrer tous les regards sur un seul régiment comme son homologue Adam Frans van der Meulen. Il choisit ici de rythmer la scène par de nombreux petits groupes de figures dispersés méthodiquement et donne au ciel une place prépondérante. De longues traînées de nuages aux formes parfois capricieuses viennent souligner l'immensité de l'horizon et comble ce vide. S'ajoute à cela une lumière teintée de rose presque poétique en contradiction avec le caractère bien réel de la situation. Un ciel très comparable baignant dans une lumière à la fois douce et contrastée apparaît également dans une autre oeuvre du maître tout à fait caractéristique, signée et datée 1632, Deux chiens dans un paysage (Arras, Musée Saint-Vaast).3 Au premier plan de la composition, un talus avec un arbre brisé retient notre attention, s'affirmant comme l'un des motifs privilégiés de l'artiste, récurant tout au long de sa carrière et trouvant ici tout son sens.

1. Voir P. Rosenberg et J. Thuillier, Laurent de La Hyre 1606-1656, L'homme et l'œuvre, Musée de Grenoble, Musée de Rennes, Musée de Bordeaux, 1988, pp. 146-7, no. 56.
2. En effet, de nombreux ingénieurs furent appelés à mettre leurs connaissances en pratique lorsque fut décidé la construction d'une digue pour couper La Rochelle et ses habitants de tout contact avec le monde extérieur. Ce titre d' " Ingénieur du Roi " était fort convoité à l'époque.
3. Voir P. Rosenberg et J. Thuillier, op. cit., pp. 162-3, no. 75.
4. On retrouve notamment ce motif de l'arbre brisé dans l'angle inférieur gauche de La Conversion de saint Paul, composition signée et datée 1637, et conservée à Paris, Cathédrale Notre-Dame (Voir Ibid., pp. 197-9, no. 137).


Fig. 1: Laurent de La Hyre, La défaite des Anglais en l'île de Ré par l'armée française le 8 novembre 1627, gravure
® Paris, Bibliothèque Nationale